L’héritage de René Lévesque

"À mes amis souverainistes" - Alain Dubuc



Le Parti québécois, durant toute son histoire, s’est efforcé d’être un parti d’inclusion, qui a défendu l’idée du nationalisme civique, qui a innové dans les rapports entre la majorité et les minorités, avec les initiatives du gouvernement Lévesque et de son ministre Gérald Godin, ou avec la paix des Braves du gouvernement Landry.

Bien sûr, il y a eu des erreurs, là comme ailleurs. Mais le PQ a su contrôler les dérapages, que ce soit le «vote ethnique» de Jacques Parizeau ou les élucubrations d’Yves Michaud, fermement dénoncées par le gouvernement Bouchard. Cet héritage de René Lévesque, le Parti québécois, sous la houlette de Pauline Marois, est en train de le brader.
Le concept du «nous» représente un virage significatif dans la pensée et les actions de ce parti. On l’a vu cette semaine, quand les propos très critiques de Mme Marois à l’égard de la commission Bouchard-Taylor l’ont rangée dans le même camp que Mario Dumont. Ce n’est pas insignifiant. L’attitude de la majorité face aux minorités est maintenant le principal test, partout en Occident, pour définir la modernité d’un courant politique et distinguer les progressistes des réactionnaires. À cet égard, le PQ est devenu un parti de droite.
On peut d’autant plus parler d’un virage du PQ que sa façon de voir les choses n’est pas partagée par toute la famille souverainiste. Le «nous» de Mme Marois est en nette rupture avec les principes que défendait son prédécesseur André Boisclair dans la crise des accommodements. C’est d’ailleurs un concept auquel n’adhère pas le Bloc québécois. Par ailleurs, pendant que Mme Marois dénonçait le rapport Bouchard-Taylor, Québec solidaire l’appuyait sans réserve, tandis que les centrales syndicales en approuvaient les grands principes. Daniel Audet, ex-conseiller d’André Boisclair, a trouvé ce rapport pertinent dans un texte publié vendredi dans La Presse.
Mme Marois a heureusement été plus modérée dans ses réactions vendredi qu’elle ne l’avait été la veille à l’Assemblée nationale ou plus tôt dans la semaine, avec ses indignes allusions à Elvis Gratton. Elle a exprimé son adhésion aux grands principes que défend la commission. Mais elle a émis d’importantes réserves, essentiellement parce qu’elle déplore le fait que les commissaires ne proposent aucune mesure pour atténuer les inquiétudes qu’ont exprimées les Québécois francophones lors des audiences de la commission, sur leur langue, sur la défense de leurs valeurs.
Cette critique est l’aboutissement d’une logique en trois temps qui entraîne le PQ sur un terrain très glissant. Tout d’abord, un effort pour ramener sur le terrain linguistique la crise des accommodements raisonnables, qui portait sur les droits religieux et les rapports entre la société d’accueil avec ses immigrants. Ce détournement n’est pas innocent, parce qu’il inverse la proposition et concentre son attention sur la situation de minoritaires des francophones et évacue leurs responsabilités de communauté majoritaire.
Ensuite, le PQ de Mme Marois a ajouté à ce dossier linguistique un élément de dramatisation. Le PQ ne s’est pas contenté de prendre acte des inquiétudes exprimées par certains Québécois, mais a amplifié ce degré d’inquiétude et contribué à l’exacerber en se montrant alarmiste sur la question linguistique. «Regardez le dossier de la langue, mes amis. Ça n’a pas de bon sens ce qui se passe», disait récemment Pauline Marois. Le critique de son parti en la matière, le comédien Pierre Curzi, dont les maladresses politiques sont révélatrices, disait craindre le «démembrement social» du Québec. Rien de moins.
Enfin, le PQ maintient une troublante confusion, une zone grise où la frontière entre l’inquiétude linguistique et la méfiance de l’immigration n’est jamais claire. En commençant par le fait que l’élément qui permet au PQ de parler de recul du français est la croissance de l’immigration. Et aussi parce que les messages sur le caractère inclusif du «nous» sont systématiquement contredits par des politiques qui reposent sur la contrainte et la coercition envers les minorités.
Pourquoi ce virage? Par calcul politique d’un parti affaibli, en concurrence pour la clientèle que rejoint l’ADQ, ce qu’on pourrait appeler la bataille de Hérouxville. Parce que la bataille linguistique permet de maintenir la cohésion d’un parti qui ne compte plus sur un référendum prochain. Aussi, parce que l’inquiétude linguistique est un déclencheur qui, croit-on, permettrait éventuellement de raviver la flamme éteinte. Bref, ce sont là les effets pervers du fait que l’impasse du projet souverainiste mène le Parti québécois vers des stratégies alternatives qui risquent de faire reculer le Québec.
Mais le résultat est là. Dans ses positions actuelles sur la langue, et surtout sur les rapports entre la majorité et ses minorités, le Parti québécois est en train de trahir son héritage. En ce faisant, Pauline Marois a choisi le mauvais camp.


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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    31 mai 2008

    Me semble qu'un certain René Lévesque disait un " Nous sommes des QUébécois" dans un texte appelé Option QUébec ?
    Pas Canadiens français, pas French Canadians, pas franco-QUébécois, pas Québécois d'héritage canadien français.
    Québécois, quoi !
    La question est simple : René Lévesque est-il oui ou non LE PÈRE DU QUÉBEC ? Lui doit-on plus ou moins que LE PÈRE DE LA CONFÉDÉRATION ?