Malaise

IDÉES - Tribune libre - mars-avril 2011


Malaise

Je suis en mal d’aise
_ en cette prison constitutionnalisée
_ entre balivernes et fadaises
_ à m’aménager un avenir estropié
J’ai donc mal à mon pays
_ de part en part meurtri
_ souffrance dans ses possibilités
_ en train de se peaudechagriniser
J’ai mal à notre somnolence
_ à cette indifférence de nos déficiences
_ mal à nos atermoiements
_ si riches en égarements
J’ai mal à nos moindres affirmations
_ que dénaturent ces légions de polissons
_ mal à nos moindres parlures
_ qu’on travestit en bavures
Mal à notre angélisme héréditaire
_ qui a fait les délices centenaires
_ de ceux qui profitent et qui rient
_ de notre incorrigible bonasserie
Mal à notre presse
_ maladivement concentrée
_ qui ne fait que nous ballotter
_ entre culpabilité et navrante détresse
Mal à notre statut de province
_ engraissé à la dépendance
_ qui nous aiguille vers une décadence
_ qui mathématiquement nous évince
Mal à nos tergiversations
_ porteuses de génuflexions
_ mal à nos peurs séculaires
_ immortalisées dans notre reliquaire
Mal à nos sixièmes années
_ qu’on veut gaver de bilinguisme
_ plutôt que ne s’établisse
_ leur première langue parlée

Mal à nos ressources
_ qu’on laisse modiquement grappiller
_ pour qu’on nous abandonne en douce
_ un environnement défiguré
Lancinance de malaise généralisé
_ à boursoufler son imposture
_ en cherchant dans la fausse verdure
_ un nouveau sentier pour s’enliser
Mal à notre corruption bien implantée
_ qu’on cherche à soustapifier
_ dans une phobie du diaphane
_ digne de république de banane
Mal à notre quête de prophètes
_ peddler de solutions surfaites
_ qui nous amènent à gratter le fond
_ du baril de nos grandes illusions
Mal à cette sempiternelle dernière chance
_ que l’on donne à ce boiteux attelage
_ sans cesse en partance
_ pour un nouveau mirage
Mal à notre course effrénée
_ vers mille nulle part
_ à toute cette énergie dilapidée
_ sans entrevoir la moindre aurore
Mal à notre pierre à silex
_ orpheline d’étincelles
_ à notre personnalité complexe
_ à colonne de vermicelle
Malade de nous voir nous étioler
_ séduits par le chant de sirènes
_ qui nous susurrent de nous attabler
_ pour notre dernière cène
Malgré tout se nourrir de l’espoir
_ que par un bon matin
_ s’estomperont cette nébulosité sans fin
_ et cette manie suicidaire de surseoir.

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Gilles Ouimet66 articles

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Né à Mont-Laurier en 1947. Études primaires à cet endroit. Études classiques à Mont-Laurier et Hull entre 1961 et 1968. Diplômé en histoire de l’Université Laval en 1971. Enseignant à la polyvalente de Mont-Laurier entre 1971 et 2005. Directeur d’une troupe de théâtre amateur (Troupe Montserrat) depuis 2000. Écriture pour le théâtre, notamment une pièce à l’occasion du centenaire de Mont-Laurier en 1985 (Les Grands d’ici), une autre à l’occasion du 150e anniversaire du soulèvement des Patriotes (Le demi-Lys...et le Lion) en 1987 (prix du public lors du festival de théâtre amateur de Sherbrooke en 1988 et 2e prix au festival canadien de théâtre d’Halifax la même année). En préparation, une pièce sur Louis Riel (La dernière Nuit de Louis Riel). Membre fondateur de la Société d’histoire et de généalogie des Hautes-Laurentides. Retraité de l’enseignement depuis 2005.





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2 commentaires

  • Lucille Labrie Répondre

    1 mai 2011

    Votre poème est magnifiquement écrit, vous êtes très talentueux, allez-vous publiez ceci dans différents médias?
    C'est un poème rempli de vérités et de tristesses face à nos comportements d'indifférence et de fatalité.
    Nos valeureux Patriotes et Aïeux des siècles passés
    seraient tellement déçus de nous voir aller vers
    l'acadisation rapide du Québec!

  • Jean-François-le-Québécois Répondre

    30 avril 2011

    Merci pour ce poème qui frappe fort, et dans le mille.
    Sans vouloir ajouter à votre malaise, une chose que j'ai lue dans un journal, hier: le prénom le plus populaire pour les nouveaux-nés de sexe masculin, au Québec, en 2010, fut William.
    Ça va être beau à entendre, ça, des légions de William Tremblay, William Côté, William Pelletier, dans les écoles du Québec, avant bien longtemps...
    Si j'étais un de nos anglicisateurs professionels et rémunérés du R.O.C., je dirais: «Goddamn it! Ces pauvres French pea soups font notre travail à notre place, bien souvent!».