En tant que membre du NPD, en contact avec un certain nombre de membres et d’élus, je suis en mesure d’affirmer que la situation interne du parti est un curieux mélange de contrôle centralisateur et d’amateurisme généralisé.
Le contrôle centralisateur
Le contrôle centralisateur, effectué avec fermeté mais dans une relative discrétion, s’est quand même révélé dans toute son intensité dès le lendemain des élections, lorsque le commissaire politique Paul Dewar a sommé Thomas Mulcair et d’une manière plus générale l’ensemble des membres du parti, d’adhérer sans réserve à la propagande étatsunienne, notamment à propos de l’assassinat de Ben Laden. On voyait ici le “Tony Blair” d’Ottawa se placer stratégiquement en opposition avec la culture historiquement pacifiste de la société québécoise.
Comme l’a rapporté Le Devoir («Loi sur la clarté - Layton prend ses distances du 50 % + 1», Hélène Buzzetti, 25 mai 2011), lors de la réunion des députés du NPD à Ottawa le 24 mai, on a pu constater les pathétiques efforts de Jack Layton pour imposer son point de vue “orangiste” sur la question nationale québécoise, en tentant de nous faire croire à une chose et à son contraire: l’affirmation du droit à l’autodétermination du Québec, et d’autre part la légitimation d’instruments juridico-étatiques élaborés précisément pour faire obstacle à l’exercice de ce droit.
En décalage évident avec sa prétention à être à la fois “nouveau” et “démocratique”, le NPD exerce, aux niveaux interne et externe, une centralisation et un intense contrôle de l’information: ceci à travers le Centre des médias du NPD, ainsi que pour le Québec, avec l’omniprésence médiatique de Karl Bélanger, agissant à la fois comme «attaché de presse de Jack Layton» et comme «secrétaire principal du NPD pour le Québec».
En prévention de dérapages avérés ou potentiels, tels que la mention d’un diplôme inexistant sur la page de présentation de Ruth Ellen Brosseau (Berthier-Maskinongé) sur le site internet du NPD (npd.ca), ce site est devenu l’objet d’un contrôle stratégique qui a rendu inaccessibles la plupart des pages de présentation des élus (voir par exemple: www.marioleclerc.npd.ca). Remarquons que la page de Ruth Ellen Brosseau est toujours accessible, mais on a retiré “en douce” et sans excuses la mention du faux diplôme.
Le NPD procède actuellement à l’embauche d’environ 270 employés appelés à seconder les élus. Cette embauche est centralisée à Ottawa, sous l’autorité de Jess Turk-Browne («directrice des opérations»). Le bilinguisme fait partie des critères d’embauche: on aura pourtant constaté que ce critère ne fut pas pris en compte pour les candidats unilingues anglophones du NPD au Québec ! Que l’on se rassure : on applique une éthique à toute épreuve, puisque «les gais et lesbiennes, les bisexuels et les transgenres sont encouragés à postuler» (cf npd.ca). On invite aussi les «minorités visibles» à faire acte de candidature, sans préciser cependant le degré de pigmentation dermique exigé (albinos s’abstenir ?).
Alors que le NPD vient de constituer son cabinet-fantôme (http://www.npd.ca/cabinet-fantome), on peut constater que le parti a récompensé Québec solidaire de son appui, en nommant deux députés qui sont aussi membres de l’aile fédéraliste de QS:
-Alexandre Boulerice, député de Rosemont, habile politicien apparemment très soumis à la direction “orangiste” …, obtient le dossier du Conseil du Trésor.
-Claude Patry obtient le dossier de l’Assurance-emploi. On se souviendra du fait qu’il avait été pressenti pour être candidat de QS en 2008, et qu’Amir Kadhir s’était déplacé en avril dernier à Alma pour soutenir sa candidature.
Il est assez amusant de voir Messieurs Boulerice et Patry, en tant qu’élus du NPD, être dénoncés par les médias anglo-francophobes comme “separatists” !
Avec Thomas Mulcair, Alexandre Boulerice et Claude Patry sont chargés d’encadrer les troupes québécoises du parti, et de les mener dans le droit chemin de l’acceptation du statut de sujétion de la nation québécoise. Les liens organiques entre le NPD et QS sont ainsi formalisés et renforcés, et on peut s’attendre à d’autres étonnants discours justificatifs de la part d’Amir Kadhir dans le contexte de cette entente stratégique.
Signalons enfin une curiosité, et non la moindre … : la tenue prochaine du Congrès du NPD à Vancouver (17 au 19 juin), soit l’endroit le plus éloigné du centre de gravité de la députation de ce parti. On peut se demander si la place du français y sera la même que celle qui fut la sienne aux Jeux Olympiques tenus dans la même ville ? Ce qui est sûr cependant est qu’on y assistera à des scènes de culte débridées de l’Homme au turban orange, et que la démocratie, bien encadrée, y sera plutôt formelle. Cet événement sera d’intérêt public pour le Québec, et on peut souhaiter s’il soit l’objet d’un traitement journalistique professionnel (présence du Devoir ?) pour le bénéfice des Québécois.
L’amateurisme généralisé
Mis à part quelques individus dotés d’une expérience antérieure dans les mouvements sociaux et politiques, on a pu faire le constat d’un amateurisme généralisé de la base québécoise du NPD, qui s’est révélé dans toute son ampleur lors des périodes pré- et postélectorales. L’encadrement minutieux, voire le maternage obsessionnel des nouveaux élus attestent aussi de cet amateurisme.
Pour ne pas “brûler mes sources” je m’abstiendrai provisoirement de documenter précisément ce qui apparaît, pour reprendre une expression déjà entendue …, comme une “coalition broche à foin” ! Je peux cependant faire état, chez un nombre significatifs d’élus québécois du NPD, d’une remarquable inculture politique les rendant inaptes à décoder efficacement les faits et les discours, et d’autre part d’une étonnante inexpérience organisationnelle susceptible de mettre en péril leur parti.
Arlequin ... ou le triste sort des élus québécois du NPD
Dans ce contexte détonnant de centralisation et d’amateurisme, mais aussi de contradictions politiques majeures, les élus québécois du NPD se retrouvent, comme l’infortuné Arlequin, dans le rôle du «serviteur de deux maîtres» : un parti fédéraliste, qui - dixit Monsieur Layton - «croit en un Canada uni», et d’autre part une population québécoise qui n’a pas donné un tel mandat “fédéraliste” à ses élus.
On remarque que certains de ces élus sont déjà rompus aux pirouettes de la Commedia dell’arte. Ils-elles ont manifestement travaillé le personnage d’Arlequin, d’ailleurs désexisé: «Il est connu pour sa bouffonnerie. …] il est capable d'inventer toutes sortes de stratagèmes, pirouettes ou acrobaties, mais le reste du temps, il cherche avant tout à dormir et éviter le moindre effort.» (source: [http://fr.wikipedia.org/wiki/Arlequin).
On ne souhaitera pas à notre Arlequin “orangiste” de se faire bastonner successivement par ses deux maîtres comme c’est le cas dans la tradition théâtrale, mais plutôt de choisir clairement pour lequel de ces deux maîtres il veut s’employer ! Ceux qui choisiront le Québec auront de plus le choix entre siéger comme indépendant ou, démarche plus courageuse, rejoindre le Bloc québécois.
