Le budget de la continuité

Budget Harper 2012




Les budgets des administrations publiques, planifiés couramment sur un horizon de trois ou cinq ans, nous réservent de moins en moins de grandes surprises. C'est le cas du budget fédéral 2012-2013 de Jim Flaherty, du moins sur le plan fiscal. Car outre le chiffre de réduction des dépenses qui a donné lieu à toutes sortes de spéculations jusqu'à hier, tous pariaient sur un budget de la continuité.
Ce budget reflète d'abord la volonté (et première priorité) du gouvernement fédéral, clairement exprimée dans son budget 2009, d'atteindre coûte que coûte l'équilibre budgétaire en 2014-2015. Et au rythme où vont les choses, le déficit zéro pourrait survenir avant cet échéancier.
Ce budget exprime également une volonté d'appuyer fortement l'essor du secteur des ressources naturelles et d'infléchir le cours des choses au chapitre de la productivité des entreprises.
Le ministre a raison de pavoiser en regard de l'évolution du déficit et de l'évolution de la dette canadienne. Lorsqu'on se compare à d'autres, et notamment aux pays du G7, la performance canadienne surpasse de loin tous ces pays, très loin devant l'Allemagne qui arrive deuxième. Le FMI et l'OCDE prévoient d'ailleurs qu'au cours des deux prochaines années, le Canada continuera de surpasser ses partenaires des pays industrialisés à ce chapitre.
Le Canada doit remercier la Providence de l'avoir doté d'imposantes ressources naturelles, pétrole et minerais, qui le placent d'emblée dans une position privilégiée au chapitre des rentrées fiscales.
M. Flaherty l'a compris puisque son budget mise en bonne partie sur ce cheval gagnant avec un train de mesures d'importance pour en tirer encore davantage de bénéfices. Cette orientation tranche sur toutes les autres initiatives du budget et lui donne en quelque sorte une couleur.
En outre, le processus d'examen général et environnemental des projets de grande envergure sera revu et facilité. Un montant de 165 millions sera ajouté au fonds de développement des ressources naturelles; une partie des nouveaux fonds de 400 millions de dollars de capital de risque sera très certainement affectée à ce secteur; le crédit d'impôt temporaire à l'exploration minière sera prolongé d'une année; et des mesures seront mises en place pour faciliter l'exploration du pétrole et du gaz extracôtier.
Le gouvernement fédéral a également compris qu'un investissement à long terme s'impose ailleurs, notamment au chapitre de la productivité des entreprises manufacturières canadiennes qui, depuis des décennies, souffrent d'un écart considérable comparée à leurs principaux concurrents; un écart qui n'est pas prêt de s'amoindrir avec le niveau du dollar canadien.
Les mesures concernant la recherche, le développement et l'innovation, bien que relativement modestes, sont d'ailleurs teintées par cet objectif. Ces mesures pourraient avoir une incidence positive à moyen et long terme sur la capacité des entreprises canadiennes à faire face à leurs compétiteurs.
Mais il est loin d'être évident, compte tenu des moyens relativement limités, que cela sera suffisant pour leur permettre d'affronter les meilleurs. Le secteur manufacturier canadien a un gros fossé à combler et on aurait pu s'attendre à un effort plus substantiel de la part de M. Flaherty, étant donné sa marge de manoeuvre.
Du point de vue du Québec, si le premier ministre Charest a une raison, une seule, de se réjouir du budget fédéral, ce sera au niveau des mesures qu'il prévoit au chapitre des ressources naturelles; elles viennent en appui à la réussite de son Plan Nord et aux ambitions du Québec de devenir un important joueur dans le secteur des hydrocarbures.
Mais il y en aura peut-être une autre, collatérale celle-là: en faisant la démonstration de sa performance au niveau des finances publiques et de sa relative marge de manoeuvre par rapport au plan initial d'assainissement, M. Flaherty vient de donner un argument de choix au gouvernement du Québec pour s'opposer aux orientations fédérales au chapitre notamment des transferts dans le secteur de la santé.
***
Yvan Loubier
L'auteur est économiste et conseiller principal au cabinet de relations publiques National.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé