1837-38, Rébellions: Patriotes vs Loyaux

Montréal, lieu-clé de 1837-38

Le musée Pointe-à-Callière plonge au coeur d'un passé trouble

Rébellions 1837-2007

Novembre 1837. Saint-Denis, Saint-Charles, Saint-Eustache, Saint-Benoît: autant de lieux emblématiques associés aux Patriotes qui résonnent du fond du passé des Québécois. Cent soixante-dix ans plus tard, le musée Pointe-à-Callière replonge dans ce passé trouble, en levant le voile sur des dizaines d'artefacts inédits qui offrent une nouvelle mise en perspective de ce qui demeure l'une des pages les plus fascinantes de l'histoire du Canada.
Terrain glissant que celui des rébellions de 1837-38. Près de deux cents ans après ce soulèvement, les historiens déchirent encore leur chemise sur la pertinence d'utiliser le terme rébellion, que certains voudraient plutôt voir associer à un mouvement légitime d'émancipation. Pour sa part, le musée Pointe-à-Callière a choisi de faire fi des querelles et de sauter à pieds joints dans ce sujet explosif.
En présentant Rébellions: Patriotes vs Loyaux, le Musée d'archéologie et d'histoire de Montréal fait le pari de brosser un tableau plus large, en braquant son objectif autant sur les oppresseurs que sur les oppressés, et surtout en ramenant Montréal au centre de l'échiquier politique, social et économique qui a mené à la naissance lente de ce conflit historique.
«On se souvient surtout des combats qui ont eu lieu à l'extérieur de Montréal, or la métropole n'a pas souvent la place qui lui revient dans le rappel de ces événements. Or, c'est ici, à deux pas de Pointe-à-Callière que se sont joués plusieurs des événements-clés de cette période», souligne Mme Francine Lelièvre, directrice générale du musée Pointe-à-Callière.
Même si la mémoire collective a souvent réduit les rébellions de 1837-38 à un strict conflit ethnique entre Anglais et Français, Mme Lelièvre estime que les recherches des dernières années concluent à une réalité bien plus complexe, nourrie par d'autres facteurs, dont les famines, les problèmes économiques et l'émergence, au même moment, d'autres mouvements révolutionnaires anti-impérialistes un peu partout sur la planète. Plus d'une douzaine d'historiens ont été mis à contribution pour rendre compte de la plus grande diversité des points de vue et des connaissances.
Au-delà des explications historiques, tout l'intérêt de l'exposition tient dans la présentation de près d'une centaine d'artefacts inédits, retrouvés auprès de collectionneurs privés, qui charrient une force émotive unique.
On peut ainsi se pencher pour la première fois sur des albums de dessins et des textes de Patriotes écrits pendant leur détention à la prison neuve, rédigés pour des amies de coeur et signés avec des noms de code. Parmi ces objets exceptionnels qui valent bien cent cours d'histoire, une courtepointe fabriquée à même les habits rouges et tachés de sang des soldats d'Argenteuil qui se sont battus lors des rébellions. Provenant d'une collection privée, on note aussi le journal de Caroline Debartzch, fille du seigneur de Saint-Charles, qui relate avec finesse les premiers affrontements survenus dans la vallée du Richelieu.
Parmi ces autres objets coup-de-poing, la lettre originale écrite par le Chevalier de Lorimier à Guillaume Lévesque quelques heures avant sa pendaison, ainsi que le registre manuscrit des exécutions des Patriotes effectuées à la Prison du Pied-du-Courant. Du nombre de ces objets rarement vus, le fusil d'un Patriote ayant servi durant le soulèvement, un tambour rescapé de la bataille d'Odelltown ainsi que toute une série d'objets personnels ayant appartenu à Louis-Joseph Papineau.
«Nous avons réussi à mettre la main sur des pièces dont on ignorait même l'existence. Environ 40 % des artefacts présentés le sont pour la première fois, et plus de 45 prêteurs ont été contactés pour élaborer cette exposition», précise Mme Lelièvre.
Le parallèle entre les rébellions du Bas et du Haut-Canada est aussi évoqué, appuyé par la présentation de correspondances entre Louis-Joseph Papineau et William Lyon Mackenzie, leader des Réformistes du Haut-Canada, peu de temps après l'exil forcé des chefs révolutionnaires en Australie et aux Bermudes.
Des documents d'époque, dont des écrits sur Voltaire et un livre de Thomas Payne sur la révolution française, annotés par Papineau, permettent d'ailleurs de bien comprendre le terreau philosophique auquel s'abreuvaient les principaux acteurs de ces mouvements autonomistes de l'époque. Ailleurs dans le monde, après la France, les mêmes écrits nourrissaient des soulèvements en Irlande, en Afrique du Sud, au Mexique, en Amérique du Sud...
Souvent relégués dans l'ombre, les insurgés du Bas-Canada, dont 18 furent aussi pendus haut et court, trouvent aussi leur place dans cette exposition, qui tente en parallèle de tracer le profil des principales figures de proue des Loyaux.
Chose certaine, qu'il s'agisse de Patriotes ou de Loyaux, ce parcours au coeur des rébellions nous rappelle que des pans entiers de l'histoire se sont joués dans le coeur historique du Vieux-Montréal, à deux pas de la Pointe-à-Callière. Émergence autour du canal Lachine d'une nouvelle économie et d'une richesse détenue massivement par les Britanniques et arrivée massive sur les quais d'immigrants entraînant une concurrence pour les terres. Même si le Parlement était à Québec, Montréal restera toujours le quartier général des Loyaux et des Patriotes, et c'est rue Saint-Jacques qu'auront lieu les premiers actes sanglants entre «Français et Anglais». À deux pas de là, un certain 6 novembre 1837, éclateront les premières échauffourées entre le Doric Club et les Fils de la liberté. L'histoire ne faisait que commencer...
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1837-38, Rébellions: Patriotes vs Loyaux
Musée de la Pointe-à-Callière
Du 6 novembre 2007 au 27 avril 2008
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