Noël, un mot tabou?

Noël et Jour de l'An - 2010- 2011


À Patrimoine Canada, le mot «Noël» est tabou. On parle du «solstice d'hiver» comme si la culture druide faisait partie du «patrimoine» canadien!
[À Toronto, la juge Marion Cohen vient d'ordonner au Palais de Justice->3361] de déplacer le sapin de Noël qui trônait dans le hall d'entrée de l'immeuble parce qu'il est «inapproprié que la première chose que voient les gens en entrant dans le Palais soit un symbole chrétien». Le sapin doit être relogé dans une arrière-salle, derrière des vitres givrées.
On se souviendra de la décision mémorable de l'administration montréalaise, en 2002, qui avait rebaptisé «arbre de vie» le sapin de Noël érigé sur la place Jacques-Cartier.
Cette année, on a noté que tant André Boisclair que Jean Charest s'étaient abstenus de souhaiter «Joyeux Noël» à leurs commettants, préférant l'expression «Bonnes Fêtes». Cela a poussé Mario Dumont, qui n'en manque jamais une, à commenter l'omission en ces termes: «On me permettra un accommodement raisonnable pour souhaiter aux Québécois Joyeux Noël en bonne et due forme.»
Tout amusant soit-il, M. Dumont fait une tempête dans un verre d'eau. Le mot «Noël» apparaît dans la carte de vux de M. Boisclair, et même si ce n'était pas le cas, cela n'aurait guère d'importance. La tendance actuelle est effectivement de se souhaiter de «Bonnes Fêtes», l'équivalent de «Happy Holidays». C'est d'ailleurs ce que l'on dit couramment en France, un pays pourtant beaucoup moins «politically correct» que le Canada.
Mais bannir Noël au profit du «solstice d'hiver»? Interdire les sapins de Noël? Là, on tombe vraiment dans le délire. Il y a une limite à effacer 400 ans d'histoire chrétienne et l'un des symboles les plus familiers de la culture majoritaire pour ne pas déplaire à quelques fanatiques qui voudraient nous faire croire que toutes les religions ont joué le même rôle dans la construction du Canada. La France laïque n'a pas démoli ses cathédrales ni même ses humbles croix de villages, à ce que je sache.
J'ai énormément d'amis qui ont été élevés dans d'autres religions que la religion chrétienne. J'ai encore plus d'amis, baptisés mais non pratiquants, pour lesquels Noël n'a aucune signification religieuse. Je n'en ai jamais entendu aucun déplorer que la société donne à Noël une importance primordiale (marquée, notamment, par l'octroi de congés fériés), je n'en ai jamais vu un se sentir «exclus» à la vue d'une crèche ou de l'étoile des rois mages. Cela fait partie du décor, comme la croix sur le mont Royal. Au contraire, tous aiment le rituel social, l'atmosphère festive, les lumières, l'odeur de l'épinette, les prétextes aux réunions de famille et d'amis.
Il est d'ailleurs significatif qu'à Toronto, plusieurs non-chrétiens soient montés au créneau pour critiquer la décision de la juge Cohen. «C'est d'une stupidité totale», de déclarer Tarek Fatah, président du Congrès musulman canadien, un organisme modéré. «La juge devrait voyager à travers le monde, elle verrait que Noël est célébré dans plusieurs pays musulmans. Ce qu'il faudrait interdire, c'est la rectitude politique, pas les arbres de Noël! C'est un jugement de rabat-joie à la limite de la maladie mentale.»
Le porte-parole de la Conférence canadienne des Hindous, Ron Banerjee, a renchéri: «Les Hindous seraient grandement irrités s'ils se voyaient empêchés d'afficher leurs propres symboles dans l'espace public.» Quant à M. Fatah, il a invité ses co-religionnaires à «célébrer Noël avec leurs cousins chrétiens».
Cette histoire de «solstice d'hiver» est encore plus loufoque, et [c'est en termes éloquents qu'elle a été dénoncée dans La Presse par Gérard Coderre, un employé de Patrimoine Canada->3368]: «Si les néo-Canadiens ont le droit d'exprimer leurs différences, qu'en est-il du droit des Canadiens dont les traditions remontent à vingt générations? Devra-t-on un jour parler de "solstice d'été" plutôt que de la Saint-Jean, de "l'équinoxe du Printemps" pour Pâques et de "l'équinoxe d'automne" pour l'Action de Grâce? Noël est plus qu'une fête religieuse, c'est un moment pour les retrouvailles la fête la plus inclusive de l'année. Où est le problème? La ministre de Patrimoine Canada peut bien se déguiser en Panoramix, je ne serai pas de cette fête du "solstice d'hiver."» Bien dit.


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