Canada, pays pacifiste ou mythe? Qui décide d'aller ou non en guerre?

Libye: Harper salit le drapeau rouge canadien dans un fleuve de sang !!!

Que dirait la voie d'un Québec indépendant? Suivez le Drapeau bleu...

2 mai 2011 - Harper majoritaire

En Avril 1986, j’étais dans un Boeing d’Air France au dessus de Benghazi en direction de Paris, lorsque des bombardiers américains détruisaient nuitamment des résidences du président Kadhafi. Ils ont manqué leur cible, tué sa fille adoptive, quelques dizaines de civils et deux marines américains y auront perdu la vie. Pourquoi? Les chasseurs libyens nous ont alors barré le ciel, nous obligeant de rebrousse chemin vers le continent de l’obscurité. Nous l’avons échappé belle, en grande partie parce que la France et l’Italie avaient refusé toute collaboration à cette frappe planifiée un an plus tôt.
Un quart de siècle plus tard, la folie reprend le dessus, des bombardiers nous livrent un nouveau concert dans le ciel libyen. Cette fois encore, je m’estime chanceux, ayant passé du coté de ceux dont la vie est sacrée, protégée. J’ai la chance de regarder la télé, de naviguer dans l’imaginaire et questionner le bon sens des journalistes et commentateurs enthousiasmés par ce qui se passe là-bas. Le même enthousiasme spectaculaire qui a caractérisé les destructions des vies et de l’espoir en Irak par la coalition Bush et Blair il y a quelques années. J’eus cru que nous avions fait la bonne école, que nous avions appris à apprécier valablement le sens de la liberté au sens des Bush et celui de la paix au sens de D. Villepin. Que nous aura laissé cette école s’il faut exporter la démocratie sur les têtes de missiles?
Je sais certains me trouveront fou. Ils se demanderont quelle mouche m’a piqué pour ne pas chanter en chœur l’hymne des Nations Unies. Kadhafi est un dictateur, direz-vous, et le Conseil de Sécurité l’a livré aux vautours. Il ne s’agit évidemment pas d’enjeux d’un quelconque attachement à des valeurs de démocratie, de bonne ou mauvaise gouvernance nationale, encore moins de recherche de la paix ou d’intérêts du peuple libyen. Ce peuple qui, sous la dictature de Kadhafi aura été à l’abri des fléaux de l’aide humanitaire, du manque de soins médicaux, de l’analphabétisme et de l’exile, va dorénavant y gouter. Je ne crois pas qu’il y aurait pire scénario, pour justifier la folie. Peu de gens acceptent de verser le sang des autres et le leur, en sacrifice pour un idéal ou un intérêt collectif. Bien des gens par contre, n’accepteront de sacrifice d’un proche. Et ces gens constituent la majorité. Pourquoi l’option des sacrifices passe en priorité? Pourquoi n’avoir pas dialogué avec Kadhafi, l’énergumène qui renonçait au nucléaire sans y être forcé?
Il y avait risque d’étouffement de vent des changements politiques à Benghazi, me dit-on. Mais si on se trouvait par malheur dans la région, on aurait demandé d’être évacué avant la tempête. Comme le sang à verser n’a pas de nom, que le spectacle commence! Ainsi Kadhafi est tué, avec des milliers d’autres proches ou non de son pouvoir. Et le vent pourra continuer son déferlement, sur les régions ressources. Car, il s’agit bien de l’enjeu du repositionnement des astres stratégiques. Aux enfers vieux et exécrable Kadhafi, et avec lui sa folie de vouloir vendre aux mieux offrant les ressources de l’Afrique, la Chine et les pays émergents d’Amérique latine, disait-il au sommet UE-UA l’an dernier.
Voici donc que nous sommes en campagne de destruction, à sens unique. Certains parlent de guerre, mais il n’y a pas de guerre. Nous frappons sur celui qui a déclaré forfait, et nous nous en réjouissons, si nous ne l’ignorons pas. Peu de Canadiens saurons que le pays du Prix Nobel de la Paix Sr Lester B. Pearson, participe paradoxalement aux bombardements autorisés par le club des Nations Unies.
En Afrique et à l’Union Africaine, les manchots de la diplomatie sont sur la piste de danse, et ne semblent pas voir se poindre à l’horizon proche l’horrible décadence du vieux rêve de l’indépendance. De cette façon, le cycle des rendez-vous manqués recommence, cette fois-ci celui du sage mariage des intérêts économiques, intelligemment et collectivement négociés. En occident, élus, diplomates et experts sont muets. Ils attendent que les cendres refroidissent pour écrire des chapitres d’histoire. Au nom d’une nécessaire aide à révolte populaire pour la démocratie, ils s’interdisent de questionner le recours aux armes pour promettre des urnes, ils se complaisent d’avaliser l’esprit et le mouvement de rébellion armée en vue du changement de toute évidence incertain. Entretemps, des millions de litres de sang humain se seront mélangés au sable chaud pour laisser filtrer l’huile essentielle à l’existence d’autres humains. Tous auront raté l'occasion de réanimer et civiliser l'humanité. Une démonstration de plus que ce monde est barbare, qu'on soit pacifiste à la Villepin-Chrétien (Irak 2003) ou belliciste à la Jupé-Harper (Libye, 2011).
Encore et encore, ce sont des gens qui ne sont pas des citoyens des pays guerriers qui sont condamnés à des massacres par nos armes et celles que nous leurs faisons payer pour équiper leurs «dictateurs», et qui ne participent pas aux décisions de ces barbares bombardements. Car leur sang a bon goût dans nos chars, nos habits, nos demeures, nos cellulaires et nos assiettes, quoi qu'on pense! De plus en plus cependant, ce sang risque de sentir suffisamment mauvais pour que l’électeur sensible s’en dissocie. Si non, ce sera un retour à «l’homme des cavernes», ou à plus près de nous le nazi, et la fin du fabuleux rêve humanitaire.

