Fête nationale

Mise en demeure annule son spectacle

Fête nationale 2012



Tommy Chouinard et Paul Journet La Presse (Québec) L'administration Labeaume a menacé de retirer tout le financement du Festival Envol et macadam si le controversé groupe Mise en demeure se produisait dans le cadre d'un de ses événements, ont relaté jeudi après-midi les musiciens.
Devant le sort qui était promis à l'organisation, le groupe a préféré renoncer à jouer dans la cadre de la Fête nationale.
Du même souffle, les trois jeunes hommes qui forment Mise en demeure ont toutefois crié à la censure et à l'ingérence des décideurs politiques dans le monde artistique.
Les musiciens, qui ont refusé de s'identifier en conférence de presse, ont juré qu'ils ne menaçaient personne dans leurs chansons. Il faut en analyser les paroles au second degré, ont-ils affirmé.
«On a l'impression que si un premier ministre ou un maire n'est pas d'accord avec ce qu'un groupe de musique va dire, il peut simplement lui couper tout support financier», a déploré l'un des membres de Mise en demeure.
Le Soleil indiquait ce matin que Mise en demeure se produira sur les plaines d'Abraham à la Saint-Jean, dans le cadre du Party clandestin organisé par Envol et Macadam. Cet événement est subventionné par la Ville de Québec.
Mise en demeure est ce groupe de musique qui a fait un pastiche de la célèbre toile d'Eugène Delacroix, La liberté guidant le peuple. On a mis la tête d'Amir Khadir sur le corps d'un révolutionnaire, et celle du premier ministre Charest sur celui d'un homme gisant au sol, mort. L'affiche a été trouvée au domicile du député de Québec solidaire, Amir Khadir, lors d'une perquisition des policiers jeudi dernier.
Dans la chanson Ah vous dirais-je maman, Mise en demeure affirme: «Ah vous dirais-je scie à chaine, M'as te présenter Courchesne».
«Ceux qui organisent la Fête nationale ont des comptes à rendre quand on invite un groupe qui, dans un texte de chanson, fait des menaces directes sur une ministre du gouvernement, Michelle Courchesne, a affirmé Jean Charest. Est-ce que ces gens-là pensent qu'on n'a pas de famille? Qu'on n'est pas des êtres humains? C'est comme si on venait déshumaniser la politique, déshumaniser la vie, comme si on pouvait s'attaquer à n'importe qui de n'importe quelle façon.»
«Si c'est ça rassembler les Québécois autour d'un projet pour chanter de la violence contre un ministre du gouvernement, ce n'est pas ça du tout les Québécois. La Fête nationale du Québec, ce n'est pas une opération politique, c'est une fête pour rassembler tous les Québécois sans exception», a-t-il ajouté dans sa longue sortie devant les médias à l'entrée d'une réunion du caucus libéral, un fait rare.
Pour Jean Charest, ce serait «une erreur de ne pas réagir, de ne rien dire, de laisser passer». «Depuis des mois, ça avance, d'un pas à l'autre, on tolère l'intimidation et la violence sous toutes sortes de prétextes», a-t-il déploré. Selon lui, cette «banalisation de la violence et de l'intimidation» que cherche à «imposer» une «minorité» est un «phénomène inquiétant et triste». «Comme premier ministre du Québec, c'est le temps de se lever et de dire que ces choses-là ça ne reflète nos valeurs», a-t-il lancé.
«On dirait qu'il y a une habitude qui se prend que c'est devenu acceptable de dire à peu près n'importe quoi, de faire n'importe quoi, et que tout ça est justifié pour toutes sortes de raisons. (...) C'est devenu acceptable parce que la cause le justifie, paraît-il. Non, non, non, ce n'est pas ça le Québec. Nous vivons dans une société de très grande liberté, de tolérance. Mais la tolérance ne veut pas dire qu'on doit accepter n'importe quoi.» Et «la liberté de parole, ce n'est pas dire n'importe quoi», a-t-il noté.
Au Québec «les opinions politiques peuvent toutes s'exprimer. Mais quand on s'exprime en dehors du respect, ce n'est pas la liberté d'expression, c'est de l'intimidation», a affirmé Jean Charest.
Khadir excédé
Le groupe Mise en demeure devrait-il pouvoir jouer à la Fête nationale? «Ça dépend des organisateurs», a répondu M. Khadir avant que Mise en demeure ne se désiste. «Je suis qui, moi, pour décider?», a-t-il ajouté.
Le député de Québec solidaire donnait une conférence de presse pour dénoncer que le ministre de la Santé, Yves Bolduc, n'a pas rempli sa promesse de verser 60 millions de dollars et d'ajouter 140 lits à l'hôpital de Lachine.
Pressé de questions sur le groupe, il s'est impatienté. «Vous me reprochez de me prendre pour un autre, mais vous me demandez de me prononcer sur la programmation!», a-t-il lancé aux journalistes. Il a poursuivi: «Vous m'avez dit de ne pas me prendre pour Gandhi, alors je ne me prendrai pas pour Gilbert Rozon aujourd'hui!»
«On glisse sur n'importe quelle pelure de banane médiatique», a-t-il accusé. Les médias devraient plutôt parler du conflit étudiant et des injustices économiques, dit-il.
Il a rappelé que le groupe Mise en demeure le «répudie» aussi. Le groupe le traite de «petit bourgeois» et propose de le brûler.
Le député de Québec solidaire n'a pas reproché au premier ministre Charest de s'être prononcé sur la programmation musicale. «La cour de M. Charest est déjà pleine», a-t-il blagué. «L'erreur de M. Charest, c'est la loi 78, pas ce qu'il a dit sur Mise en demeure.»
- Avec Philippe Teisceira-Lessard


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