Lettre ouverte à la Commission sur les accommodements raisonnables

Tribune libre - 2007

Je veux d’abord féliciter les deux commissaires pour leur ouverture, leur sagesse et leur générosité.

La présente commission a donné un large cadre à son mandat. Et il est bon de constater qu’un désir d’efficacité immédiate n’en a pas limité la portée. Les statistiques et l’agitation actuelle autour de la question des accommodements raisonnables ne doivent pas nous imposer une réflexion restreinte s’adressant uniquement à des situations ponctuelles.

Le cadre de la commission s’étant donc élargi à la question identitaire, je profite de l’occasion qui m’est donnée ici pour aborder certains aspects essentiels de cette identité nationale dont on ne parle pas assez.

Je vous dirai d’abord que je suis très sensible à la question de l’amitié entre les peuples. Actuellement, au Québec, on peut percevoir un certain nombre de peurs à propos des relations entre Québécois « de souche » et immigrants. Ces peurs ressurgissent périodiquement… tout comme celles concernant nos relations avec les amérindiens. - Remarquez qu’il s’agit des « nouveaux » et des « anciens »; de ceux qui arrivent pour habiter un nouveau territoire et ceux qui habitent ce territoire depuis des millénaires - Les tentions et discordes entre les groupes culturels m’attristent. Les réactions générées par la peur, comme le racisme, me révoltent profondément. C’est ce qui motive ma démarche.

Peut-être certains percevront-ils ce qui suit comme « hors-cadre »! Mais prenons un certain recul et nous reconnaîtrons la pertinence d’inclure la « petite histoire » du Québec parmi les points de vue présentés à cette commission. Si nous acceptons de voir le Québec comme une jeune nation ayant principalement des ancêtres européens et Amérindiens, ce qui suit trouvera sa place dans nos réflexions.



« Je me souviens » devise du Québec !...

Essayons de nous souvenir…

Dans le contexte de la présente commission, il est utile de regarder certains aspects de l’histoire de l’immigration et des relations entre habitants de diverses origines sur ce territoire nommé aujourd’hui Québec*.

(* Mon propos ne me permet pas d’élaborer sur la diversité des rencontres. La venue des Inuits, les multiples contacts entre européens et Amérindiens avant l’an 1534, les relations avec les descendants d’africains; esclaves ou ayant fui l’esclavage, les asiatiques qui ont contribué à la construction des chemins de fer…)

Une ère importante de cette histoire a commencé avec l’arrivée des premiers explorateurs et des coureurs des bois d’origine européenne qui ont arpenté de nouveaux espaces… Ils ont pu le faire grâce aux liens qu’ils ont tissés avec les Premiers habitants du continent.

Plus tard, des colons, devenus des Canayens, ont commencé à prendre racine. Ils étaient en territoire autochtone… Ils ont donc dû négocier des ententes permettant la cohabitation entre les peuples.

Puis les britanniques se sont ajoutés aux groupes précédents transformant la dynamique déjà existante entre descendants d’européens, métis et amérindiens.

Aujourd’hui, bien que marquées par l’isolement des communautés amérindiennes dans les réserves, les relations entre Premiers Habitants et Québécois de toute origine suivent leur cour. (Il est à noter qu’en fait, plusieurs autochtones ne se considèrent pas comme Québécois, ni même comme Canadiens)

Alors, je me questionne...
Pourquoi, lorsqu’on parle de l’état des relations entre Québécois dit « de souche » et immigrants, l’aspect historique est négligé. Pourquoi la question des relations avec les Premiers habitants est mise de côté, passée sous silence?

Reconnaissons que :

- Le Québec est une très jeune nation.

- Les premiers européens arrivés sur ce territoire étaient des hommes, uniquement des hommes… Donc nos premières mères étaient des amérindiennes et leurs filles des métis… Les premiers Canayens ou « québécois de souche » étaient métis.

- Les peuples Amérindiens ont donné à notre culture des apports originaux, qui ne doivent pas être omis lorsqu’il est question de notre identité collective…

- Nous devons nous souvenir collectivement de l’accueil et du support des peuples autochtones aux moments où nos ancêtres européens ont débarqué sur les rives de ce continent…

- Notre société affiche une méconnaissance et une non reconnaissance générale des valeurs des premiers peuples de ce territoire…
- Il y a eu injustice dans le traitement fait aux peuples Amérindiens, particulièrement en regard du respect dû aux premiers habitants de ces terres. Il y a eu et il y a toujours un non-respect de cette « société d’accueil autochtone ». Non respect des peuples, des cultures et des organisations sociales – qui nous ont accueillis.

Si nous refusons de nous arrêter sur ces aspects de notre « histoire », de les regarder et de tendre à en rectifier les lacunes, il sera plus difficile d’obtenir une véritable adhésion et un respect large et profond de la part des nouveaux arrivants.
Plusieurs immigrants sont sensibles à cet aspect de la situation entre immigration, peuples et territoire… Malheureusement, certains s’appuient sur un constat d’in équité, et de non respect de la pérennité pour justifier des comportements porteurs de discorde…
On pourra, par exemple, entendre : « … Ne nous faite pas la leçon, regardez comment vous-vous êtes comporté avec les autochtones qui vous ont accueillis ici!... Nous sommes tous des immigrant car les premiers habitants de ce territoire sont les Amérindiens! »

… Mettons-nous à l’écoute

Je crois qu’il serait important de tenir compte de l’histoire des relations entre Premiers Habitants et Québécois dans nos analyses et réflexions sur la société d’accueil.

Je crois aussi qu’il serait bon de prendre le pouls des nations amérindiennes face aux problématiques d’immigration, d’accueil et d’intégration… Car ils représentent une partie du « Nous » que nous essayons de nommer.
Il serait même raisonnable et souhaitable de proposer aux représentants Amérindiens de donner leurs points de vue sur la présente commission et sur tout autre travail subséquents sur ces questions.

Je crois profondément qu’une reconnaissance du passé de ce continent ainsi que le respect de ses Premiers habitants contribuerait grandement à y apporter plus de paix et de fraternité.

Je vous remercie d’avoir pris connaissance de ce point de vue sur l’identité québécoise et l’interculturel en territoire québécois. Et j’espère que cela pourra nourrir votre réflexion et contribuer humblement à aux travaux de la commission.

Cordialement,

Vincent Dostaler

Montréal, Qc


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