Le moment d’arrêt auquel nous convie la Fête nationale du Québec chaque année est tout indiqué pour nous questionner sur ce que nous avons accompli comme peuple depuis la dernière fête et ce qu’il nous reste à faire pour maîtriser l’avenir que nous souhaitons nous donner. Il y a du pain sur la planche. Et le temps passe.
Nous savons bien que nous sommes au bord d’une élection que nous attendons depuis longtemps. Les messages qu’on va nous servir vont tenter de nous rassurer dans certains cas ou encore de nous faire peur. Cela, certains politiciens savent si bien le faire. Il nous faudra beaucoup de sang-froid pour résister aux chants des sirènes et il faudra garder la tête sur les épaules pour nous souvenir de ce qu’on nous a fait vivre depuis des années.
Les Québécois traversent des moments difficiles. Ils ont trouvé les derniers mois difficiles et ils se sentent déchirés entre deux pôles qui se disputent leur appui. Contre toute attente, ils ont voté pour le NPD à la dernière élection fédérale, donnant ainsi libre cours à leur profond désir de changement, mais sans doute aussi en espérant bloquer la voie aux conservateurs venus de l’ouest du Canada, avec lesquels ils ne croient pas avoir beaucoup d’atomes crochus. Ils se retrouvent donc, sans l’avoir souhaité, avec une opposition qui n’a pratiquement aucun pouvoir et un parti au pouvoir qui affirme les avoir tous et en abuse outrageusement sans que rien ni personne puisse l’arrêter, au cours des quatre prochaines années. Ainsi va la politique.
Il est évident à l’oeil nu que les Québécois sont de moins en moins Canadiens. Deux référendums perdus plus tard, ils s’identifient tout simplement comme Québécois, et plus récemment, avec le comportement honteux du gouvernement canadien sur la scène internationale, ils ont souvent honte de présenter un passeport canadien en traversant une frontière.
Les Québécois forment un peuple très particulier. Ils ont toujours été coupés en deux : Canadiens ou Québécois, français ou anglais, ville ou campagne, riches ou pauvres, fédéralistes ou souverainistes et plus récemment droite ou gauche, comme s’il était impossible d’opter pour une seule identité, avec des nuances, peut-être, mais avec une seule identité de fond qui permette de refermer l’éternelle déchirure et de la guérir. Enfin.
On dit de nous que nous n’aimons pas la chicane. Je ne crois pas que ce soit aussi vrai qu’on le dit. En revanche, je sais que les Québécois forment le seul peuple au monde qui pense qu’on peut faire une omelette sans casser d’oeufs. C’est original en diable, mais c’est difficile à réussir.
Le réveil des étudiants
On ne peut pas fêter la Fête nationale sans prendre le temps d’évaluer dans quel merdier nous sommes depuis un grand moment, avec notre consentement. Je dis avec notre consentement, parce que nous aurions pu voter autrement. Nous aurions pu nous en mêler, au lieu de choisir de nous tenir loin de la politique, souvent en prétendant que ça sentait trop mauvais. Pourquoi n’avons-nous rien fait ? Nous avons pratiquement renoncé à notre droit de vote plutôt que de choisir de nous faire entendre haut et fort. Il n’y a pas eu de chicane. Mais il n’y a pas eu d’omelette non plus.
Il aura fallu le réveil des étudiants et leur lutte pour une éducation ouverte à tous et à toutes, sans marchandisation du savoir, pour que nous reprenions le collier. Il aura fallu les dérapages policiers, les abus de pouvoir du gouvernement, les mensonges et manipulations de toutes natures, la solidarité retrouvée, la loi 78 et les prises de position du Barreau, des avocats, des professeurs ; oui, il aura fallu tout ça pour nous ouvrir les yeux.
Il aura fallu les premiers jours du témoignage de Jacques Duchesneau devant la commission Charbonneau, ces récits qui confirment ce que nous soupçonnions déjà et dont nous savons qu’il ne s’agit encore que de la pointe de l’iceberg et qu’il faudra du temps pour aller au fond des choses.
Le dernier sondage publié récemment par Le Devoir confirmait que pas mal de Québécois s’apprêteraient à voter un quatrième mandat au gouvernement en place à la prochaine élection… La peur de l’omelette serait responsable d’une telle décision.
Que la Fête nationale leur apporte un temps de réflexion. Quand on examine la situation, on fait le constat que c’est tout ce qu’il nous reste : le droit de vote. Tout le reste nous a été volé. Raison de plus pour ne pas le dilapider.
Bonne Fête nationale.
On est peut-être quelque chose comme un grand peuple. — René Lévesque, 1976
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