Durham fait des étincelles sur Sparks

La CCN occulte la tentative d'assimilation des Canadiens français

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Rébellions 1837-2007


Bellavance, Joël-Denis - La Commission de la capitale nationale (CCN) dresse un petit portrait plutôt flatteur de John George Lambton, mieux connu sous le nom de lord Durham, dans une exposition murale, rue Sparks, soulignant le 150e anniversaire du choix d'Ottawa comme capitale du Canada.
Un étranger qui s'arrête devant cette exposition dans la rue piétonnière aurait la nette impression que lord Durham fait partie des grands bâtisseurs du Canada, son portrait étant bien en vue, tout près de celui du tout premier premier ministre du pays, John A. Macdonald, et de celui de la reine Victoria, entre autres.
Lord Durham s'est rendu célèbre dans les livres d'histoire en publiant un rapport controversé en 1839 après avoir enquêté sur les causes de la rébellion des Patriotes de 1837. Dans son rapport remis aux autorités britanniques, lord Durham proposa trois solutions : l'union du Haut-Canada (aujourd'hui l'Ontario) et du Bas-Canada (le Québec) en un seul pays ; la création d'un gouvernement responsable ; et, surtout, l'assimilation des Canadiens français.
S'unir... pourquoi ?
Lord Durham voyait les Canadiens français comme "un peuple sans culture et sans histoire" qui était nettement inférieur "à la race anglaise" et il proposait d'augmenter l'immigration des îles britanniques pour venir à bout de leur résistance.
"La langue, les lois et le caractère du continent nord-américain sont anglais. Toute autre race que la race anglaise (j'applique cela à tous ceux qui parlent anglais) y apparaît dans un état d'infériorité. C'est pour les tirer de cette infériorité que je veux donner aux Canadiens notre caractère anglais."
Toutefois, la CCN, un organisme qui relève du gouvernement fédéral, passe complètement sous silence cette recommandation de l'envoyé spécial de la Couronne britannique dans son exposition murale. On ne s'attarde qu'à la proposition d'unir le Haut-Canada et le Bas-Canada sous une même autorité.
"L'histoire du choix de la capitale commence en 1837, année marquée par des troubles violents, alors qu'éclatent des rébellions dans les provinces du Haut-Canada et du Bas-Canada. L'Angleterre dépêche alors un réformateur bien connu, lord Durham, pour enquêter sur les causes de cette agitation et pour recommander une solution. Son conseil, soit de réunir les provinces sous une même autorité et de faire évoluer la colonie le plus rapidement possible vers un gouvernement responsable, donne lieu à l'Acte d'Union de 1840", peut-on uniquement lire sous la photo de lord Durham.
Selon Éric Bédard, historien et professeur à l'Université du Québec à Montréal, la CCN a manifestement manqué de délicatesse envers les Québécois en présentant ainsi lord Durham dans une exposition extérieure.
"Il y aurait bien des choses à dire au sujet de lord Durham. Disons que cela peut être choquant pour les Québécois et les Canadiens français, cela c'est sûr. Durham est un personnage très controversé. D'un côté, on peut le voir comme le précurseur du Canada actuel parce qu'il va proposer dans son célèbre rapport l'union du Haut et du Bas-Canada. On peut le voir aussi comme le précurseur de la démocratie canadienne parce qu'il propose le gouvernement responsable et se rallie à la vision réformiste du Haut-Canada. [...] Mais il faudrait au moins mentionner pourquoi il propose l'union. C'est qu'il croit que c'est la meilleure façon de mettre fin aux vaines aspirations nationales des Canadiens français. L'objectif de l'union, c'est de les assimiler", a dit M. Bédard, joint par La Presse à Montréal.
"Que l'on passe cela sous silence, c'est un peu un manque de respect pour un des deux peuples fondateurs du pays. C'est un manque de délicatesse et de doigté que de présenter les choses comme cela quand on sait ce que Durham dit au sujet des Canadiens français", ajoute M. Bédard.
CCN
À la CCN, la directrice des communications, Laurie Peters, a reconnu que l'organisme fédéral a présenté un portrait sommaire de lord Durham. "Mais nous avons fait cela aussi avec les autres personnages. Ce sont des textes très généraux. On se rend compte que son histoire est un peu une source de controverse. Mais on trouvait que pour cette exposition qui parle de l'évolution du Canada Uni et le choix de la capitale, il était un joueur clé de l'époque. On a révisé tous nos textes et validé nos choix avec nos historiens", a dit Mme Peters. Elle a ajouté que cette exposition représente une petite partie des célébrations organisées par la CCN pour marquer le 150e anniversaire du choix de la ville d'Ottawa comme capitale nationale.
Le vice-président des communications de la CCN, Guy Laflamme, a pour sa part indiqué que les historiens consultés ont soutenu que l'on ne pouvait pas passer à côté de la recommandation de lord Durham d'unir les deux provinces pour expliquer l'histoire du choix d'Ottawa comme capitale du pays.
Les deux principaux historiens qui ont été consultés par la CCN pour cette exposition sont Michel Prévost, de l'Université d'Ottawa, et David Knight, de l'Université Queen's. "Ce que nous avons tenté d'expliquer, c'est que lord Durham a été un acteur qui explique le contexte où on devait choisir une capitale des deux provinces unies, mais il ne faut certes pas le considérer comme un bâtisseur de la capitale", a dit M. Laflamme.


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