Pas si vite

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Le bon sens même

L’or, qu’il soit doré ou noir, fait rêver, la preuve étant ce manifeste publié ce mercredi dont les signataires demandent au gouvernement Marois d’autoriser dès maintenant l’exploration des ressources pétrolières en Gaspésie et dans le golfe du Saint-Laurent. Il faudra un jour y venir, mais ne brûlons pas les étapes. Trop d’informations manquent pour prendre une décision éclairée aujourd’hui.

Les signataires de ce manifeste, parmi lesquels se trouve l’ex-premier ministre Bernard Landry, sont plus qu’enthousiastes quant aux perspectives d’une exploitation des ressources pétrolières du sol québécois. Son titre, « Pour tirer profit collectivement de notre pétrole », dit tout. À les en croire, on aurait tout à perdre à ne pas agir.

La démonstration qui y est faite quant aux retombées économiques, fiscales et sociales est imparable. Notre dépendance au pétrole étant là pour encore plusieurs décennies en dépit des efforts qui seront faits pour s’en libérer, le Québec n’a pas le luxe de laisser sur la table des redevances qui lui permettraient de réduire substantiellement son déficit commercial et sa dépendance à la péréquation. Les Québécois s’enrichiraient personnellement et collectivement ; peut-être pas autant que les Norvégiens, mais ils s’en porteraient mieux.

Ce manifeste ne s’adresse bien sûr que rhétoriquement au gouvernement Marois déjà acquis à cette idée. Le souhait est de le voir accélérer le pas pour passer de l’étape des études à celle de l’exploration. Ceux que l’on veut convaincre sont plutôt les Québécois qui ont des réserves ou qui sont opposés à toute exploitation pétrolière en raison de la fragilité des milieux naturels du golfe du Saint-Laurent.

Ceux-là, et ils sont tout de même nombreux et actifs, ne seront pas convaincus que par la seule perspective de retombées économiques. Comme le disait l’écologiste David Suzuki, le golfe du Saint-Laurent est un sanctuaire dont l’écosystème pourrait être bouleversé pour des décennies alors que l’exploitation du pétrole ne durerait que quelques années. À cet égard, le manifeste n’apporte pas d’arguments, si ce n’est pour demander l’adoption d’un cadre réglementaire reposant « sur de hauts standards de protection de l’environnement ».

Quels seraient ces « hauts standards » ? Les auteurs du manifeste ne précisent pas parce qu’ils ne le savent pas et qu’ils ne peuvent le savoir, n’étant pas des experts de ces questions. Mais, pour prendre une décision éclairée, il faudra pouvoir évaluer les risques liés à ces activités et les mesures d’atténuation. Là-dessus et sur bien d’autres questions, les réponses manquent, comme l’a montré l’évaluation environnementale stratégique sur le Saint-Laurent réalisée par Génivar. Son rapport déposé en septembre notait l’absence de données factuelles précises pour avoir « une appréciation optimale des effets sur l’environnement » de projets d’exploration ou d’exploitation pétrolière.

Le débat public que veulent engager les signataires du manifeste, s’il est bienvenu, ne pourra toutefois être productif s’il ne s’accompagne pas d’une réflexion structurée sur l’ensemble des questions en jeu. Notamment, il faut pondérer les avantages économiques en regard des risques environnementaux. Il faut déterminer les zones à protéger pour leur valeur sur le plan de la diversité biologique, comme cette zone dite banc des Américains au large de Percé qu’Ottawa envisage de désigner aire marine protégée.

Cette démarche est essentielle pour assurer un degré élevé d’acceptabilité sociale à une éventuelle exploitation pétrolière dans le golfe. Pour être crédible, l’exercice devra être confié à un groupe d’experts indépendants pour garder le débat loin de toute partisanerie politique ou idéologique.


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