Libre opinion - La bataille de la mémoire

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Ottawa cherche désespérément à donner un sens au Canada

Pendant qu’on se dispute au Québec pour savoir si un crucifix est un objet religieux ou patrimonial, Ottawa mène, tambour battant, une offensive sans précédent sur le front des commémorations.

Les chiffres à eux seuls donnent le vertige. Selon les documents obtenus par la Loi sur l’accès à l’information, le gouvernement Harper aura dépensé cette année au moins 42 millions à commémorer l’histoire canadienne. À lui seul, le bicentenaire de la guerre de 1812 a reçu 34,7 millions dépensés en publicité, subventions et octrois de toutes sortes. Pour la seule année 2014, 11,9 millions ont déjà été annoncés.

Pour les quatre prochaines années, le ministère du Patrimoine a déjà dressé la liste des événements historiques qui seront célébrés, à commencer par le 150e anniversaire de la Conférence de Québec de 1864, souligné l’an prochain de manière éclatante, qu’on le veuille ou non, dans la capitale québécoise. Le 50e du drapeau canadien en 2015, le centenaire du droit de vote des femmes au niveau fédéral en 2016 et les exploits des soldats canadiens durant les guerres mondiales sont aussi au menu pour nous mener au crescendo de 2017 en vue de célébrer le 150e anniversaire de la Confédération canadienne avec un budget pharaonique voisinant les 100 millions de dollars.

Cette bataille de la mémoire est cruciale, et le gouvernement Harper l’a compris. Elle consiste à terme à redéfinir l’identité et l’appartenance nationales en fouettant l’unité canadienne et en faisant la promotion des valeurs conservatrices, monarchiques et impérialistes chères à une certaine base électorale. Toutes les clientèles sont visées par l’opération, mais nulle communauté n’est davantage ciblée que les francophones du Québec, dont on se promet de reformater en profondeur le rapport à l’histoire et à l’identité.

Pour une politique intégrée des commémorations

Or, le Québec accuse sur ce plan un sérieux retard. Le problème vient de l’impression tenace que les commémorations historiques sont ennuyeuses, dépenaillées et nécessairement teintées de partisanerie : un « gaspillage de fonds publics ». C’est qu’on saisit encore mal que ces rendez-vous avec l’histoire sont essentiels pour sceller l’adhésion à un contrat social et pour inculquer des valeurs de respect et de solidarité fondées sur une expérience historique commune.

Le Québec dispose pourtant de solides atouts, et en particulier sa maîtrise d’oeuvre en matière d’éducation et de culture. Pour la première fois en 2013, le gouvernement du Québec a donc accordé un financement public à certaines fêtes statutaires, comme la journée du Drapeau et la Journée nationale des patriotes, mais ces initiatives demeurent ponctuelles. Or, même si Québec ne pourra jamais contrebalancer les sommes massives consenties par Ottawa, il est urgent que l’État québécois se dote à son tour d’une politique intégrée des commémorations.

À l’heure actuelle, l’essentiel des ressources dévolues par Québec en ce domaine va à la Fête nationale du 24 juin, soumise depuis 30 ans à un protocole signé avec le Mouvement national des Québécois (MNQ), qui s’assure que la fête soit célébrée de manière éclatante et consensuelle sur l’ensemble du territoire. Depuis 2012, le MNQ propose d’étendre cette expertise aux autres fêtes statutaires, de parrainer la remise de prix du Mérite en histoire et en littérature et de conseiller l’État québécois afin de souligner adéquatement des anniversaires ponctuels, comme le 350e de l’arrivée des Filles du Roy ou le centenaire de la naissance de Félix Leclerc.

Le moyen le plus efficace pour Québec d’agir rapidement sur le front commémoratif consiste donc à étendre le protocole déjà appliqué à la Fête nationale aux autres anniversaires historiques. À maintes occasions en 2013, la première ministre du Québec a pu constater l’expertise du MNQ, qui seul a l’expérience et la neutralité requises pour permettre au Québec d’occuper le champ des commémorations historiques, sans risquer que ses initiatives soient suspectées de partisanerie ou balayées par les aléas électoraux.
Gilles Laporte - Président du Mouvement national des Québécoises et Québécois

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Gilles Laporte34 articles

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professeur d’histoire au cégep du Vieux Montréal.

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