Pas question de «dénationaliser» Montréal

Le français — la dynamique du déclin

L'auteur est d'avis que le Québec ne saurait être cassé en deux avec, d'une part, une métropole désormais seule dépositaire de la modernité et, d'autre part, des régions assimilées au «pittoresque canadien-français».
Dans la même journée, mais dans deux villes différentes, nous avons pu entendre deux personnalités issues du milieu de la culture affichant deux visions différentes de l'avenir du français: Luc Plamondon, qui s'inquiète de l'avenir du français dans la métropole québécoise, et Gilbert Rozon qui, au contraire, souhaite relancer le débat sur la nécessité pour Montréal de capitaliser sur son bilinguisme pour regagner un statut de grande métropole nord-américaine.
Ce débat est tout, sauf neuf, et il correspond à une vieille obsession mal fondée des milieux d'affaires pour qui le français, langue de culture, ne saurait être pris au sérieux comme langue de développement économique. Un débat qui risque de connaître une nouvelle vitalité puisqu'il semble correspondre à l'état d'esprit d'une partie des élites de la métropole exaspérée par les contraintes historiques du cadre québécois.
En effet, chez de nombreux partisans du bilinguisme intégral, il faudrait «se réinventer», dénationaliser Montréal et lui permettre de se développer selon sa dynamique propre, sans l'intégrer dans une perspective plus vaste de développement national québécois. Les plus enthousiastes envisagent même pour Montréal un destin de métropole mondialisée dont les appartenances métissées de ses citoyens serviraient une nouvelle identité inscrite tout naturellement dans le réseau cosmopolite des métropoles postmodernes. D'autres encore considèrent que l'identité nationale relève désormais de la préhistoire de la démocratie, et qu'une une nouvelle société devrait maintenant naître dans une hybridité bilingue et multiculturelle.
Inquiétante vision
C'est une vision de Montréal qui m'inquiète. Il m'apparaît au contraire essentiel de réaffirmer de façon claire, notamment auprès des nouveaux arrivants, que Montréal est une métropole francophone au coeur de la nation québécoise, un statut que lui confère d'ailleurs l'article premier de la Charte de la Ville de Montréal.
Le problème de l'intégration des nouveaux arrivants se pose, et continuera de se poser de façon plus importante, si ceux-ci sont uniquement invités à s'intégrer à la culture métissée d'un Montréal devenu multiculturel.
Cette tentation multiculturelle est forte, hégémonique même au sein de certaines élites. Elle n'en est pas moins contradictoire avec le destin québécois de la seule métropole francophone en Amérique du Nord, faut-il le rappeler. Car c'est l'enracinement de Montréal dans la nation québécoise qui lui donne son caractère unique si souvent louangé à l'échelle continentale.
Même si Montréal possède un statut à part dans la réalité nationale québécoise, elle est néanmoins appelée à y jouer un rôle, non pas de métropole bilingue d'une société multiculturelle, mais bien de métropole francophone de la nation québécoise. Le Québec ne saurait être cassé en deux avec, d'une part, une métropole désormais seule dépositaire de la modernité et, d'autre part, des régions assimilées au «pittoresque canadien-français».
Il faut au contraire que Montréal et les régions établissent et maintiennent une collaboration en termes notamment de développement économique et culturel qui permettrait à l'ensemble de la nation québécoise de mieux rayonner sur la scène internationale.
Le Québec est un tout et Montréal appartient à ce tout. Montréal est une métropole francophone et elle doit le rester.
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Gilles Grondin, conseiller de la ville de Montréal
District du Vieux-Rosemont


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