Le Québec est au coeur d'une crise financière provoquée par la récession. Même si le premier ministre Jean Charest n'a pas voulu parler de finances publiques à la rencontre économique de Lévis, cette semaine, il est clair que l'élimination du déficit est le problème numéro un de son gouvernement. Et on sait tous que ça fera mal.
Pendant ce temps, on a l'impression qu'Ottawa est sur une autre planète. Stephen Harper commence à peine à parler de décisions difficiles. Et il vient d'envoyer un signal clair que le contrôle des dépenses deviendrait une priorité en nommant Stockwell Day président du Conseil du Trésor lors de son récent remaniement.
Mais pour l'instant, le premier ministre canadien, tout comme son ministre des Finances Jim Flaherty, évitent soigneusement de parler de mesures vraiment pénibles: ils excluent des hausses d'impôt, des réductions de transferts aux provinces, des réductions de transferts de personnes, une compression des dépenses militaires. Tant et si bien qu'on se demande où ils pourront faire des économies substantielles.
Pour le gouvernement conservateur, le déficit, actuellement à 54,2 milliards, va disparaître de lui-même d'ici cinq ans, une fois que les programmes de lutte contre la récession auront pris fin et que les revenus fiscaux reviendront à la normale avec la reprise de l'économie. Au pire, il faudra peut-être un brin d'austérité et de contrôle des dépenses pour équilibrer le budget.
C'est impossible, selon le directeur parlementaire du budget, Kevin Page, dont le bureau relève du Parlement plutôt que du gouvernement et qui a pour mandat de faire une évaluation indépendante de l'état des finances publiques: «S'ils veulent avoir un budget équilibré d'ici cinq ans, nous disons qu'ils devront augmenter les impôts et réduire les dépenses.»
Selon le directeur du budget, le déficit fédéral ne disparaîtra pas de lui-même une fois que se seront dissipés les effets de la récession. Il restera encore, en 2013-2014, un déficit de 18,9 milliards, un déficit structurel qui ne se résorbera pas avec la reprise de l'activité économique, parce que le rythme de croissance des revenus de l'État sera moindre dans les années à venir.
Les pronostics roses du ministre Flaherty sont étonnants. Parce qu'ils balaient d'un revers de main les conclusions du directeur du budget, un poste que les conservateurs avaient eux-mêmes créé il y a deux ans au nom de la transparence. Et surtout, en ces matières, mieux vaut être plus prudents que pas assez, au nom du principe de précaution. On se serait donc attendu à ce que ce le gouvernement, idéologiquement allergique aux déficits et à l'endettement, soit extrêmement prudent sur le plan budgétaire.
Cet optimisme étonnant, et irresponsable, s'explique probablement par un calcul politique assez simple. Le gouvernement Harper s'est distingué par sa gestion outrancièrement partisane de la chose publique. Ce dossier n'y échappe pas.
Les problèmes ne sont pas maintenant. Le gouvernement n'aura pas à s'attaquer au déficit dans son prochain budget, parce que les programmes de relance sont encore en action et que personne ne souhaite que des mesures d'austérité affectent une reprise encore fragile. C'est en 2011-2012 qu'il faudra commencer à serrer la vis, sabrer ou songer à des hausses d'impôt.
Pourquoi alors en parler tout de suite? Il est évident que l'austérité budgétaire a un prix, comme on le voit au Québec. Le gouvernement conservateur est minoritaire. Il y aura, tôt ou tard, des élections au Canada, sinon cette année, sans doute assez vite l'an prochain. Une gestion partisane du calendrier politique suggère donc de gagner d'abord les élections et de remettre les mauvaises nouvelles à plus tard. En espérant qu'il soit possible de nier l'évidence sans trop perdre de plumes.
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