Le député fédéral Denis Coderre demeure largement favori dans la course à la mairie de Montréal, mais son avance est très fragile, révèle un sondage CROP-La Presse. La véritable surprise de ce coup de sonde vient toutefois de l'actuel maire, Michael Applebaum qui, même s'il assure ne pas vouloir se présenter, pourrait venir brouiller les cartes avec son fort taux de satisfaction.
Parmi les candidats annoncés ou attendus le 3 novembre, Denis Coderre récolte le tiers des intentions de vote; sa candidature plaît par ailleurs surtout chez les francophones. Les deux seuls candidats déjà en campagne, Richard Bergeron et Louise Harel, récoltent respectivement 18% et 15%.
«L'avance de Denis Coderre est substantielle, mais elle demeure très fragile», constate Youri Rivest, vice-président de CROP. D'abord, c'est seulement demain que le député fédéral annoncera officiellement sa candidature. Le test de la réalité peut parfois être difficile, souligne le sondeur.
De plus, le choix des électeurs est loin d'être définitif. Pas moins de 70% des répondants au sondage disent qu'ils pourraient encore changer d'idée d'ici le 3 novembre. Et à six mois du scrutin, le nombre d'indécis est encore très élevé. Pas moins de 28% des électeurs n'ont pas encore fait de choix. Le nombre d'indécis est particulièrement élevé chez les non-francophones (40%).
Michael Applebaum a beau répéter qu'il ne compte pas présenter sa candidature à la mairie de Montréal, il semble pour l'instant le seul à pouvoir rivaliser avec Denis Coderre. L'actuel maire le talonne dans les intentions de vote (à 17% contre 20%) quand on soumet aux électeurs une liste de 14 personnalités qui pourraient diriger la métropole. Le premier maire anglophone de Montréal en 100 ans est le candidat favori chez les non-francophones (26%), loin devant le député fédéral de Bourassa (10%).
Six mois après son arrivée à la mairie, Michael Applebaum a rapidement établi sa notoriété, et son administration de coalition bénéficie d'un fort taux de satisfaction. Quand on demande aux Montréalais de nommer leur maire sans leur offrir un choix de réponses, 88% ont correctement répondu Michael Applebaum. Seulement 2% ont répondu Gérald Tremblay. «C'est très élevé, c'est une notoriété comparable à un premier ministre», constate Youri Rivest.
Les deux tiers des répondants se sont dits très ou assez satisfaits de la coalition qui dirige présentement Montréal. La satisfaction est particulièrement élevée chez les non-francophones, où elle atteint 75%. Rappelons qu'après la démission de Gérald Tremblay, Michael Applebaum a été désigné maire par le conseil municipal et a formé un comité exécutif rassemblant des élus de toutes les tendances à l'hôtel de ville.
Tremblay durement jugé
Le sondage mené les 11 et 12 mai derniers démontre également que les Montréalais sont particulièrement sévères envers leur ancien maire. Après son passage devant la commission Charbonneau, quatre répondants sur cinq croient que Gérald Tremblay s'est volontairement fermé les yeux sur les problèmes de collusion et de corruption. Seulement 17% le croient quand il dit avoir essayé de mettre fin au fléau.
À peine 3% des répondants croient que l'ex-maire détenait le véritable pouvoir à l'hôtel de ville. «C'est presque personne, s'étonne Youri Rivest. Les gens ont l'impression que le vrai pouvoir était entre les mains d'un triumvirat formé de Frank Zampino, de la mafia et des entreprises de construction et firmes de génie.»
Autre signe que les révélations de la commission Charbonneau ont durement entaché la crédibilité de Gérald Tremblay: neuf répondants sur dix croient désormais qu'il a bien fait de démissionner. Lors d'un precedent coup de sonde de CROP, en octobre, ils étaient seulement 43% à réclamer sa démission.
L'effet Charbonneau
La commission Charbonneau fait clairement sentir son effet sur la prochaine campagne électorale. Près des deux tiers (63%) des répondants disent d'ailleurs suivre l'enquête publique de très ou d'assez près. «C'est beaucoup. Il n'y a pas beaucoup de thèmes d'affaires publiques qui suscitent autant d'intérêt», dit Youri Rivest.
Le sondage révèle un fort désabusement parmi les Montréalais. Pas moins de 93% des répondants sont convaincus que le système de collusion et de corruption exposé devant la Commission est toujours en place à Montréal.
La question de l'éthique s'annonce aussi délicate en campagne. Les données indiquent que les Montréalais ne semblent pas avoir trouvé leur champion de l'intégrité. D'ailleurs, 58% des répondants estiment que le prochain maire ne pourra enrayer la collusion et la corruption. «Juste faire campagne sur ce thème serait périlleux pour les candidats», estime Youri Rivest.
Maire intègre pour réparer les nids-de-poule
Il reste que plus de la moitié des Montréalais disent rechercher avant tout un maire intègre, sans peur et sans reproche. Sa priorité devrait tout de même être la remise en état des routes et des infrastructures, l'intégrité arrivant au deuxième rang. «Ce n'est pas nécessairement le candidat le plus intègre qui va gagner, mais c'est un prix d'entrée. Si les gens ne perçoivent pas que tu l'es, les gens ne t'écouteront pas», résume Youri Rivest.
Malgré les révélations de la commission Charbonneau, 85% des répondants disent être très ou assez fiers d'être Montréalais. Seulement 3% ont affirmé qu'ils ne sont «pas du tout fiers».
«La démission de Gérald Tremblay, l'arrivée d'une administration de coalition, la commission Charbonneau: on dirait que ç'a permis aux gens de tourner la page, même s'il reste beaucoup de cynisme», explique Youri Rivest.
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