Les services ont un prix

Cette capacité de l'État québécois, nous la perdrons bientôt si nous ne faisons preuve de réalisme et si nous persistons à croire qu'il est possible de continuer à avoir le beurre et l'argent du beurre.

Budget Québec 2010

Le débat qui s'amorce au Québec sur l'état des finances publiques, la nécessité d'un redressement et les moyens que nous devons mettre de l'avant pour y parvenir doit se faire, et rapidement.
Si le dernier budget a agi comme révélateur de l'état réel des finances publiques, la récession a fini de nous convaincre que le statu quo n'est pas viable. Même si nous avons été moins frappés qu'ailleurs dans le monde, à cause notamment du programme d'Infrastructures du gouvernement du Québec, les effets combinés de la récession et «l'aveuglement volontaire» dont nous faisons preuve à l'égard des moyens financiers dont nous disposons se feront sentir sur les finances publiques pendant plusieurs années. En fait, les efforts consentis depuis 1998 afin d'atteindre l'équilibre budgétaire pourraient pratiquement être anéantis par ces deux facteurs.

Il faut cesser de crier à l'incompétence des élus qui nous gouvernent, peu importe le parti qu'ils représentent, comme source des maux qui affligent les finances publiques. En exigeant constamment des services nouveaux ou un accroissement de la qualité et de la quantité des services existants, il faut être conséquent: ces services ont un prix que nous avons tous ensemble la responsabilité d'assumer.
Persister à croire, comme nous le suggèrent de récents sondages, que nous pouvons exiger de plus en plus de services gouvernementaux et en même temps fermer les yeux sur notre capacité et les moyens de les financer, nous fera frapper un mur avant longtemps. D'ailleurs, nous y sommes presque!
Ce n'est pas par mauvaise volonté que 60% de la solution pour un retour à l'équilibre budgétaire n'a pas été identifié lors du dépôt du dernier budget québécois. C'est simplement parce que nous n'avons plus de marge de manoeuvre au Québec, nous n'avons plus de cibles facilement identifiables dans le régime actuel de perception des recettes et de planification des dépenses de l'État.
Bouleverser ce régime ne se fait pas sans heurts et commande nécessairement un vrai débat public. Un débat où seraient présentés divers scénarios de retour à l'équilibre budgétaire, de financement des services auxquels nous tenons et de redressement durable comportant des objectifs plus consistants de réduction de la dette publique. Une dette qui est toujours la plus importante au Canada et qui draine 7 milliards de dollars par année en frais d'intérêts.
Il est indéniable qu'un gouvernement responsable doit susciter ce débat, malgré l'impopularité du sujet. Nous sommes mûrs pour un tel exercice démocratique et le premier ministre du Québec semble vouloir le réaliser.
Au cours de cet exercice, tout doit cependant être sur la table: les recettes fiscales, les dépenses, les services et les coûts, y compris les tarifs d'Hydro-Québec.
Et ce n'est pas un péché de penser à une augmentation graduelle des tarifs payés par les Québécois qui ne représentent à l'heure actuelle que la moitié de ceux payés partout en Amérique du Nord. Ce n'est pas un péché non plus que de penser pouvoir réaliser une offensive marquée au chapitre de l'exportation d'électricité afin que plus de 5% de notre production soit écoulée aux prix réels et lucratifs du marché. Ce n'est pas d'être mal avisé que de croire, à la veille du sommet de Copenhague sur l'environnement et à l'ère très prochaine des voitures propulsées à l'électricité, que le Québec puisse tirer parti de cet avantage comparatif d'une énergie propre et renouvelable.
C'est simplement mettre notre patrimoine au service de la création de richesse, de l'augmentation de notre bien-être et du financement des services publics comme la santé, dont le financement s'accroît de plus de 1,5 milliard par année.
L'utilité d'un État réside dans sa force d'intervention, dans sa capacité à offrir les services publics désirés par sa population et à relever en son nom les nombreux et complexes défis qui la confrontent. Cette capacité de l'État québécois, nous la perdrons bientôt si nous ne faisons preuve de réalisme et si nous persistons à croire qu'il est possible de continuer à avoir le beurre et l'argent du beurre.
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Yvan Loubier
L'auteur est économiste et conseiller principal au cabinet de relations publiques National.


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