Montréal-Nord - La lutte contre les inégalités doit prévaloir

Émeute de Montréal-Nord



La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a pour mission de veiller au respect des principes énoncés dans la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. C'est à ce titre qu'elle se sent interpellée par les événements survenus à Montréal-Nord à la suite de la mort tragique du jeune Fredy Villanueva. Le 10 août dernier, seuls quelques individus ont manifesté leur colère par la violence. Cependant, il demeure que la frustration exprimée par les émeutes soit partagée par bien des résidants de Montréal-Nord.
De l'avis de la Commission, les réactions populaires et les tensions observées ne peuvent être dissociées des conditions socioéconomiques difficiles présentes dans ce secteur. La pauvreté et les inégalités, à plus forte raison lorsqu'elles sont alimentées par la discrimination, offrent un terreau fertile aux frustrations et au sentiment d'injustice. Les événements survenus à Montréal-Nord peuvent difficilement être compris sans un tel éclairage.
Quelques données du dernier recensement suffisent à illustrer la précarité socioéconomique du secteur sensible de Montréal-Nord qui fut le théâtre des émeutes. Précisons d'abord que ce secteur est particulièrement exigu avec une densité de population deux fois supérieure à l'arrondissement et 19 fois supérieure à celle de la région métropolitaine de Montréal. La proportion de minorités visibles y est de 46 % contre 17 % à Montréal.
Autre disparité digne de mention: alors que les locataires forment 47 % de la population montréalaise, cette proportion grimpe à 95 % dans cette zone. Qui plus est, les familles monoparentales représentent 18 % des familles montréalaises, contre 41 % dans ce secteur. En 2006, le taux de chômage était de 6,9 % à Montréal, alors qu'il atteignait 18 % dans la zone des émeutes. Soulignons enfin que la proportion de personnes vivant en dessous du seuil de faible revenu est de 21 % à Montréal, tandis qu'il atteignait des sommets de 52 % et 54 % dans les secteurs touchés par les émeutes.
Dans ce contexte, la Commission croit, plus que jamais, que la solution aux tensions sociales qui peuvent surgir dans certains secteurs de quartiers défavorisés réside en grande partie dans des mesures concrètes en faveur de l'accès à l'emploi sans discrimination, du soutien aux familles et aux organismes communautaires oeuvrant auprès de la population. Pour la Commission, cette lutte contre les inégalités socioéconomiques s'impose d'abord et avant tout au nom des droits économiques et sociaux consacrés dans la Charte des droits et libertés. La Commission est intervenue par le passé, et continue d'intervenir, pour que l'on reconnaisse la même valeur à ces droits qu'aux autres droits et libertés inscrits dans la Charte québécoise.
Nous travaillons également depuis plusieurs années à combattre le profilage racial, une forme insidieuse de discrimination. La Commission a adopté une définition du profilage et a établi des lignes directrices, qui guident son travail d'enquête et de défense juridique. Elle a aussi participé à des groupes de travail afin de sensibiliser différents partenaires des paliers municipaux, provinciaux et des milieux communautaires à la nécessité d'agir rapidement pour contrer ce phénomène.
Une telle démarche, qui allie un travail d'éducation et de vigilance judiciaire, est indispensable afin de mieux protéger les membres des minorités visibles du Québec. À ce jour, la Commission a reçu plus d'une soixantaine de plaintes d'individus qui se disent victimes de profilage racial. Les causes de plusieurs de ces personnes sont actuellement défendues par la Commission devant les tribunaux.
Une confiance à rétablir
Au cours du dernier mois, la Commission s'est rendue à Montréal-Nord pour discuter avec les gens du quartier et rencontrer des groupes communautaires. Elle a constaté une grande méfiance envers les institutions en général, et les services de l'ordre en particulier. C'est pourquoi la Commission invite fortement le Service de police de la ville de Montréal à s'interroger sur ses relations avec les jeunes des communautés culturelles, à travailler à renverser les perceptions négatives et à accentuer ses efforts de sensibilisation au profilage racial.
Quant à l'intervention policière spécifique qui fait présentement l'objet d'une enquête, la Commission considère qu'il est nécessaire que la lumière soit faite le plus rapidement possible sur les événements survenus.
Il nous faut, de plus, être sensible au fait que les conditions ayant conduit aux événements en cause sont également susceptibles de se retrouver dans d'autres quartiers. En ce sens, il serait erroné de limiter la réflexion à la situation spécifique prévalant à Montréal-Nord.
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Gaétan Cousineau, Président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse

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