Péréquation: Ottawa contredit Québec

Charest doit se retirer du Conseil de la fédération, dit Marois

Péréquation - louvoiement libéral

Québec et Montréal -- Dès le début du mois de novembre, Ottawa avait pleinement informé Québec des conséquences de la nouvelle formule de péréquation qui sera adoptée le 27 janvier, a soutenu hier le cabinet de Stephen Harper, contredisant ainsi ce que Jean Charest a affirmé vendredi. «Le ministre des Finances [Jim Flaherty] avait donné toute l'information nécessaire afin que les gouvernements provinciaux puissent ajuster leur budget», a indiqué hier le porte-parole de Stephen Harper, Dimitri Soudas.
Pourtant, vendredi, au terme de la rencontre fédérale-provinciale sur l'économie, le premier ministre du Québec avait déclaré qu'en novembre, Ottawa ne l'avait que partiellement informé à ce sujet. Selon la version de M. Charest, début novembre, le gouvernement Harper aurait indiqué un «ordre de grandeur» des pertes de revenus que la formule entraînerait, mais pas le détail de la nouvelle formule qu'il comptait adopter.
M. Charest justifiait ainsi qu'en pleine campagne électorale il ait pu déclarer: «On m'informe que Mme Marois aurait affirmé que ce serait une réduction de 1 milliard pour l'année 2009-2010; l'information exacte, confirmée par le fédéral, c'est qu'il y aurait une variation de 75 millions.» Or, dans le texte même de l'énoncé fédéral du 27 novembre, l'estimation de la perte de revenus pour le Québec s'apparentait davantage à celle que la chef péquiste avait avancée à l'époque.
Mais au bureau du premier ministre Harper, on était formel, hier. «On ne déclare pas quelque chose "raisonnable" [comme la ministre Jérôme-Forget l'avait fait en novembre] quand on ne sait pas de quoi on parle. Or Québec savait et a trouvé le changement "raisonnable"», a indiqué M. Soudas. Dans l'entourage de M. Charest, on maintenait que Québec n'avait pas pu à l'époque examiner la nouvelle formule. Celle-ci devrait vraisemblablement faire partie de la prochaine loi sur le budget fédéral 2009-2010, qui sera déposée le 27 janvier.
Au reste, les frictions entre Ottawa et Québec sont de plus en plus publiques. Lors de la conférence de presse de vendredi au sortir de la rencontre fédérale-provinciale, Jean Charest s'attendait à parler après Stephen Harper. Or, lorsque ce dernier a terminé son point de presse, Dimitri Soudas a donné la parole à Gordon Campbell, premier ministre de Colombie-Britannique, ce qui a été qualifié «d'étrange» par l'entourage de M. Charest. «Il n'y a jamais d'ordre spécifique, mais le premier ministre [Charest] était prêt à aller parler quand, étrangement, M. Soudas a donné la parole à M. Campbell», a confié hier l'attaché de presse de Jean Charest, Hugo d'Amours. Même s'il n'était pas là à titre de président du Conseil de la fédération (CDF), M. Charest aurait dû, selon certaines sources, parler après M. Harper. Au bureau de ce dernier, on a justifié le choix de donner la parole à M. Campbell en disant que ce dernier avait «six heures d'avion à faire» pour rentrer à Victoria.
Sortir du Conseil de la fédération
L'épisode montre que Jean Charest n'a plus de rapport de force par rapport à Stephen Harper, a soutenu la chef de l'opposition officielle, Pauline Marois, hier à Montréal. Le démontre bien le fait que Jean Charest s'y soit présenté avec une motion adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale -- exigeant entre autres choses le maintien de la méthode actuelle de calcul du programme de péréquation -- et qu'au terme, Ottawa n'ait pas bronché. Selon Mme Marois, le «fédéralisme d'ouverture» du gouvernement Harper se mue actuellement en un «fédéralisme prédateur».
La chef péquiste reproche au premier ministre d'avoir «sabordé lui-même son rapport de force» à l'endroit du fédéral. Jean Charest a «refusé entre autres de lever le ton face à Ottawa quand il y a eu un énoncé politique, je dirais, doctrinaire de Jim Flaherty. [...] Jean Charest a agi contre les intérêts du Québec en ne s'intéressant pas à la formule de péréquation inscrite dans l'énoncé fédéral du 27 novembre dernier. Il est pourtant précisé, à la page 58 de ce document, que le programme de péréquation sera amputé et que c'est le Québec qui en souffrira le plus [à hauteur d'un milliard].»
Une des causes de la «dilution» des positions québécoises, aux yeux de la chef péquiste, est le Conseil de la fédération, auquel le Québec ne devrait plus participer. Ce regroupement des premiers ministres provinciaux, présidé actuellement par M. Charest et créé à son initiative en 2003, empêche le Québec de s'affirmer comme il se doit, croit-elle.
Six ans après la fondation de cette instance, Mme Marois conclut qu'il s'agit d'un «outil complètement inutile [...] qui affaiblit le rapport de force du Québec puisqu'on l'oblige souvent à plier sur certains enjeux pour atteindre un consensus pancanadien des provinces».
Le Conseil s'est réuni la veille de la rencontre fédérale-provinciale, jeudi, mais sans grand résultat, a déploré Mme Marois.
Pour elle, Québec devrait concentrer son énergie à déployer des relations bilatérales avec Ottawa. «Le Québec ne pourra rétablir son rapport de force qu'en étant sérieux à chaque fois. Arrêtons de vouloir protéger la relation avec Ottawa quand Ottawa ne répond pas aux attentes du Québec et va même contre nos intérêts. Il faut que M. Charest se tienne debout pour s'assurer que le Québec soit respecté dans sa différence.»
Le Conseil s'est avéré improductif sur la question du financement de l'éducation postsecondaire, a-t-elle fait remarquer. En 2005, le CDF a fixé comme priorité de régler ce problème. «Or, cette question est toujours en suspens. Ça démontre bien que le Conseil n'est pas pris au sérieux par le gouvernement fédéral.»
Cette demande de la chef péquiste a été rejetée du revers de la main hier, par le bureau de Jean Charest. «Même si on fait partie du Conseil, cela n'a pas empêché le premier ministre de dire ce qu'il pensait de la nouvelle formule de péréquation», a rétorqué Hugo D'amours. Il a qualifié de «bizarre» l'idée selon laquelle le Québec ne pourrait avoir des relations bilatérales parce qu'il fait partie du CDF. «On doit avoir les deux», a-t-il dit.
Pendant la campagne électorale de 2007, le chef adéquiste, Mario Dumont, avait aussi défendu l'abolition du Conseil de la fédération. Il y a un an, il reprenait ce cheval de bataille, soutenant qu'il serait «beaucoup plus utile» au premier ministre de concentrer «ses énergies à travailler à rendre [...] statutaires les conférences des premiers ministres» que de «travailler dans une espèce» de CDF où les premiers ministres «se posent en lobbyistes, où finalement, dans bien des cas, le Québec est obligé d'ailler diluer ses positions».


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