Oui, il faut déposer les armes

"À mes amis souverainistes" - Alain Dubuc

À l'ère du IPod, de Facebook et de l'individualisme forcené, François Juteau s'interroge: «Comment penser qu’un projet (l’indépendance) qui s’appuis (sic) sur l’altruisme suprême (le sacrifice de l’individu pour assurer le bien-être et l’avenir de la nation) ait une quelconque chance de succès?» (Archives La Presse)

Je ne pensais jamais être un jour en accord avec un texte d'Alain Dubuc sur la question nationale, mais je dois dire que [l'extrait de son livre que La Presse a publié lundi dernier vise dans le mille->13393]. Dans cet extrait, il recommande aux souverainistes d'abandonner carrément l'idée de faire l'indépendance (tout en demeurant, s'ils le désirent, convaincus de la validité de leur option constitutionnelle, l'un n'empêche pas l'autre, en effet) pour se concentrer sur les meilleurs moyens de faire avancer le Québec d'aujourd'hui tout en respectant le contexte socio-politique où nous vivons.

Pour ma part, ancien président régional du Parti québécois en Montérégie (1985-86), ancien président de conseil exécutif de comté, militant du OUI aux référendums de 1980 et 1995 et du NON à celui de Charlottetown, en 1992, militant souverainiste actif pendant 11 élections - fédérales et provinciales - et membre d'exécutifs du Parti et du Bloc québécois aux niveaux régional et local jusqu'en 2003, je ne peux que souscrire à cette analyse, même si ses conclusions ne plaisent pas à quelqu'un qui, comme moi, a consenti un engagement personnel (et financier) important pour la souveraineté durant un quart de siècle. C'est un choix désagréable à faire, mais c'est un choix inévitable pour enfin sortir des ornières de la querelle stérile et des jérémiades perpétuelles, et construire un vrai pays qui tienne debout et qui ait des chances de succès.
J'ai commencé à douter sérieusement du dogme souverainiste après la défaite électorale de 2003, et plus encore lors de l'avènement de la stratégie «jusqu'au-boutiste» endossée par le congrès péquiste de 2005 et soutenue par André Boisclair lors de son calamiteux passage à la chefferie du Parti (promesse d'un référendum sur la souveraineté dans la première partie d'un mandat électoral du PQ). Déjà, le fait qu'on persiste à parler de «souveraineté» (terme passe-partout, volontairement ambigu, mais qui ne veut pas dire grand-chose dans les faits) plutôt que d'indépendance, me mettait la puce à l'oreille.
Et durant tout ce temps, tout ce qu'on trouvait à fournir aux militants comme outils de promotion de l'indépendance (alias la souveraineté), c'est une série d'argumentaires plus ou moins valables, le plus souvent à saveur économique («on peut être souverains car on en a les moyens») et farcis de données financières et statistiques, qui pourront peut-être faire bien des choses, mais sûrement pas inculquer le désir de la nation à un citoyen récalcitrant.
À l'ère du iPod et de Facebook
Après tout, si vous désirez épouser une personne qui ne manifeste aucune espèce d'intérêt envers vous, croyez-vous pouvoir lui faire changer d'avis en lui démontrant qu'elle a parfaitement les moyens financiers de vous épouser? Poser la question, c'est y répondre, et ce n'est pas à force d'arguments, aussi fouillés et rationnels soient-ils, qu'on arrivera à créer ex-nihilo un sentiment national là où il n'existe pas. Bien plus, à l'ère du iPod, de FaceBook et de l'individualisme forcené, comment penser qu'un projet qui s'appuie sur l'altruisme suprême (le sacrifice de l'individu pour assurer le bien-être et l'avenir de la nation) ait une quelconque chance de succès?
Voyez comment les citoyens du Québec ont réagi aux projets de réduction des impôts, qui auraient peut-être diminué le fardeau fiscal honteusement écrasant de la minorité d'entre nous qui alimentons la vache à lait, mais qui auraient certainement mis en sérieux péril la pléthore de distributions "gratuites" de biens et services de tous nos beaux programmes gouvernementaux "pour les plus démunis", qui ne paient aucun impôt de toute façon? La mentalité "après nous le déluge" et "au plus fort la poche" n'est sûrement pas porteuse d'un sentiment d'urgence pour créer la nation, avec tous les risques que peut engendrer un changement aussi radical de la nature de l'État qui gouverne nos vies! À l'instar du désir amoureux que j'évoquais ci-dessus, le désir de la nation est, de par sa nature même, un désir hautement subjectif, et ce ne sont ni les arguments soi-disant "objectifs" ni les discours faussement rationnels qui arriveront à l'imposer. ()
Encore récemment, les fausses crises montées de toutes pièces par les partis souverainistes (la soi-disant "anglicisation galopante" dans les petits commerces de Montréal, la présence de la "représentante de la reine d'Angleterre" aux commémorations du débarquement de Normandie, ou encore l'affaire de l'érablière "islamiste", par exemple) me portent désormais à me demander si tous ces bons arguments sur les scandaleuses avanies à nous infligées par le Canada anglais, ne seraient pas un peu beaucoup exagérés? ()
C'est à mon grand regret que je dois maintenant l'admettre, M. Dubuc a entièrement raison, ici, et je l'appuie totalement dans son propos.
***
François Juteau
L'auteur est un ex-militant péquiste.


