"Les Québécois ont de la mémoire"

Ils se souviendront de leur colère le 26 mars, prédit le chef du PQ en entrevue à La Presse

" M. Charest a manqué à sa parole, il a menti aux électeurs. M. Dumont change d'idée comme de chemise ", martèle le chef péquiste.


Par Denis Lessard - QUÉBEC - André Boisclair aura-t-il une seconde chance s'il perd les prochaines élections? Des militants péquistes lui prédisent déjà " le train de nuit " vers Toronto, où il prévoyait travailler avant que Bernard Landry n'annonce son départ.
C'est sans compter sur la ténacité du jeune chef péquiste. Celui qui propose la " reconstruction " du Québec ne se laissera pas ainsi démolir.
" Je ne vois pas pourquoi je m'épancherais sur des scénarios de défaite. Je m'en vais vers la victoire, de lancer le chef péquiste. Cherchez les précédents Quand avez-vous vu qu'un parti parte gagnant dans les sondages après un seul mandat dans l'opposition. Je ne me souviens pas d'avoir vu ça! "
Il manque un bouton à son veston. Il s'est précipité dans son bureau pour un coup de peigne dès qu'il s'est rendu compte qu'un photographe serait présent à l'entrevue qu'il accordait à La Presse dans les heures précédant le déclenchement de la campagne électorale.
Une mèche reste obstinément rebelle, pointant vers le plafond. Son chef de cabinet, Lyne-Sylvie Perron, s'oppose à ce qu'il tombe la veste, même le temps d'un cliché. Le noeud de cravate est impeccable et le bouton manquant eh bien! on fera avec.
Juste à côté, la pile de valises qui attendent l'autobus qui sillonnera le Québec pendant les 33 prochains jours.
Quand on lui rappelle que, sous sa direction, le PQ a perdu une quinzaine de points en un an dans les sondages, sa réponse est prête : " Les Québécois ont de la mémoire. Ils sont insatisfaits du gouvernement Charest ", martèle-t-il.
Avec la quarantaine, il a pris un peu de poids, mais il est moins cerné qu'il y a quelques semaines. Dans les heures précédant le déclenchement de la campagne électorale, André Boisclair paraissait en forme.
Pas de traces visibles des inquiétudes récentes sur l'unité de ses troupes. Au surplus, lors de la mise en jeu -les points de presse consécutifs au parlement le jour du déclenchement-, André Boisclair a été le plus énergique des trois chefs. Il refuse de répondre quand on lui demande si Jean Charest a déclenché les élections plus vite que prévu pour profiter d'un moment d'instabilité et de démobilisation au PQ. " Il a fait vite parce qu'il est coincé, il veut des élections avant le rapport Grenier, avant le rapport sur le C. difficile, avant le rapport sur le viaduc Concorde. C'est un gouvernement sous enquête! " lance-t-il comme s'il répétait ses chutes de discours.
" Cela va bien au Parti québécois, cela me paraît perceptible cette bonne humeur, cet enthousiasme et le goût de la victoire ", tranche M. Boisclair. Il souhaite la participation de Bernard Landry à la campagne. " C'est un souverainiste puissant qui trouvera toujours chez moi le même respect ", précise-t-il, soulignant aussi s'entretenir régulièrement avec Lucien Bouchard et Jacques Parizeau.
Il se referme, c'est visible, dès qu'on prononce le mot " cocaïne ". La veille, à l'Assemblée nationale, le ministre de la Sécurité publique, Jacques Dupuis, avait clairement montré du doigt M. Boisclair en lançant à Diane Lemieux que son voisin de bureau avait transgressé le Code criminel.
" Je vais faire un débat sur le fond des choses. Si certains veulent amener le débat ailleurs, ils en porteront la responsabilité. Les Québécois sont informés, savent ce qu'il en est et s'attendent de la part du gouvernement Charest à la même transparence dont j'ai pu faire preuve dans le passé ", réplique M. Boisclair. Il se refuse aussi à attaquer les journalistes qui, même si aucun fait nouveau n'a été amené, ont récemment ressorti ces histoires.
Du temps bien occupé
M. Boisclair est chef du PQ depuis novembre 2005, mais le parti semble pris de court par la décision du gouvernement de devancer le scrutin. À deux semaines du déclenchement, le PQ avait encore 60 candidats à trouver. Il a fallu mettre les bouchées triples pour que 122 candidats sur 125 soient choisis demain. Dans bien des cas les candidats souhaités n'ont pas franchi l'investiture.
" Je n'ai pas perdu une seule seconde de mon temps. Je suis allé à la rencontre des Québécois, partout. J'ai rencontré des candidats potentiels ", se défend M. Boisclair quand on lui demande s'il n'a pas un peu perdu de temps depuis son arrivée aux commandes de la formation.
Si la plateforme est encore en mouvance, c'est qu'on va y intégrer les sommes attendues d'Ottawa. Il sera clair, selon lui, que les fonds susceptibles d'être annoncés dans le budget fédéral du 19 mars seront disponibles pour un gouvernement péquiste. " Ce n'est pas un cadeau à M. Charest ", observe André Boisclair. Le cadre financier du PLQ comporte un trou de 1 milliard par année, et " nous conduit vers un mur " à moins que le ministre des Finances, Michel Audet, n'ait pu tenir compte de recettes à venir d'Ottawa.
" M. Charest a manqué à sa parole, il a menti aux électeurs. M. Dumont change d'idée comme de chemise ", martèle le chef péquiste. Il répétait la même phrase quelques minutes plus tard, lançant sa campagne dans le hall du parlement. Et il l'a probablement répétée quelques fois depuis mercredi.


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