Nos valeurs sont-elles sacrées?

Le Québec fait-il partie de l'Occident chrétien?

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Rien qu'à voir, on voit bien

Le débat sur le projet de loi du gouvernement sur la laïcité m’intéresse beaucoup, évidemment. Et je me révèle d’entrée de jeu en parfait accord avec le texte proposé et celui, lumineux et rassurant, de René Boulanger, texte publié dans L’Aut’journal où l’auteur démontre que la «charte» proposée par le gouvernement nous rapproche de l’indépendance ; pas le contraire. En cela, voit-on, je me trouve volontairement dans la plus parfaite orthodoxie !
Néanmoins je me suis dit qu’il serait peut-être possible d’arrondir les coins des textes soumis par l’État ; comme il y avait un colloque sur le sujet chez les Pères dominicains du chemin Sainte-Catherine, la semaine dernière - rencontre préparée depuis longtemps, - je m’y suis rendu, car je ne vois pas de mal à dialoguer avec des clercs qui nous restent!
J’en ai retenu, au cours d’une conférence principale, qu’ un des porte-parole, un clerc, a dit accepter la colonne vertébrale de la proposition du gouvernement, mais qu’il voyait des problèmes avec son esprit. Il a dit estimer que le texte intégral décrit mal l’intention des rédacteurs au sujet de la «liberté religieuse» ; cela, disait-il, est «révélateur» comme s’il y avait un gros ver dans la pomme. Il voulait des précisions.
Je ne crois pas que cette crainte soit justifiée; il va falloir que je décortique le texte même de la proposition pour voir s’il faut craindre une sorte de désinvolture plus ou moins implicite relativement aux croyances du peuple québécois. En irait-il de la couleur et… de la place de notre peuple dans le cadre général des civilisations?
Je suis un peu en retard sur la question, je l’admets, car pour le moment je n’ai reçu de mon gouvernement qu’un seul document. C’est un petit dépliant, manifestement conçu par une agence de publicité, et qui se situe au niveau des slogans. Comme pour tous les slogans publicitaires, le dépliant ne fait pas dans les nuances. D’abord, sur la page frontispice, les publicitaires ont choisi le titre suivant : «Parce que nos valeurs, on y tient». C’est un peu vague. Le projet de loi veut faire honneur au laïcisme, ce qui est légitime et nécessaire, mais il rangerait cet état de droit au niveau des «valeurs». C’est bien «de valeur» comme on dit au Québec, mais ce sont deux mots qui ne se rangent pas dans la même case. Le droit - civique - une notion politique, n’équivaut pas à une préférence culturelle. Mais, surtout, le titre nous lance une belle faute de français. Il aurait été français de dire que NOS valeurs, NOUS y croyons. L’accord des personnes s’impose ; qui ça ON, effectivement?
Je ne veux pas chercher la petite bête noire ; car, grosso modo, je favorise la neutralité de l’État telle que formulée par la proposition. Mais il y a quelques précisions à apporter, me semble-t-il, et quelques réalités à assumer clairement.
Dans deux des six pages du document publicitaire, «on» affirme en très gros caractères, que tout, ou presque, est «sacré» : les églises, les synagogues, les mosquées, la neutralité religieuse de l’État et l’égalité hommes-femmes. Or il n’y a qu’une seule chose de «sacrée», c’est la personne humaine et sa volonté intime. Les temples ne sont pas sacrés, ils sont consacré, oui, mais c’est la volonté des personnes d’en construire, des églises, comme symboles, qui est sacrée et qui doit être respectée ; pas le pierres elles-mêmes.
On «sacralise» beaucoup de choses au Québec. Par exemple, l’Université de Montréal avait refusé de construire sa faculté de commerce sur son territoire, parce qu’il y avait des arbres sur ledit territoire montagneux ; les arbres c’est sacré n’est-ce pas? C’est en tout cas l’argument que l’Université de Montréal avait donné au public pour justifier sa décision de construire les HEC dans une zone domiciliaire. C’est parfois le même argument que l’on entend au sujet d’un éventuel déplacement de certaines facultés de la même université sur les rails des chemins de fer de Ville Mont-Royal (où, bien entendu, il n’y a pas d’arbres!). A ce compte- là Éphèse n’aurait jamais été construite, car, auparavant, il y avait une forêt de pins sur ce territoire!
Et les signes! Le dépliant propose «d’encadrer le port des signes religieux…» chez le personnel de l’État dans l’exercice des fonctions. J’en suis sans réserve. Mais cela, on le sait, fait débat et Il me semble qu’il faut ici préciser le vocabulaire. Un signe ou une enseigne ce qui est du même ordre – une signalisation en somme - donne un renseignement direct qui ne renvoie pas à une autre réalité. Le stop nous dit d’arrêter ; il ne nous dit pas autre chose. Un symbole renvoie à une réalité plus grande. L’étoile de David nous renvoie à toute la civilisation juive ; la croix à toute la civilisation chrétienne ; les voiles, eux, à toute la civilisation musulmane… Ce sont des symboles. Je me dis que le Québec a bien le droit de vouloir que les symboles musulmans restent dans le domaine privé des citoyens.
Par ailleurs, en décidant de conserver le crucifix, la croix, dans l’Assemblée nationale, l’ État québécois aurait pu nous dire, correctement, que la Croix chrétienne représente l’adhésion du Québec, l’appartenance du Québec à la civilisation occidentale, à l’esprit de base occidental, et que cela le distingue de la civilisation ottomane ou perse. Au contraire, il nous dit, dans les déclarations ministérielles, que la croix est devenue un «objet patrimonial», une relique, en somme, et que cela ne devrait pas vexer qui que ce soit! On comprendra que les évêques québécois aient voulu signaler que mieux vaudrait enlever ce crucifix si celui-ci ne renvoie plus à une réalité plus grande que lui-même ; s’il n’est plus le symbole d’une foi actuelle.
Pour ma part, lorsque je visite un malade je me dis que c’est parce que les Évangiles nous ont incités à «nous aimer les uns les autres» et que la distinction à établir, entre le politique et le religieux vient du même Jésus. Rendons à César, n’est-ce pas…? Ce sont des valeurs existantes pour moi, j’ose le dire. Cela peut paraître vieux-jeu mais cela entre dans le domaine de ce que le religieux a fait de bon chez nous.
Le gouvernement du Québec ne pourrait-il pas nous dire, directement ou pas, qu’il ne veut pas effacer cette couleur chrétienne qui a, depuis Jacques Cartier, toujours caractérisé le Québec? S’il ne veut pas enlever au crucifix sa signification symbolique ne vaudrait-il pas mieux qu’il le dise en aparté? Cela pourrait rassurer le Père dominicain et ses ouailles qui sont encore bien vivantes.


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