Non à la capitulation

Réplique à Jean-Herman Guay et consorts

2003


Il y avait des universités de la lâcheté
des diplômes de chie-en-culotte
des premiers prix du compromis
des médailles d'or de la démission
la coupe Stanley de la concession.
Gérald Godin, 1975
À son dernier conseil national, le Parti québécois a invité un orateur melliflu, Jean-Herman Guay, qui est venu proclamer que le Parti libéral du Québec était grand, que la province était belle et que l'indépendantisme avait vécu. L'humanisme dont se réclame Bernard Landry l'obligerait-il à fournir la tribune du parti à la propagande adverse ? L'incongruité est grave en soi. Mais l'intervention de Guay s'ajoute à celles d'autres compagnons de route qui, depuis la rentrée, proposent au Québec de s'aplatir devant un Canada plus gourmand et arrogant que jamais.
Le premier à sonner la retraite a été Claude Morin. Le 13 septembre dans Le Devoir, il invite le Parti québécois à «en finir avec les conditions perdantes», devinez comment : en les acceptant. Les Québécois, d'après Morin, n'éprouvent pas d'«aspiration profonde à l'indépendance» : oublions l'indépendance. Ils «restent [...] attachés au Canada» : va pour le statut particulier. «Aucun pays étranger ne favorise a priori la souveraineté du Québec» : acceptons le carcan canadien. Le personnage est connu, et ses projets en cul-de-sac aussi. Ex-informateur payé de la police fédérale, ex-mauvais conseiller de René Lévesque, maître en stratégies absurdes : étapisme d'abord; front commun des provinces en face d'Ottawa et de Trudeau ensuite. On sait qu'en 1981 cette dernière stratégie a été désastreuse pour le Québec et pour la santé de Lévesque.
Deuxième croquemitaine : Christian Dufour. Coqueluche des médias, il met son nez dans l'actuel débat d'idées animant le Parti québécois pour l'enrichir de son réalisme de capitulard, d'où son article dans Le Devoir du 22 septembre. Sa méthode : réduire le projet d'indépendance à une flatulence de baby-boomers en misant sur une relève moins rêveuse. «Contrairement à leurs aînés dont le gros de l'énergie semble aller au réaménagement des contours du rêve souverainiste, de jeunes intellectuels québécois redescendront sur le plancher des vaches», prédit-il, en prenant ses désirs fédéralisants pour des réalités.
Troisième embaumeur : le Jean-Herman du dernier Conseil national recommandant au PQ de se recycler en simple «parti de gestion». Sinon, si ce parti «continue de déployer des énergies pour fixer de nouveaux rendez-vous avec l'Histoire, il va s'épuiser dans son rêve et se marginaliser», annonce notre croque-mort égaré chez les brasseurs d'idées.
Guay interprète les sondages comme étant défavorables au camp du OUI. C'était avant le sondage du Comité pour l'unité canadienne qui situe à 47 % le suffrage souverainiste. N'empêche qu'il n'est pas digne d'un politologue d'amalgamer, comme Guay le fait, position politique et filiation religieuse. Les Québécois se disent en majorité catholiques et ils délaissent pourtant les églises. Et alors ? C'est en forte majorité qu'ils se reconnaîtraient une parenté avec l'homme préhistorique si on les sondait à ce sujet. Vivent-ils dans des cavernes pour autant.
Tant qu'à parler religion, il faudrait se demander si, dans le contexte du changement de valeurs qu'a provoqué la Révolution tranquille, nos capitulards ne prennent pas le relais des évêques d'antan. À ces précieux collaborateurs contre les Patriotes, Londres laissa entière autorité sur leurs ouailles, s'assurant ainsi leur soumission. Aujourd'hui, le pouvoir fédéral et ses alliés favorisent les réalisateurs, les journalistes, les universitaires et autres faiseurs d'opinion disposés à inculquer aux Québécois l'idée qu'ils sont nés pour le petit pain de la dépendance.
Morin, Dufour et Guay se font les rouages de l'immense machine de propagande à l'oeuvre depuis 1995 pour transformer tout Québécois en bon Canadien. Le Canada de Macdonald est en train de se constituer. Le processus du nation-buiding en cours ne peut avoir comme conséquence que la marginalisation du Québec; Ottawa ne se gêne plus pour envahir ses champs de compétence; le Québec inc. s'essouffle; l'Office de la langue française nous dit que 25 ans de loi 101 n'ont pas suffi pour faire du français la langue commune de la vie québécoise. Et nos trois croque-morts vont chantant que tout va très bien madame la marquise.
En 1974, Gaston Miron écrivait : «Seule la politique fonde la pratique et la nécessité d'une langue sur un territoire» (Le Bilingue de naissance); Dufour convie plutôt les jeunes à jouer à la roulette russe avec leur avenir en le confiant à des juges du pays d'à côté : «Vue sous le seul angle des droits individuels, la simple prédominance du français est discriminatoire, car elle implique que le francophone est supérieur à l'anglophone : la Cour suprême risque tôt ou tard de nous le rappeler.» Cocus contents !
Jean-Herman Guay considère la défaite péquiste du 14 avril comme étant d'ordre structurel («la souveraineté constamment en déclin») plutôt que conjoncturel. Pourtant, c'est sur des données parfaitement conjoncturelles que le Parti libéral a su tabler pendant la campagne électorale; difficultés dans les urgences des hôpitaux, affaire Michaud et colère des défusionnistes.
S'agissant de conjoncture, il se pourrait que bientôt elle soit favorable au PQ. Jean Charest est déjà piégé. Contrairement à ce qu'en dit Guay, le PLQ n'est pas un parti de gestion. C'est simplement le parti du statu quo canadien, le pôle de rassemblement idéologique des adversaires de l'unité nationale québécoise, le cheval de Troie d'Ottawa. Il est l'obligé de sa clientèle canadian. Il est à prévoir que, dès le prochain scrutin, les gens du Québec remercieront ces colporteurs de néo-libéralisme et de fédéralisme éculés.
Membres du Cercle Godin-Miron


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