Les murs corporatistes du monde médical

9b534584c68ae7082120759819ec1d83

Corrompre l'essence de la profession

Le ministre Gaétan Barrette claironnait que « tout avait été essayé », que « ça n’avait pas marché » et que la solution se trouvait du côté des quotas de pratique pour les médecins. En conclusion des négociations conduites en toute discrétion, il nous annonce maintenant un retour à ce qui n’a pas marché dans le passé : des activités médicales particulières en proportions différentes, un acte de foi envers des engagements dont l’impact incertain sera difficile à chiffrer, à mesurer et objet constant d’argumentation, encore des projets de structures à bâtir. Il légitime le tout en proclamant « son écoute des experts dans le domaine »… ses collègues médecins.

Bien sûr, on demandera pourquoi on ne les a pas écoutés plus tôt. Il vaudrait mieux se demander s’il ne les a pas tout simplement trop écoutés aux dépens des autres intervenants dans le domaine de la santé. Comme l’a montré un récent reportage de Radio-Canada, la recette du succès en santé relève d’une évidence que plusieurs jeunes et moins jeunes médecins sont prêts à reconnaître et à promouvoir. Certains CLSC l’illustrent clairement : approche multidisciplinaire ou interdisciplinaire (ne nous enfargeons pas dans les mots…), clientèles ciblées, prévention et médecins salariés.

Cette recette toute simple se heurte à trois des murs corporatistes du monde médical : la rémunération à l’acte, le médecin comme garde-frontière de l’accès aux soins de santé et le médecin comme libre entrepreneur.

La rémunération à l’acte pousse naturellement les médecins à faire du volume (ce que les quotas auraient aussi encouragé…) et donc à se réserver des actes pour lesquels ils sont trop compétents (rhumes, maux de gorge, grippe, céphalées, différents suivis, etc., etc.). Des actes qui pourraient être plus promptement (donc moins de files d’attente), souvent plus efficacement et toujours plus économiquement (donc baisse des coûts) faits par d’autres (infirmières cliniciennes, infirmières praticiennes et thérapeutes de toute nature).

Le médecin comme garde-frontière de l’accès aux soins de santé : il est faux de prétendre que l’accès aux soins de santé doit passer par un médecin. Ne devraient être dirigés vers un médecin que les cas qui l’exigent après un triage que d’autres intervenants peuvent très bien faire.

Le médecin comme libre entrepreneur branché directement sur le pipeline des dollars de l’État a déjà prouvé qu’il est plus porté à enrichir son portefeuille qu’à enrichir sa tâche. L’augmentation de leur rémunération s’est accompagnée d’une baisse exactement proportionnelle de leur temps de travail. Comme me le confiait récemment une jeune spécialiste : « Je travaille trois jours par semaine et je gagne déjà quelques centaines de milliers de dollars par année. Pouvez-vous me dire pourquoi je travaillerais plus ? » Je lui avais alors répondu : « Parce qu’il y a des malades… » Cela ne lui était pas venu à l’esprit. Les Québécois n’auraient pas d’objection à ce que les médecins aient de hauts salaires, mais ils sont de plus en plus dégoûtés par les effets de la fameuse « castonguette » qui se révèle être véritablement une carte soleil pour les médecins.

Accord à saveur corporatiste

Il n’y a donc pas d’entente dans le secteur de la santé. Il n’y a qu’un accord, à forte saveur corporatiste, entre médecins. Tous les autres acteurs de la santé sont, dans les faits, marginalisés. Tous les malades et tous les contribuables vont continuer d’en faire les frais. Avant de vouloir régler les problèmes de notre système de santé par la négociation de contrats de travail, il faudrait se poser la question plus globale de sa gouvernance et de l’arrimage de la prestation des services aux besoins de la population.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->