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François Munyabagisha79 articles

  • 53 686

Psycho-pédagogue et économiste, diplômé de l'UQTR
(1990). Au Rwanda en 94, témoin occulaire de la tragédie de «génocides»,

depuis consultant indépendant, observateur avisé et libre penseur.





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5 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    21 mars 2011

    M. Munyabagisha,
    Votre texte est une profonde source de questionnements et de réflexions, fort bien écrit d’ailleurs. Il est difficile pour les populations ici de croire que nos dirigeants peuvent ainsi nous mentir. On peut nous traiter ouvertement ou en secret de complotistes mais force est d’admettre que complot il y a. Il faut tout de même être capable de déceler ce qui est vrai du faux. Ce n’est pas toujours facile. N’étant pas sur place, il faut pouvoir se fier à des sources extérieures sans nécessairement avoir la possibilité immédiate de vérifier l’information.
    Si le passé est garant de l’avenir, il faut alors se rappeler l’époque de Saddam Hussein. Tant qu’il a agi dans le sens des intérêts des USA, du Royaume-Uni et d’Israël, tout était beau dans le meilleur des mondes sauf que quand il a commis de ‘’petits’’ impairs chez les kurdes, là, dans l’immédiat, ça ne dérangeait pas l’oligarchie qui, en fait, n’en avait rien à cirer des kurdes. Par contre quand le trio infernal, USA, Israël et l’Angleterre, a senti que Saddam devenait de moins en moins contrôlable, on a commencé à le diaboliser, c’était un méchant dictateur à abattre. On a inventé des armes de destruction massive et autres horreurs. Ça n’a pas suffit pour vraiment rallier le peuple américain à envoyer ses enfants à la boucherie alors peu de temps après, les tours jumelles ont sauté causant l’émoi suffisant pour pouvoir attaquer ce méchant Saddam qui avait, comme ils disaient, sans doute aidé Al-Qaida à fomenter cette attaque au cœur des USA. Tout était faux mais tout était propagé par les médias comme vrai, sans vérification. Quand on sait qu’Al Qaida est la branche arabe de CIA cela laisse un très mauvais goût tant qu’à nos médias. Après qu’ils aient capturé Saddam Hussein, nous avons pu voir sur nos écrans des Iraqiens déboulonner la statue de Saddam et danser de joie à cette occasion. Vous vous en souvenez j’espère. Cela a été démontré par la suite que c’était une mise en scène pour la propagande pro-guerre. Pourtant, la très sérieuse Radio-Canada, TVA et compagnie nous avaient pourtant abreuvés de cette propagande ce qui fait que maintenant comment pourrait-on croire à la liesse des gens qui sont venus détruire leur pays. Qu’est ce qui est faux et qu’est-ce qui est vrai, voilà la question. Qu’est-ce qui est vérifiable?....pour l’instant rien cependant tout porte à croire que l’ ’’aide’’ de l’occident n’est qu’une répétition de l’Iraq. Ce que je considère dangereux dans ce conflit au départ, limité, c’est que l’ajout de nouveaux belligérants viennent attiser d’autres braises et que ce soit le début d’un incendie incontrôlable. N’oubliez pas que plusieurs ‘’fous’’ possèdent la bombe atomique et que le pétrole, toujours lui, venant à manquer, ne provoque des débordements imprévisibles.
    Quelle est la planification des oligarques de Bilderberg et autres associations de malfaiteurs ont prévu? Pour l’instant nous n’en savons rien sauf qu’eux vont s’en tirer pendant que les petits peuples à travers la planète vont s’entretuer, par contre, un conflit nucléaire ne profitera à personne.
    Ivan Parent

