Benoît Labonté vient de revêtir le froc du menteur. Et comme tout menteur, il expose sa part de vérité avec le vocabulaire qui sied à la situation lamentable qu'il décrit. Gangrène, cancer et autres qualificatifs servent à circonscrire la scène sur laquelle se déroule la politique québécoise. Le repenti, inspiré par la fable de La Fontaine Les animaux malades de la peste, nous prévient que, s'ils n'en meurent pas tous, tous en sont frappés.
Aucun parti politique n'échapperait donc à ce système de corruption. Ses propos nous plongent ainsi dans les abîmes du découragement, du dégoût, vecteurs par excellence du cynisme. L'électorat québécois vient de se faire mettre K.-O. par un homme habité naguère par un idéal, mais qui n'a pas pu ou su résister aux tentations inhérentes à la quête du pouvoir.
Benoît Labonté a trahi les uns, confondu les autres, mais il ne veut pas tomber en solitaire. Sans avoir de compassion pour lui, on peut le comprendre. D'autant plus que la peur désormais l'habite. Or cette peur, contagieuse, envahit la vie municipale. Un politicien qui a peur pour sa vie, celle de ses proches et de son entourage est une grenade ambulante dégoupillée qui risque l'implosion. Benoît Labonté, qui est passé aux aveux, a su laisser tant de zones d'ombre sur le système dont il assure qu'il est généralisé qu'il éclabousse tous les politiciens. Ainsi, il se sent moins seul, l'homme qui à l'évidence ne croit guère que la vengeance est un plat qui se mange froid.
Ce qui est troublant dans les confessions et les mea-culpa d'un menteur, c'est l'impossibilité de départager le faux du vrai. Le vrai menteur lui-même finit par croire à la réalité réaménagée par son imagination et la nécessité de se protéger. Un vrai menteur finit par se croire, ce qui lui simplifie la vie et atténue les derniers soubresauts de sa mauvaise conscience s'il n'est pas totalement corrompu, ce qui est le cas d'un grand nombre de menteurs. Mais un menteur ne peut se soustraire à ses responsabilités de diffusion de tromperies et, à cet égard, M. Labonté a des comptes à rendre à l'opinion québécoise, qu'il a assommée jeudi par des demi-vérités ou des demi-mensonges. Sa réhabilitation publique, si elle doit avoir lieu, passe par des aveux moins généraux et vagues que ceux qu'il a décidé de nous livrer.
Gérald Tremblay, pour sa part, a trouvé son modèle dans le Thomas de l'Évangile. L'incrédulité est sa vertu, ce qui facilite grandement la tâche de ceux qui autour de lui pratiquent le vice. Comme l'apôtre Thomas, il ne croit pas ce qu'il ne voit pas. Hélas, il ne dédaigne pas les oeillères, ce qui réduit d'autant son champ de vision. Il se présente comme le balayeur en chef de l'Hôtel de Ville de Montréal, le concierge de son parti, car il affirme avoir voué ces dernières années à faire du ménage autour de lui. Hier, il avouait à Paul Arcand, au 98,5, avoir commis une erreur: celle d'avoir fait confiance à son entourage immédiat, promettant ainsi de ne plus pratiquer l'incrédulité. Comment pourra-t-il exercer le pouvoir alors? Serait-il un faux naïf, un faux candide, comme le laisse entendre Benoît Labonté? À quelques reprises, le maire a composé le 911, mais ce recours épisodique à la police ne peut pas servir de politique devant ce qui apparaît comme un système endémique de corruption. La croisière ne peut s'amuser année après année à la barbe du maire, même si ce dernier préfère la bicyclette. Le maire de Montréal ment-il?
Lors de son entretien avec le comité éditorial du Devoir, publié jeudi, Gérald Tremblay a raconté une anecdote dont la vraisemblance étonne. Alors ministre du gouvernement libéral, M. Tremblay aurait refusé un permis à un producteur de vin lié à la mafia. Il raconte qu'au conseil des ministres, on (qui?) l'aurait mis en garde contre le danger pour lui de se retrouver en cour, «à [ses] frais», précise-t-il. Or une question s'impose. Depuis quand un ministre dans l'exercice de ses fonctions doit-il payer ses frais d'avocats en cas de poursuites judiciaires? Cette histoire racontée par le maire de Montréal ne tient pas la route. Était-ce une fable, une blague ou un mensonge? L'invraisemblance du propos nous renverse. Gérald Tremblay, le transparent, a-t-il un talent de romancier?
Pauvres électeurs sommes-nous à Montréal. Dans une semaine, il faudra voter ou s'abstenir dans un rare geste de politisation. Et si la situation justifiait un report de l'élection?
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