Berthier-Maskinongé

Les poteaux de la démocratie

2 mai 2011 - NPD - écueil en vue...


Les vagues électorales qui balaient les gouvernements amènent leur lot de surprises. Des ministres apparemment imbattables dans de solides châteaux forts sont défaits. À leur place, des vedettes qui ont accepté de se mesurer dans des combats de poids lourds. Et parfois, à leur place, surgissent des candidats méconnus, des négligés qui étaient prêts à se sacrifier sur l'autel de la démocratie.
Les médias ont fait une large place, ces jours derniers, à l'un de ces poteaux : Ruth Ellen Brosseau, une Gatinoise qui travaille dans un bar d'Ottawa et qui se présente sous la bannière du Nouveau Parti démocratique... dans la région de Trois-Rivières.
Les adversaires du NPD en ont fait leurs gorges chaudes car, en plus d'être une candidate parachutée (qui habite dans une autre circonscription), Mme Brosseau s'exprimerait dans un français difficile à comprendre. Et par surcroît, elle ne ferait même pas campagne ces jours-ci. On raconte qu'elle était en vacances à Las Vegas.
Le chef néo-démocrate Jack Layton a vite tenté de défendre sa candidate. Mais si la moitié de ce que l'on dit à son sujet est véridique, la candidature de Ruth Ellen Brosseau est risible. Elle ne mériterait pas la considération des électeurs de la circonscription de Berthier-Maskinongé ; un récent sondage de TVA lui confère pourtant près de 30 % des intentions de vote, derrière le Bloc québécois à 36 %.
Mme Brosseau n'est pas la seule. La situation d'une autre néo-démocrate, Martine Cénatus, candidate dans Ottawa-Orléans, est à peine plus solide. Employée du NPD au bureau national, elle n'a pas fait campagne.
Mais ce n'est pas sa nature de « poteau » qui déclasse ces dames, mais bien l'absence de sérieux qu'elles mettent à leurs campagnes. Il y a là un effet retors, ou pervers, du système de financement public des partis politiques que le gouvernement Chrétien a mis en place en 2003. C'est ce mécanisme que le Parti conservateur a tenté de saborder sous des prétextes d'économies budgétaires, en 2008, et qu'ils ont maintenant inclus comme cible dans leur programme électoral en 2011.
Le financement actuel prévoit le versement d'une somme d'environ 2 $ par année pour chaque vote obtenu à la dernière élection.. La dépense coûte environ 30 millions $ au Trésor public.
Si les intentions de vote néo-démocrates se concrétisent dans Berthier-Maskinongé, la présence de Mme Brosseau garantira à son parti environ 30 000 $ par année, Quant à Mme Cénatus, les 5000 à 10 000 voix qu'elle pourrait récolter dans Ottawa-Orléans, au prix d'aucun effort, vaudraient aux Néo-démocrates 10 000 à 20 000 $ par an ! À l'échelle nationale, ce sont des centaines de milliers de dollars que ces poteaux rapportent à leurs partis.
Ceci n'est pas un reproche au NPD, bien que sa faiblesse traditionnelle au Québec n'a jamais suscité plus qu'une flopée de candidatures sérieuses. Tous les autres partis ont aussi leurs poteaux. En Alberta, où les conservateurs balaient presque tous leurs adversaires, les libéraux y ont aussi leur part de poteaux. Au Québec, certains députés conservateurs de la région de Québec ont commencé leur carrière politique dans les rangs des poteaux.
Mais il y a poteaux et poteaux. Il y a les Brosseau et les Cénatus de ce monde, et il y a des Jennifer Geary, qui défend les couleurs du Parti conservateur dans Gatineau, ou tous les bloquistes de l'Outaouais avant la victoire de Richard Nadeau. Elle a courageusement défendu ce programme dans une circonscription où elle n'avait aucune chance de l'emporter ; bref, elle a joué bravement un rôle difficile, au nom de son parti et, peut-être, avec l'idée de défendre les idéaux de la démocratie.
Il faut du courage pour « mettre sa face sur le poteau », comme le disent eux-mêmes les politiciens. C'est un rôle parfois ingrat. Plusieurs ont commencé de belles carrières à défendre des idées impopulaires dans des circonscriptions perdues d'avance. Mais ils l'ont fait honorablement, comme Mme Geary l'a fait depuis un mois. Ils méritent toute notre admiration : la démocratie fonctionne entre autres parce qu'ils sont là, à participer au débat d'idées, et pas juste à mettre leur nom sur un bulletin de vote.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé