Les « néo-lucides » contre-attaquent

Le concept d’utilisateur-payeur est un leurre

Tribune libre 2008


Au Québec, comme dans plusieurs autres pays, il y a des gens qui se
plaisent à prêcher la soi-disant bonne nouvelle selon laquelle la solution
à tous les maux de la société serait d’injecter plus d’argent dans les
coffres de l’état. Si « les lucides » ont tenté sans succès dans le passé
de convaincre les Québécois de payer davantage pour leurs services, un
nouveau groupe de gens constitué de toutes allégeances politiques semble
vouloir nous avoir à l’usure en nous présentant à nouveau le concept désuet
ailleurs dans le monde « d’utilisateur-payeur ». Leur stratégie, guère
subtile, consiste à faire croire à la population que ce débat n’a pas eu
lieu… [Appelons donc ces courageux : les « néo-lucides »->12896].
D’abord, ces néo-lucides prônent une meilleure gestion de l’eau. Or, avant
de demander aux contribuables québécois de payer pour leur eau, il
faudrait, toujours selon leur logique d’utilisateur-payeur, faire payer ceux
qui siphonnent l’eau du Québec, c’est-à-dire les compagnies privées.
Prenons l’exemple de l’eau en bouteille. Depuis que Danone a acheté
Patrimoine des eaux du Québec, il y a quelques années, Amaro est le seul
embouteilleur québécois. Parmalat (Esker), Nestlé (Montclair), Pepsi
(Aquafina), Dansani (Coca-Cola) possèdent notre eau. Quatre-vingts pour cent du
marché de l'eau embouteillée au Québec coule désormais entre les mains des
multinationales étrangères. Le sacro-saint principe d’utilisateur-payeur
est indéfendable s’il ne tient pas compte de cette réalité.
Ensuite, les néo-lucides se servent de la situation d’Hydro-Québec pour
justifier une hausse des frais d’électricité. Cela, même si l’entreprise a
fait des profits de 2.9 milliards l’an dernier et que les exportations de
la société d’état étaient à la hausse en 2007. La comparaison avec
l’éternelle moyenne canadienne des coûts d’électricité ne tient pas la
route. La société d’état engrange des profits. Elle doit les redistribuer.
Le concept d’utilisateur-payeur serait plus équitable si les grandes
compagnies consommatrices payaient le véritable coût de l’électricité sur
le marché qu’elles exploitent.
Ces néo-lucides reviennent aussi avec l’idée selon laquelle une hausse de
frais de scolarité est nécessaire. Si les tenants d’une telle idée
veulent à tout prix les augmenter pour renflouer les coffres de l’état et
ainsi mieux redistribuer cet argent neuf aux moins nantis de ce monde,
pourquoi ne créent-ils pas un fonds? Ce fonds privé aiderait les plus
pauvres à avoir accès à une éducation décente. Le concept
d’utilisateur-payeur serait ainsi plus équitable.
Notons aussi chez les néo-lucides une envie puissante du retour du péage.
Or, les citoyens du Québec se sont prononcés contre la prolongation de
l’autoroute 25, le métro de Laval connaît une popularité inespérée… en
d’autres termes la population demande davantage de moyens de transports
alternatifs. Mais le message ne passe pas chez les néo-lucides. Ils
évoquent leur concept d’utilisateur-payeur!
En ce qui trait aux frais des services de garde, le jargon peu littéraire
des néo-lucides étonne une fois de plus par sa simplicité. En effet,
d’après eux, nous devrions « ajuster périodiquement la contribution des
parents ». Ici, la subtilité n’est même plus de mise, le gouvernement veut
cesser de subventionner des garderies au même moment où le modèle est
repris dans tout le Canada tellement il est efficace et équitable.
Le concept d’utilisateur-payeur est un leurre. Pour reprendre les termes de
Joseph Facal, les néo-lucides auraient avantage à « faire œuvre de
pédagogie » eux-mêmes dans leur approche. À moins que ce ne soit pas la
pédagogie qui leur fasse défaut, mais que ce soit plutôt l’inexactitude des
faits concernant la répartition de la richesse qu’ils ignorent
volontairement ou non. À ce sujet, l’Institut de la statistique du Québec
offre des chiffres que certaines gens jugent plus juste que l’Institut
économique de Montréal. À eux de refaire leurs devoirs donc.
***
Francis Halin, Auteur-compositeur-interprète et finissant à la maîtrise au
département de langue et littérature françaises de l'université McGill
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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    14 avril 2008

    Un point qui n'a pas été soulevé dans tout ce débat est les énormes surplus du Canada malgré une augmentation de leurs dépenses d'environ 7% soit plus de 5% du taux d'inflation. C'est donc aux contribuables Québécois de faire les frais de ces dépenses surtout après que Charest ait flambé le milliard de tranfert et le 1% de TPS. Le Canada est le seul pays à faire des profits sur le dos de ses contribuables. Un pays à but lucratif...