Lourd tribut

Politique étrangère et Militarisation du Canada


Pendant que deux soldats tués en Afghanistan étaient portés en terre à Ottawa, hier, quatre autres militaires canadiens ont trouvé la mort dans des attentats près de Kandahar, où les combats contre les talibans ont redoublé de violences ces derniers mois. Amplement de quoi alimenter le trouble légitime d'une bonne partie de l'opinion publique, qui conçoit mal que le Canada soit plongé au coeur d'une guerre.
On s'entre-tue de plus en plus à la frontière israélo-libanaise, en Irak, ainsi qu'en Afghanistan. Pas besoin de faire appel à des experts pour le voir. Ni pour s'en inquiéter.
Chaque citoyen est malheureusement à même de constater que les incendies s'allument et s'embrasent sans que personne ne parvienne vraiment à les maîtriser.
Sur les cartes que regardent les généraux et les conseillers politiques, les zones incandescentes se multiplient. La liste serait longue si l'on incluait la Tchétchénie, les troubles entre le Pakistan et l'Inde, le Darfour, ainsi que le bouillonnement général qui monte dans de nombreux pays arabes. En Iran, notamment.
Ce qui est sûr, c'est que les réponses à apporter à tous ces conflits et à toutes ces menaces sont complexes. Et qu'aucune ne peut reposer seulement sur des interventions militaires.
Certains va-t-en-guerre à Washington le savent plus que d'autres aujourd'hui. C'est le cas de ceux qui ont décidé de porter le feu en Irak en s'appuyant sur des mensonges, et contre l'avis formel de la communauté internationale. À l'abri des regards, ils doivent se mordre les doigts devant la terrible guerre civile qui cause désormais la mort de plusieurs dizaines de citoyens chaque jour dans l'ancienne Mésopotamie.
Ce qui est tout aussi certain, c'est que s'il faut voir le portrait d'ensemble, il faut éviter de mêler les situations. Nous avons déjà souligné que l'intervention militaire en Afghanistan a, hélas !, fini par se confondre pour plusieurs avec celle déclenchée en Irak sous de fallacieux prétextes. Ceux qui entretiennent cette confusion se trompent. Ils oublient que la mission en sol Afghan a obtenu l'aval de la communauté internationale. Que les soldats canadiens s'y trouvent non seulement aux côtés d'Américains et d'Anglais, mais aussi de militaires néerlandais, français et de plusieurs autres pays.
L'ancien chef péquiste Bernard Landry, qui a été réserviste dans l'armée, a très bien exprimé cette idée récemment, lors d'une entrevue au Soleil : "Le Canada a le devoir d'être présent en Afghanistan. Quand une action a été décidée au niveau multilatéral, comme cela a été le cas ici, les pays responsables, ceux qui cherchent la paix et l'harmonie dans le monde, ont le devoir de se joindre à l'effort de solidarité internationale."
M. Landry était à l'Assemblée nationale lorsque les élus québécois ont, au printemps 2001, condamné la folie barbare des talibans, alors au pouvoir à Kaboul. C'était plusieurs semaines avant les attentats contre New York et Washington.
Les attaques d'hier contre les soldats canadiens prouvent que cette mission est la plus périlleuse à laquelle le Canada ait pris part dans l'histoire contemporaine. Le tribut est déjà très lourd.
Tellement que Stephen Harper ne pourra pas se contenter de déclarer éternellement que le "Canada appuie ses soldats". Ce n'est pas ainsi qu'une majorité de Québécois et de Canadiens estimeront que cette mission demeure justifiée, même si elle l'est.
Pour convaincre davantage de citoyens, il devra présenter les fameux projets de reconstruction économique et politique auxquels participent le Canada et la communauté internationale en Afghanistan. Et faire preuve d'un peu plus de nuances en commentant les autres conflits, ce qui accroîtra sa crédibilité.
jmsalvet@lesoleil.com


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