MMA : L’ARBRE QUI CACHE LA FORÊT
Tout expéditeur est responsable du colis qu’il achemine vers une destination. Au bureau de poste, on achète une assurance pour se prémunir de la perte ou du bris de colis. Qu’il s’agisse d’un expéditeur privé, comme vous et moi, ou d’un expéditeur commercial comme Sears, l’expéditeur doit garantir la réception du colis sans embûche pour le destinataire. Est-ce que cette règle s’applique au transport des matières dangereuses comme le pétrole? Si ce n’est pas le cas, la jurisprudence permet-elle de généraliser l’usage de la responsabilité de l’expéditeur à la pétrolière qui se cache derrière MMA? Dès lors, pourquoi la pétrolière n’est-elle pas inquiétée par les journalistes, la population, les municipalités et les gouvernements?
La compagnie pétrolière qui utilise un transporteur voyou, plusieurs fois pris en faute, est tout aussi coupable que le transporteur délinquant. En utilisant un transporteur déviant, la pétrolière cautionne le laxisme et lésine sur la sécurité du transport des matières dangereuses. La recherche de profit avant la sécurité publique et environnementale aune limite qui a été franchie.
En cherchant à comprendre la responsabilité et les recours possibles pour les citoyens du Lac Mégatic et de tout le Québec contre la MMA, l’Association des chemins de fer du Canada (ACFC) est apparue comme joueur important dans le secteur. En effet, l’ACFC offre des services de formation, d’inspection et de vérification à ces membres, essentiellement des agences en lien avec le transport ferroviaires. D’ailleurs les textes de lois, de règlements, de règles et d’arrêtés applicables sont disponibles sur le site de l’association. Quelque 58 membres y sont répertoriés dont 14 sont Québécois et la MMA brille par son absence. L’ACFC compte aussi 55 membres associés qui regroupent plusieurs catégories d’entreprises dont 19 compagnies québécoises. Nulle part, le nom de la compagnie MMA n’apparaît pas sur ces listes.
http://www.railcan.ca/fr/rac/member_railways
http://www.railcan.ca/fr/rac/associate_members
SOCIALISER LES COÛTS, PRIVATISER LES PROFIT
Ce qui m’amène à me poser des questions : comment se fait-il que la MMA ne soit pas membre de l’ACFC qui semble être l’organisme de contrôle et d’application des lois et règles du transport ferroviaire? Bien que la mission de l’organisme ne soit pas explicitement mentionnée sur le site de l’association. L’adhésion à l’ACFC est-elle obligatoire? Si oui, pourquoi MMA n’est-elle pas membre? Sinon, pourquoi l’adhésion à cette association n’est-elle pas obligatoire? Comment expliquer que malgré les prises en défaut, la MMA a pu poursuivre ses opérations de transport de matières dangereuses?
Alors, qui fait quoi? Entre le fédéral et le provincial, les limites d’application des lois s’enchevêtrent. De nombreux organismes se partagent la responsabilité des différents aspects légaux relatifs au transport ferroviaire : matériels roulants, infrastructures ferroviaires, matières dangereuses, transbordements, territoires nationaux et régionaux, compétence des cheminots. Dans ce casse-tête encore très incomplet, tout est en place pour se perdre dans les dédales de lois qui avantagent l’industrie pétrolière et inconséquentes sur les risques du transport de matières dangereuses par les populations et l’environnement de manière à privatiser les profits et à socialiser les coûts en cas de catastrophe.
LA CATASTROPHE PÉTROLIÈRE AU LAC MÉGANTIC, EST-ELLE UN GÉNOCIDE INVOLONTAIRE?
‘’Génocide involontaire suppose qu’on fasse abstraction d’informations connues avant la réalisation d’un projet industriel, comme par exemple le fait qu’il puisse porter atteinte à la vie même d’un peuple. Intention, organisation et exécution d’un plan sont en cause. Celui-ci est de nature industrielle; c’est-à-dire c’est en cela qu’il se distingue (d’un génocide volontaire). Il mène néanmoins tout droit lui aussi à la mort de peuples. Sciemment, pour peu qu’on se donne les moyens d’en prendre conscience.
Le génocide involontaire comme fait de discrimination radicale
Dans ces cas de figures, l’enjeu de la souveraineté politique est central, au sens néolibéralisme tend à déposséder toute entité politique de ses prérogatives théoriques - c’est-à-dire décider de ce qui est de l’intérêt des collectivités - pour confier le pouvoir de décision aux instances industrielles, commerciales et financières privées. Les contrats d’investissements étrangers tendent à remplacer la loi nationale et ils dissuadent les États à prendre leurs responsabilités en matières de droits humains et d’environnement. Comme d’une part, les États d’accueil se sabordent eux-mêmes parce aux abois pour des investissements étrangers et que, d’autre part, la majorité des contrats sont signés depuis des filiales offshore de grands groupes, aucun État digne de ce nom n’encadre ces sociétés jouissant dès lors d’une souveraineté offshore.’’
Extrait de Faire l’économie de la haine, Alain Denault, Écosociété 2011, pages 77 et 78.
Alain Denault est titulaire d’un doctorat de philosophie de l’Université de Pars-VIII et à l’UQAM. Il est l’auteur de Noir Canada, corruption et criminalité en Afrique et de Offshore, Paradis fiscaux et souveraineté criminelle.
PIPELINE TRANSCANADIEN À LA PORTE DE TROIS-RIVIÈRES
Pendant que tous les yeux du Québec sont tournés vers Lac Mégantic, les Trifluviens s’inquiètent de l’avancée de l’oléoduc d’Énergie Est de la compagnie TransCanada qui passera au-dessus du réservoir d’eau potable de la ville. TransCanada a tenu une première rencontre mercredi avec des élus et des citoyens de neuf municipalités de la MRC du Témiscouata afin de leur présenter son projet de pipeline Énergie Est. L’entreprise compte convertir un gazoduc du Québec en oléoduc et construire un nouveau tronçon afin de faire couler 850 000 barils de brut albertain par jour vers les raffineries d’ici et du Nouveau-Brunswick.
Curieusement, l’annonce discrète de cette avancée du transport du pétrole albertain à travers le Québec passe complètement inaperçue dans l’opinion publique. C’est à se demander si la catastrophe environnementale de Lac Mégantic est un événement planifié pour faire diversion de façon à permettre la poursuite du pipeline dans la quiétude.
Génocide involontaire
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2 commentaires
Archives de Vigile Répondre
1 août 2013Ce n'est pas moi qui a inventé la définition de génocide involontaire. Je ne fais que remarquer la concordance entre un concept développé par plusieurs chercheurs dont Alain Deneault et la fragmentation des responsabilités et de l'application des règles et des lois du transport de matières dangereuses par voie ferroviaire au Canada.
Archives de Vigile Répondre
31 juillet 2013Bref, l'extracteur de Bakken est responsable de la perte et doit dédommager Irving Oil. Sa responsabilité s'arrête là.
Pour la catastrophe, il faut blâmer le laxisme d'Ottawa.
Un génocide est l'extermination physique, intentionnelle, systématique et programmée d'un groupe ou d'une partie d'un groupe en raison de ses origines ethniques, religieuses ou sociales.
↑ Définition donnée par le droit, d'après Le Robert, dictionnaire, édition de 1993.
Staline fit repousser la notion de génocide de classes. Il avait le sang des koulaks sur ses mains. L'extermination de la noblesse et de la bourgeoisie par Lénine n'aidait pas.
Je n'emploierais pas le mot "génocide" à votre place.