Briser le dogme du multiculturalisme

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«La politique du multiculturalisme ne peut se soustraire à la critique sans devenir un nouveau dogmatisme de la bien-pensance»






Le nouveau premier ministre Trudeau promet « des politiques basées sur les faits et la science ». Il ferait bien de lire un récent article du très respectable Foreign Affairs sur l’échec du multiculturalisme en Europe (mars avril 2015, Kenan Malik). Nous vivons dans une société de plus en plus diversifiée où cohabitent de multiples cultures. Il s’agit là d’un fait, d’une tendance lourde, inévitable et souhaitable.


 

Le multiculturalisme n’est pas un fait, mais une politique qui vise à gérer cette diversité. L’adéquation diversité multiculturalisme est, pour reprendre un mot à la mode, un amalgame pernicieux. Au nom du fait de la diversité cet amalgame rend impossible la critique du multiculturalisme. Critiquer le multiculturalisme devient ainsi un obscurantiste déni de réalité. Il n’est plus possible de critiquer le multiculturalisme sans avoir l’air de rejeter la diversité.


 

Des questions difficiles


 

Les Canadiens ont, au cours de la dernière campagne électorale, rejeté massivement l’idée du serment de citoyenneté à visage couvert. Le Parlement québécois s’est rangé du côté de ses électeurs. Les politiciens du ROC feraient bien de voir dans ce rejet autre chose qu’un péché d’islamophobie ou de xénophobie de la nouvelle religion multiculturelle. Le peuple a des façons souvent maladroites d’exprimer sa sagesse et de poser des questions difficiles.


 

Et si la question était la suivante : le multiculturalisme à la canadienne est-il compatible avec une société de droit avancée dans laquelle la séparation de l’Église et de l’État n’est pas terminée? Sous prétexte d’éviter toute discrimination basée sur le sexe, la race, l’âge ou la religion, l’État canadien arbitre maintenant des conflits religieux. Il accorde des droits collectifs au nom de droits religieux individuels, souvent par l’entremise des accommodements raisonnables.


 

L’État canadien crée une société de droit à géométrie variable. Les droits y dépendent de la religion du citoyen : selon sa religion, un citoyen pourra bâtir un cabanon sur le balcon de son appartement, porter une arme blanche à l’école, porter un turban plutôt que la casquette dans un corps policier, suivre le programme scolaire, gérer une école confessionnelle subventionnée, prêter serment à visage couvert. L’interdiction de discriminer sur la base de la religion devient un vecteur de discrimination sur la base de la religion. La confusion entre la foi, choix personnel que chacun bricole plus ou moins à sa façon, et la religion, phénomène collectif régulé, enrégimenté, hiérarchisé et financé, permet à la religion de concurrencer la culture de toute une civilisation.


 

Nouveau dogmatisme


 

La civilisation occidentale n’est pas la seule, mais elle en vaut bien une autre. Notre civilisation valorise la transparence, l’égalité homme-femme et la personne, liberté, égalité, fraternité, comme gages d’un débat démocratique éclairé. Notre civilisation est le résultat de hautes critiques contre de multiples formes d’obscurantisme, d’absolutisme, de dogmatisme et en faveur de valeurs universelles. La politique du multiculturalisme ne peut se soustraire à la critique sans devenir un nouveau dogmatisme de la bien-pensance. Il est possible d’être contre le multiculturalisme et pour la diversité. Mais les deux sont plus faciles dans une société laïque. Sans cette laïcité, le multiculturalisme à la canadienne favorisera l’émergence d’un Canada des confessionnalités et des orthodoxies. Au lieu d’incarner une mosaïque bon-ententiste de communautés culturelles, le Canada risque de se transformer en foire d’empoigne de religions communautaristes où les plus religieux des religieux tirent de leur bord la couverte des avantages et privilèges accommodants. La Charte des droits et libertés concerne les droits de « chacun » ; il s’agit donc de « personnes », et non de « communautés ».


 

La diversité culturelle est un fait, une tendance lourde, inévitable et souhaitable. Après les réfugiés politiques et les migrants, viendront les réfugiés climatiques. Les nombres exploseront. Cela ne fait que commencer. Autant de raisons de discuter les politiques qui nous permettront de faire face à la diversité culturelle, religieuse et idéologique à visière levée, sans dogmatisme ni angélisme.







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