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3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    21 mai 2008

    [1] Comment expliquer que lors du XVè Congrès du Parti québécois auquel j'ai participé, le PQ était à 50% dans les sondages et que la souveraineté frisait le 55%?
    [2] Lors de son arrivée à la tête du Parti québécois, André Boisclair a mis aux poubelles le "projet de pays" voté au congrès de 2005, l'obligation de le présenter à la population et d'en faire le thème de l'élection. En lieu et place, il a concocté à la dernière minute une petite "feuille de route" provinciale avec un cadre financier provincial avec le résultat que l'on connait.
    [3] Quant à l'échéancier référendaire, vous avez tout à fait raison. Au Congrès de 2005, nous étions seulement 3 sur 3 500 délégués à voter contre cette proposition malhabile qui ne donnait aucune marge de manoeuvre à un éventuel gouvernement péquiste. Mais Bernard Landry était prêt à vivre avec cela, ayant fait ajouter à la dernière minute les mots "dès que possible". Pour ma part, j'ai toujours dit que l'accession à la souveraineté était une question de stratégie et qu'il ne fallait pas télégraphier d'avance cette stratégie. L'important était beaucoup plus de proposer à l'électorat un projet de pays concret et emballant et d'en faire le thème de l'élection plutôt que de mettre l'accent sur un référendum comme Boisclair l'a fait. Nous aurions pu gagner l'élection avec Bernard Landry, un homme d'État compétent qui voulait sa revanche sur Charest. Mais, malheureusement, il a démissionné.
    [4] La personnalité déficiente de Boisclair a été un facteur déterminant durant l'élection de 2007 beaucoup plus que le référendum ou la souveraineté. C'est lui le grand responsable de cette défaite et j'ai des motifs raisonnables et probables de croire que les libéraux ont travaillé pour le faire élire au PQ, car ils connaissaient parfaitement sa vulnérabilité. Et ils ont réussi.
    [5] Vous devriez revenir au Parti québécois et vous sentir tout à fait à l'aise car Pauline Marois a procédé à une véritable émasculation de l'article 1 au cours d'un coup de force réalisé par un simple conseil national et contrairement aux statuts du parti. Ce fut le massacre à la tronçonneuse : l'objectif premier n'est plus de "réaliser la souveraineté du Québec" mais de "faire progresser le Québec en attendant son accession au statut de pays", le projet de pays a été jeté aux poubelles une deuxième fois et on a suspendu l'obligation référendaire pour une période indéterminée. Les voeux d'Alain Dubuc ont été excausés et le PQ ne constitue plus une menace pour l'ordre constitutionnel canadien pour des années et des années à venir, ce qui fait évidemment plaisir aux fédéralistes et à mon oncle Paul Desmarais 1er, le roi du Québec, le mentor de Sarkozy et de Charest.
    [6] Comme Dubuc l'a suggéré, le PQMarois demeure souverainiste pour la galerie, mais en paroles seulement pas en actes. C'est la souveraineté blabla, la souveraineté fantasme, la souveraineté virtuelle. Pas très dangereux. La promotion de la souveraineté a toujours été un mythe au Parti québécois, dont les députés sont plus obsédés par la gouverne provinciale que de faire vraiment l'indépendance, comme les bloquistes d'ailleurs qui se sont trouvés des emplois superpayants à Ottawa et qui font maintenant partie des meubles.
    [7] Je ne connais, pour ma part, qu'un seul vrai Parti québécois, celui de Jacques Parizeau. Il doit être bien triste de ce temps-ci en regardant Pauline aller.
    [8] Quant à l'affirmation selon laquelle la souveraineté serait incompatible avec l'ère de l'individualisme et de l'Internet, cela mérite quelques nuances. C'est vrai que l'Ordre marchand conquiert la planète et qu'il gruge de plus en plus les juridictions exercées habituellement par l'État. Mais c'est faux de prétendre que les mouvements de souveraineté vont disparaître dans le monde. Au contraire, il va s'accélérer et il est à prévoir que plusieurs grands ensembles vont se morceler. Jacques Attali, dans "Une brève histoire de l'avenir" publié chez Fayard prévoit qu'une centaine de nouveaux pays verront le jour au cours du 21è siècle.
    En plus, les petits pays, comme ceux de l'Europe du Nord contemporain (Finlande, Norvège, Suède, Danemark, Islande) sont ceux qui actuellement sont les mieux équipés pour faire face à l'Ordre marchand qui, tel un tsunami déferle sur la planète. La liberté individuelle n'est nullement incompatible avec le besoin de sécurité et de bien-être collectifs des communautés.
    [9] Quant à l'Internet, c'est à mon avis beaucoup plus un facteur d'intelligence collective favorisant la naissance d'une économie relationnelle basée sur l'échange et la gratuité qu'un facteur consolidant le renforcement de l'individualisme excessif de l'Ordre marchand. C'est aussi une arme extrêmement efficace pour informer les gens et lutter contre la corruption politique.
    [10] Conclusion : revenez en courant au Parti québécois, monsieur Juteau, c'est la place idéale pour pêter de la broue et faire une belle petite carrière politique en prenant le minimum de risque et comme je l'ai dit, cela vous conviendra très bien à lire votre texte. A moins que vous ayiez déjà votre carte de membre de l'ADQ ou à la rigueur du PLQ. L'ADQ c'est plus risqué parce que c'est une autre belle gang de pêteux de broue. Quant au PLQ, si vous aimez le "cash", c'est l'endroit idéal pour vous. Des valises pleines de "cash" et le paradis de libre entreprise et de la liberté individuelle. Et dans le Canada ultra-fédéraliste, ce qui devrait vous plaire, étant donné que vous avez déposer les armes.
    [12] Comme le dit le petit Sarkozy, le pupille de mon oncle Paul ; "On aime le Canada et on aime le Québec". Autrement dit : "On aime le Québec dans le Canada".
    [13] Quant au roi du Québec, Paul Desmarais 1er, je me demande quand il va inviter Pauline à son château de Sagard comme il l'a fait avec Lucien Bouchard. Après tout, elle l'a bien mérité, car elle vient d'émasculer le PQ! Et puis entre châtelains, on est entre gens du même monde.
    Pierre Cloutier ll.m
    avocat
    Ex-président du PQ Johnson

