Panne de moteur

Rien n'a été fait depuis pour tenter d'infléchir cette tendance, bien au contraire.

Le français — la dynamique du déclin


Il ne faut surtout pas tirer de conclusion prématurée des récentes études de l'Office québécois de la langue française, s'est empressé de déclarer le premier ministre Charest. Après tout, elles indiquent simplement que Montréal ne sera plus une ville majoritairement francophone dans vingt ans. Il n'y a pas de quoi en faire un plat, n'est-ce pas? D'ailleurs, grâce au Plan Nord...
La ministre responsable de la Charte de la langue française, Christine St-Pierre, à qui le Mouvement Montréal français a décerné le prix Autruche 2011, a semblé s'interroger un bref instant sur la pérennité du français, mais elle a rapidement trouvé matière à se réjouir.
Il est vrai que 51 % des immigrants qui cessent d'utiliser leur langue maternelle à la maison choisissent maintenant le français. Le problème est que les immigrants de langue maternelle autre que le français et l'anglais — soit 84 % des nouveaux arrivants entre 1996 et 2006 — conservent en très grande majorité leur langue maternelle à la maison. Au total, les transferts vers le français demeurent donc très minoritaires.
D'ailleurs, même si les allophones sont en mesure de parler français à l'extérieur de la maison, il serait à la fois injuste et illusoire de s'en remettre à eux pour assurer la primauté du français. Bien sûr, on peut tomber amoureux d'une langue et s'en faire le défenseur, mais sans une masse critique de gens dont c'est la langue maternelle, l'attraction universelle de l'anglais ne peut être contrée.
En réalité, les chiffres publiés à la sauvette vendredi dernier confirment simplement ceux qu'on avait tenté de cacher en 2008. À l'époque, le démographe Marc Termote prévoyait déjà que la «dynamique de déclin» dans laquelle les francophones étaient engagés entraînerait leur mise en minorité à Montréal dès 2021. Rien n'a été fait depuis pour tenter d'infléchir cette tendance, bien au contraire.
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«Il ne faut pas sous-estimer l'importance du défi que représentent des flux annuels de 45 000 et a fortiori de 55 000 immigrants», avait expliqué M. Termote, soulignant qu'avec 45 000 nouveaux arrivants chaque année, le Québec en accueillait déjà deux fois plus par habitant que les États-Unis et trois plus que la France.
Durant la campagne à l'élection partielle de 2008 dans Bourget, Maka Kotto avait comparé Mario Dumont à Jean-Marie Le Pen pour avoir suggéré de «geler» à 45 000 le nombre d'immigrants admis annuellement au Québec en raison du «recul du français à Montréal».
La Coalition pour l'avenir du Québec de François Legault propose la même «pause». Personne n'a encore comparé François Legault à l'ancien chef du Front national, mais ce n'est peut-être que partie remise.
Les chiffres officiels pour les États-Unis ne tiennent évidemment pas compte de l'immigration clandestine, qui est par définition impossible à quantifier, mais on devrait convenir aisément que le Québec n'a pas la capacité d'intégrer autant d'immigrants par habitant que le pays du melting pot par excellence. D'autant moins qu'ils s'installent toujours massivement sur l'île de Montréal, malgré une progression dans la couronne.
Il n'y a là aucun blâme jeté sur les immigrants, mais simplement l'admission de notre faiblesse collective. Tout le monde reconnaît l'inestimable apport des communautés culturelles, mais on a si bien entretenu notre mauvaise conscience depuis le soir du référendum de 1995 qu'on en arrive à assimiler le simple bon sens à du racisme.
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Depuis 2003, tout a été dit sur la procrastination du gouvernement Charest en matière de protection du français, mais il n'a jamais eu à en payer le prix politique. Force est de constater que la langue n'a plus l'effet mobilisateur de jadis.
Dans le passé, la population était plus exigeante envers un gouvernement fédéraliste, comme si le maintien du Québec au sein de la fédération canadienne devait trouver sa contrepartie dans une plus grande vigilance dans le dossier linguistique. En 1988, Robert Bourassa avait même dû prendre le risque de saboter l'accord du lac Meech en recourant à la clause dérogatoire pour apaiser l'inquiétude créée par le jugement de la Cour suprême sur l'affichage commercial.
Le gouvernement Charest, lui, a légalisé les écoles passerelles sans coup férir. Plus personne ne se formalise qu'il ait abandonné les mesures de protection supplémentaires qu'il avait promises en retour. Alors que le Québec peine à franciser ses immigrants, le gouvernement leur offre des cours d'anglais pour améliorer leur employabilité.
Depuis l'adoption de la loi 101, le PQ n'a jamais eu un programme aussi énergique en matière de langue que celui proposé par Pauline Marois. Aucun de ses prédécesseurs, y compris Jacques Parizeau, n'aurait osé aller aussi loin. Pourtant, le PQ n'a jamais été en aussi mauvaise posture.
Depuis toujours, la question linguistique a été le grand moteur du mouvement souverainiste. Si elle n'allume plus, pas étonnant qu'il soit en panne.


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