Parlons démocratie

La représentativité à l’Assemblée nationale souffre aussi d’un déficit démocratique, mais de moindre amplitude que celui observé au fédéral.

Tribune libre 2012


Depuis la dernière élection fédérale du 2 mai 2011, les médias ont parlé sans nuance de la victoire des Conservateurs, maintenant majoritaires à la Chambre des Communes. C’est un fait que les règles électorales actuelles permettent une telle interprétation. Mais, qu’en est-il en réalité ? À ce sujet, le site internet d’Élections Canada contient une foule de données fort intéressantes. Ainsi, sur les 24 257 592 électeurs inscrits sur les listes électorales fédérales en 2011, seuls 14 823 408 électeurs se sont prévalus de leur droit de vote, soit un taux de participation de 61,1 %. Donc, 9 434 184 personnes dûment inscrites n’ont pas voté à cette élection. C’est énorme et significatif, compte tenu que la victoire des Conservateurs repose sur 5 814 374 voix ! Cette situation perdure dans le temps. Les quatre dernières élections fédérales, 2011, 2008, 2006 et 2004, montrent le même profil, avec l’abstention d’une moyenne de 9 027 924 électeurs. Le problème est suffisamment criant pour que Statistique Canada s’y intéresse en publiant récemment (février 2012) une étude intitulée « Facteurs associés à la participation électorale ». Si voter est un droit, on s’entend que c’est aussi un devoir nécessaire à la santé démocratique d’un État.
Tout aussi dérangeant est le fait que sur les 308 circonscriptions fédérales, 166 circonscriptions, soit 53,9 % de celles-ci, ont été allouées aux Conservateurs le 2 mai 2011, alors que le nombre de voix en leur faveur se limite à 39,6 % des voix exprimées. À la lumière des déficiences non équivoques de la représentativité non proportionnelle, que faut-il penser de la « majorité » du gouvernement conservateur à la Chambre des Communes ?
Ce gouvernement a-t-il la légitimité requise pour chambouler le pays en imposant toutes les orientations et les valeurs qui lui sourient, alors que les principaux partis de l’opposition, néodémocrates, libéraux, bloquistes et les verts regroupent 8 725 978 électeurs…? À quand une véritable opposition officielle ?
Le Québec se démarque nettement du fédéral en ce qui a trait aux taux de participation. D’après les données du Directeur général des élections du Québec (DGEQ), le taux de participation moyen des électeurs québécois aux 21 élections générales qui ont eu lieu entre l’élection provinciale de 1931 et celle de 2007 s’élève à 77,5 %, atteignant même 85,4 % en 1976, l’élection de tous les espoirs ! Toutefois, à l’élection générale du 8 décembre 2008, quelque 2 442 897 électeurs québécois inscrits sur les listes électorales ne se sont pas présentés aux urnes, si bien que le taux de participation, historiquement élevé au Québec, s’est établi à aussi peu que 57,4 %. Ce désistement soudain a été très peu – trop peu – documenté. Ce n’est pas banal de constater que le nombre d’électeurs dits « passifs » surpasse de plus d’un million les 1 366 046 votes accordés aux libéraux en 2008 ! La représentativité à l’Assemblée nationale souffre aussi d’un déficit démocratique, mais de moindre amplitude que celui observé au fédéral. Les libéraux ont obtenu 42,1 % des voix, ce qui leur a permis de remporter 66 circonscriptions sur 125, soit 52,8 %. Dans un monde se rapprochant le plus possible de l’idéal démocratique, le nombre de circonscriptions allouées aux candidats d’un parti victorieux devrait correspondre le plus possible aux votes exprimés en leur faveur. Tout parti politique un tant soit peu progressiste devrait faire de cette question un engagement irrévocable, l’objet de l’article 1 de son programme électoral, avant toute autre considération.
Au plus tard en 2013, vraisemblablement à l’automne 2012, les électeurs québécois seront appelés à élire un nouveau gouvernement provincial. Les sondages favorables à l’élection du Parti québécois ont fait taire les critiques acerbes contre le parti et sa chef et calmé la frénésie des démissions et la tentation de créer de nouveaux partis politiques. Aucun nouveau parti politique ne pourra faire la différence aux prochaines élections. Il a fallu huit ans (1968-1976) au Parti québécois pour acquérir crédibilité et légitimité, toutes deux maintenant bien établies, depuis la création par René Lévesque en 1967 du Mouvement pour la souveraineté-association (MSA). Ce parti a tout ce qu’il faut pour rassurer un électorat qui croit aux vertus de l’alternance du pouvoir et à la real politic.
Car l’objectif prioritaire est de battre les libéraux envers et contre tout. À droite, la Coalition avenir Québec (CAQ) donnera asile aux libéraux désabusés, et à gauche, l’Option nationale (ON) va circonscrire Québec solidaire dans les limbes de la vie politique. Ces nouvelles formations politiques animées par deux ex-péquistes en service commandé permettront selon toute probabilité de propulser le Parti québécois sur les banquettes ministérielles. Je ne peux qu’admirer les fins stratèges de la mouvance souverainiste !!!
Du coup, la scène politique, tant fédérale que provinciale, vient de faire un saut qualitatif remarquable. Au fédéral, le Québec est de nouveau, grâce au Nouveau parti démocratique, un acteur majeur, et au provincial, un changement de gouvernance sera certainement salutaire, après plus de neuf ans d’allégations de scandales de toutes natures.
J’ai déjà hâte aux prochaines élections !
Yvonnick Roy
Québec

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