  • Gaston Boivin Répondre

    19 mai 2008

    Il était temps que ce monsieur Juteau aille rejoindre ses semblabes. Car il est évident qu'avec la mollesse de ses convictions nationalistes, il ne pouvait servir ni la cause indépendantiste, ni celle du P.Q. et que, définitivement, il usurpait, à la défaveur de gens plus convaincus, les fontions d'autorité qu'il a pu exercer dans le mouvement promouvant l'autonomie du Québec. Son récent témoignage et celui au même effet de plusieurs autres ces derniers temps pourraient expliquer en partie le manque d'ardeur du P.Q. et du mouvement indépendantiste ces dernières années. Une autre cause qui pourrait expliquer ce manque d'ardeur seraient l'arrivisme et l'oppotunisme de certains de ces nouveaux repentants qui s'étaient greffés à la cause indépendantiste alors que le parti qui la préconisait était au pouvoir et qu'il avait le vent dans les voiles, le tout pour satisfaire leurs ambitions personnelles. Il est espérer, d'ailleurs, que les individus aux convictions semblables ou/et au même opportunisme et arrivisme que ces derniers, qui militeraient toujours dans le mouvement indépendantiste, le quittent également pour aller les rejoindre, ce qui servirait beaucoup mieux la cause indépendantiste: Le vent entraîne toujours au loin les feuilles mortes et il est connu que l'on ne construit rien avec du bois mort.

  • Archives de Vigile Répondre

    19 mai 2008

    On dirait un émule d’Alain Dubuc qui reprend le déni fédéraliste, ainsi que les mots péjoratifs anti-souverainistes. Le virage à 180° de cet individu rappelle Michaëlle Jean et son mari, des ex-indépendantistes, qui désormais (et ad vitam aeternam) vivent (vivront) GRASSEMENT aux frais de nous tous. (Chacun a son prix $$$.)
    Les propos éculés que François Juteau fait siens aujourd’hui n’apportent rien au débat sur la possibilité qu’un jour le peuple québécois décide de se gouverner lui-même.