Pénurie d'infirmières

Qui éclairera notre lanterne ?

Tribune libre

A force d'entendre répéter que les problèmes du système de santé découlent d'une pénurie d'infirmières créée de toutes pièces, selon les libéraux, par les politiques de départs à la retraite du gouvernement du PQ, on peut finir par être tenté d'aller voir ce qu'il en est en consultant les statistiques. J'avoue d'ailleurs l'avoir fait, il y déjà plus d'un an, après avoir entendu M. Charest le marteler sur le ton de l'évidence pendant le débat des chefs aux dernières élections générales. Je crois d'ailleurs me rappeler que les résultats de mes recherches ne semblaient pas indiquer un problème aussi flagrant qu'il devrait l'être, du moins si l'on s'en tenait aux propos du premier ministre.
Bien que l'esprit du temps soit aujourd'hui plus critique envers M. Charest, il est encore assez difficile d'échapper à cette hypothèse : la question de la pénurie du personnel infirmier est désormais relayée par tous les médias.
C'est pourquoi j'ai tenté de refaire l'exercice, ravivant du même coup le pénible souvenir de ces misérables élections. Je n'ai malheureusement pu glaner – exercice sans doute trop rapide - que ces quelques résultats :
* Atlas du Canada, diagramme à barres montrant les ratios d'habitants par infirmière/infirmier autorisé (travaillant dans le domaine des soins de santé) dans les provinces et territoires, 1999, consulté à http://atlas.nrcan.gc.ca/site/francais/maps/health/resources/nursing/nursing_figure9.gif/image_view, où l'on observe un ratio plus faible pour le Québec que pour l'ensemble du Canada et plus faible au Québec qu'en Ontario. On notera que ces statistiques se rapportent à la situation après les départs à la retraite de 1997-1998.
* Institut canadien d'information sur la santé (ICIS), tableau montrant le nombre d’infirmières autorisées par 10 000 habitants selon la province ou le territoire d’inscription, Canada, 2001 disponible dans le rapport Nombre et répartition des infirmières et infirmiers autorisés au Canada, 2001, consulté à http://secure.cihi.ca/cihiweb/dispPage.jsp?cw_page=AR_20_F, où l'on observe (voir le tableau 1.1) un nombre d'infirmières autorisées par 10000 habitants plus élevé au Québec qu'en Ontario et que dans l'ensemble du Canada. On retrouve d'ailleurs des chiffres semblables pour les années 2000 et 2002.
* Santé et Services sociaux Québec, diagramme montrant le personnel infirmier pour 1000 habitants, selon la catégorie de personnel, Québec et ensemble du Canada, 2006, consulté à http://wpp01.msss.gouv.qc.ca/appl/g74web/statistiques.asp#Comparaisonsinterprovinciales, où l'on peut lire que « Le Québec occupe une position relativement favorable à celui de l'ensemble du Canada en ce qui a trait au nombre d'infirmières et infirmiers autorisés par 1000 habitants. Le nombre d'infirmières et infirmiers auxiliaires par 1000 habitants est comparable à celui du Canada. »
Si, selon les chiffres présentés ci-dessus (certes incomplets, probablement à nuancer), la proportion d'infirmières par habitant au Québec a été relativement comparable (ou même favorable) à celle du Canada dans son ensemble, il est encore utile de se demander, à l'écart des formules creuses - « c'est la faute aux péquistes » est, dans ce registre, un assez bel exemple - pourquoi la situation du système de santé y serait plus désavantageuse. Fabulation ? Problèmes d'affectation du personnel ? Pénuries localisées ? Manque de ressources ? Bureaucratie inefficace ? Gestion déficiente ?
Il serait certainement du plus grand intérêt d'obtenir l'heure juste sur cette question. D'ici là, parler sans plus de précision de « pénurie du personnel infirmier » s'apparente à mes yeux à une simplification abusive dont le principal avantage, pour certains, est de faire reposer l'entière responsabilité de l'état actuel du système de santé aux gouvernement passé du PQ.
S. Maréchal


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1 commentaire

  • Marcel Haché Répondre

    19 mars 2010

    On devrait parler des « pénuristes » comme des « déclinologues ».
    Les pénuristes ont trouvé un faux alibi pour justifier de plus en plus d’immigration, et pour passer sous silence qu’ils sont souvent de véritables multiculturalistes.
    À cet égard, la gauche syndicale et la droite patronale ont intérêt à laisser aller ce discours bâtard. Et c’est très habilement—ne le voit-on pas ?-- que Gesca et RadioCan prennent le relais et passent le micro à tous les pénuristes. Qu’ils soient de gauche ou de droite leur importe peu : il s’agit d’une mise en condition de l’opinion publique.

    La « pénurie » permet aux syndicats de justifier et d’ajouter à leurs réclamations—manque d’infirmières, mal payées, mal utilisées etc—en même temps que cela permet aux fameux gestionnaires de la fonction publique du Québec de s’excuser, de n’est pas être capables de faire plus avec moins de personnel. Mais cela permet surtout au « privé », enfin, de s’approcher d’un peu plus près de l’assiette au beurre des immenses budgets de la « santé ».La gauche est instrumentalisée.
    Les libéraux sont inexcusables, certes, mais ils ne sont pas les seuls menteurs. Et bien des perroquets répètent pis pètent…