Yves Claudé - sociologue
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2 commentaires
Archives de Vigile Répondre
28 mai 2011Un autre exemple éloquent: L'élection de Mylène Freeman dans la circonscription d'Argenteuil-Papineau-Mirabel. Jeune native de 22 ans d'un village au nord de Toronto, étudiante à McGill, n'ayant jamais fait campagne, biographie modifiée sur le site officiel du NPD, rencontres tenues secrètes avec des "personnes influentes" de son comté, bref, un doublon tenu en laisse de la célèbre Ruth-Ellen Brosseau.
http://www.cyberpresse.ca/le-droit/elections-federales-2011/201105/15/01-4399744-mylene-freeman-est-bien-consciente-de-ses-responsabilites.php
http://www.nordinfo.com/Actualites/2011-05-06/article-2484012/Un-choc-pour-Mylene-Freeman/1
Claude Richard Répondre
27 mai 2011Les diplômes de Ruth Ellen Brosseau ne sont pas les seuls à faire problème: s'ajoutent maintenant ceux de Jean-François Larose, ex-bloquiste devenu député NPD de repentigny dans la vague. Ci-joint l'article de l'Hebdo Rive Nord à ce sujet.
ERREUR SUR LES DIPLÔMES: JEAN-FRANÇOIS LAROSE BLÂME À SON TOUR UN EMPLOYÉ DU NPD
Publié le 20 Mai 2011
Olivia Nguonly
L'Hebdo Rive Nord
« J’aurais dû insister plus pour que les correctifs soient apportés, mais j’étais très occupé pendant ma campagne », explique le député néodémocrate de Repentigny, Jean-François Larose, afin de justifier que des informations erronées aient circulé dans sa biographie sur la page du parti. On pouvait notamment y lire que l’homme, père monoparental d’un enfant de trois ans, possédait trois certificats obtenus à l’Université de Montréal pour des programmes en Gestion de crise, en Violence et société, ainsi qu’en Gestion de police et sécurité.
Nuance. M. Larose a suivi des cours dans les programmes Violence et société et Gestion de police et sécurité, selon le registraire de l’établissement d’enseignement. « Les informations ont été reprises par le parti à partir de mon ancienne biographie du temps où je m’étais présenté aux élections municipales », explique le principal intéressé. En effet, Jean-François Larose s’est présenté à la mairie du Plateau-Mont-Royal en 2009 dans l’équipe de Louise O’Sullivan.
« Aujourd’hui, je ne suis pas content que ces mauvaises informations soient sorties, puisque ce que j’ai transmis au parti c’est que j’avais suivi des cours à l’Université de Montréal. J’ai toujours été clair par rapport à ma scolarité », poursuit le député du NPD dans la circonscription de Repentigny.
Il insiste aussi sur le fait qu’il a demandé plusieurs fois durant la campagne que les changements soient apportés et que croyant que ça avait été fait, il n’a pas cru bon de revérifier.
Lors des entrevues accordées à l’Hebdo Rive Nord tout au long de la campagne, jamais M. Larose n’a affirmé détenir les certificats en question.
Aujourd’hui, toutes les biographies des différents députés du NPD ont été retirées de la page web du parti. Y-a-t-il un lien entre ces retraits et la situation dans laquelle se trouve M. Larose? « Non, je crois qu’il s’agit d’une procédure tout à fait courante. Nous ne sommes plus candidats, alors si les gens ont des questions, les députés sont accessibles et les citoyens peuvent aller leur poser directement leurs questions », estime-t-il.
L’histoire se répète…
Enfin, soulignons que ce n’est pas la première fois que le Nouveau Parti démocratique se retrouve dans l’eau chaude à la suite d’affirmations douteuses sur ses candidats. La situation de Jean-François Larose est en tous points identique à celle de la désormais célèbre Ruth Ellen Brosseau, nouvellement députée dans la circonscription de Berthier-Maskinongé.
Sa biographie, accessible durant toute la campagne sur le site du NPD, attestait qu’elle détenait un diplôme en marketing du Collège St. Lawrence de Kingston. Vérification faite, Mme Brosseau n’a décroché aucun diplôme dans cette discipline.
Serait-ce le même employé du parti qui aurait mal interprété la biographie de M. Larose? Le député de Repentigny ne le sait pas.