  • Jean-Claude Pomerleau Répondre

    21 mars 2011

    Votre contribution est une des nombreuses raisons qui me font apprécier Vigile.
    ....
    Pour comprendre l'enjeu, voici quelques références:
    Une lecture géopolitique de ce deuxième Printemps arabe (le premier a eu lieu dans les années cinquante):
    http://www.realpolitik.tv/2011/03/les-revolutions-arabes-et-leurs-consequences-strategiques/
    (Realpolitik.Tv, un site de grand intérêt)
    ....
    Voici une analyse de fond qui soulève des questions pertinentes sur les mérites de cette intervention de l'extérieur:

    http://english.aljazeera.net/indepth/opinion/2011/03/201132093458329910.html
    Pendant que l'on intervient en Libye pour des raisons "humanitaires", l'armée Saoudienne débarque au Barhein pour contrer une révolution démocratique, pendant que la médiacratie regarde ailleurs:
    L’intervention saoudienne à Bahreïn et le silence complice des bourgeoisies occidentales.
    http://www.legrandsoir.info/L-intervention-saoudienne-a-Bahrein-et-le-silence-complice-des-bourgeoisies-occidentales.html
    ....
    Sur la nature organique de l'État Lybien:
    http://www.realpolitik.tv/2011/02/mouammar-kadhafi-bernard-lugan-crise-libyenne-aspiration-democratique-alliances-tribales/
    ...
    JCPomerleau

  • Serge Charbonneau Répondre

    21 mars 2011

    Opération El Dorado Canyon, 15 avril 1986

    http://abcnews.go.com/Archives/video/us-attacks-libya-operation-el-dorado-canyon-9919759

    18 bombardiers stratégiques F-111F,
    4 avions de contre-mesure électronique EF-111A Raven,
    15 chasseurs A-6, A-7 et F/A-18
    et 1 avion de guerre électronique EA-6B Prowler,
    lancés des porte-avions USS Saratoga, USS America et USS Coral Sea stationnés dans le golfe de Syrte,
    Cette armada frappe en pleine nuit, à 2 h00 AM (temps libyen) cinq cibles.
    L'attaque dure environ 2 minutes et les appareils ont largué environ 60 tonnes de bombes sur Tripoli.
    On été touché:
    - un aérodrome,
    - un site d'entraînement d'hommes-grenouilles à l'académie navale
    - ainsi que la caserne Bab al-Aziziya (résidence du Président).
    Les A-6 et les F/A-18 bombardent des sites de radars et de défense anti-aérienne à Benghazi, avant de bombarder des casernes à Benina et Jamahiriya.
    Un F-111 US qui participe à l'attaque de Bab al-Aziziya est abattu au-dessus du golfe de Syrte par tir de missile sol-air libyen.
    Le nombre total de victimes libyennes est estimé à 60 personnes, dont 37 tués.
    La « fille adoptive » de Kadhafi a été tuée par les missiles américains.
    Mouammar Kadhafi a eu la vie sauve de justesse, ayant été averti juste avant l'attaque.
    Lui et sa famille se sont réfugiés au sous-sol de leur résidence.

  • Serge Charbonneau Répondre

    21 mars 2011

    Aujourd'hui il devient risqué, pour notre réputation de souligner des faits comme vous le faites, François.
    Vous risquez votre réputation lorsque vous dites:
    «Ce peuple qui, sous la dictature de Kadhafi aura été à l’abri des fléaux de l’aide humanitaire, du manque de soins médicaux, de l’analphabétisme et de l’exile, va dorénavant y gouter.»
    C'est pourtant la réalité. De nos jours, les faits n'ont plus aucun poids. Ce sont les mots qui priment. Lorsque l'on dit: le peuple libyen se fait assassiner pas son dictateur, ces mots deviennent une réalité indestructible, tandis que de souligner les faits facilement vérifiables que vous mentionnez peut vous prévaloir de vous faire lapider au coin de la rue pour soutient au dictateur "sanguinaire"!
    Nous constatons toute la force de l'arme médiatique. Nous constatons le ravage que cette arme peut faire dans les cerveaux.
    On la dénonce même sur la pointe des pieds en craignant de nous tromper royalement, on en vient nous-mêmes à douter des faits pourtant indéniables.
    C'est terrible le lavage cérébral !
    Serge Charbonneau
    Québec

  • Serge Charbonneau Répondre

    21 mars 2011

    Oui, une phrase vraiment importante.
    Celle-ci: je m’estime chanceux, ayant passé du coté de ceux dont la vie est sacrée, protégée.
    Je crois que c'est ça le drame.
    Ici, notre vie est "sacrée, protégée" ce qui n'est pas le cas dans tous ces pays où le colonisateur ou l'exploiteur a le droit de vie ou de mort sur les populations.
    Votre réflexion-témoignage, M. Munyabagisha, nous fait vraiment réfléchir.
    Nous avons tellement besoin de réflexion.
    Et je crois que malgré la souffrance, nous devrions peut-être vivre un peu plus la guerre de plus près.
    L'odeur du cadavre et des corps déchiquetés nous manque terriblement.
    Je crois que cette odeur et ce spectacle pourraient peut-être nous rendre plus humains.
    C'est dégueulasse, mais je suis vraiment désespéré devant tant d'insensibilité devant les horreurs de la guerre.
    Merci de nous faire réfléchir, M. Munyabagisha.
    Serge Charbonneau
    Québec