Comparution de Jacques Duchesneau

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Actualité québécoise - Rapport Duchesneau


La comparution du chef de l'Unité anticollusion, Jacques Duchesneau, hier en commission parlementaire, s'est butée à l'épreuve du réel. L'enquête en deux phases qu'il propose est d'une construction complexe, qui risque d'être fort insatisfaisante pour les citoyens et plutôt confortable pour le gouvernement.
L'analyse du rapport Duchesneau n'a pas commencé à 15h hier, mais une heure plus tôt, à l'ouverture de la période de questions à l'Assemblée nationale. Il y fut question d'un scandale, un autre, débusqué par un journaliste. Comment, écrivait hier le Journal de Montréal, la firme Simard-Beaudry, reconnue coupable d'évasion fiscale, a-t-elle pu obtenir plus de 100 millions de contrats du ministère des Transports du Québec?
Questionné par l'opposition officielle, la réponse du ministre Pierre Moreau fut purement légaliste: «Au moment où les contrats ont été octroyés, la compagnie n'avait pas enregistré de plaidoyer de culpabilité.» Donc, elle avait le droit d'obtenir des contrats.
Pourtant, dans ce dossier, on se perd dans les stratagèmes: la reconnaissance de culpabilité a empêché le dévoilement d'éléments sur la place publique, les dirigeants de l'entreprise ont changé et la suite de l'enquête est bloquée par des procédures judiciaires. Au Québec, en 2011, en dépit de toutes les mesures que le gouvernement Charest se vante d'avoir mises en place, on en est encore là. Dans l'inertie.
Cette inertie, Jacques Duchesneau l'a clairement dénoncée hier, dans sa présentation aux députés. «L'heure n'est plus à se taire», a-t-il dit de toutes les manières. Mais parler à huis clos, comme il le propose dans un premier temps, suffira-t-il?
M. Duchesneau voit une passerelle entre la partie privée et la partie publique de la commission d'enquête qu'il soumet: les scénarios répétitifs pourraient être dévoilés au grand jour. Mais il précise aussi que la partie à huis clos «est capable d'avoir sa propre vie». Donc, si on y règle suffisamment de problèmes — car le chef de l'UAC souhaite aussi que la commission ait un rôle «curatif» —, l'essentiel ne viendra jamais aux oreilles du public? Cela ressemblerait drôlement aux reconnaissances de culpabilité qui permettent de fermer des dossiers en douce!
On tourne encore en rond si, comme le dit aussi le chef de l'UAC, le huis clos permet non seulement de protéger des témoins qui ont peur, mais aussi des réputations. Cela fait plus de deux ans que le gouvernement Charest nous sert cet argument pour n'avancer qu'à très petits pas! Concrètement, cela signifie donc que ce sera encore aux médias de porter l'odieux de donner des noms, comme ils le font maintenant depuis des mois, avec tous les risques juridiques que cela comporte.
M. Duchesneau est un homme habile, qui cherche une manière d'amener le gouvernement à agir. Mais dans ce dossier, les libéraux ressemblent encore aux employés du ministère des Transports, ceux qui ouvraient de grands yeux quand, à son arrivée, M. Duchesneau leur avait parlé de crime organisé. À entendre les questions insignifiantes posées hier par les députés libéraux, cet homme, pour eux, vient toujours d'une autre planète!
À l'inverse, M. Duchesneau pèche par angélisme avec son appel à la réconciliation des partis politiques pour lutter contre la collusion et le crime organisé. C'est quand même un diagnostic politique qui forme l'armature de son rapport: la réingénierie, clé de voûte du gouvernement libéral, présente des failles, béantes, par lesquelles malversations et mauvaises pratiques se sont engouffrées. Le vrai changement devra venir de là. Et cette partie du message, le gouvernement Charest ne l'a toujours pas entendue.


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