Les mains propres

Conflit étudiant - grève illimitée - printemps 2012


Il est extrêmement rassurant et réconfortant de prendre connaissance de la proposition intelligente de dialogue de la CLASSE et des deux autres organisations étudiantes, face à un gouvernement corrompu dont les ministres ou ex-ministres ont été impliqués dans des scandales: corruption, pots-de-vin, retours d'ascenseur, ventes au rabais de terrains et autres basses manœuvres dignes d'une époque que je croyais révolue, celle où il suffisait, à la veille des élections, de jeter quelques tonnes d'asphalte dans des rangs poussiéreux ou enneigés de la campagne québécoise pour obtenir le vote des gens concernés par cette soudaine générosité. Ça se passait dans un autre siècle, dans les années soixante, en pleine Révolution tranquille.
Les étudiants qui manifestent aujourd'hui dans les rues de Montréal, Québec, Sherbrooke et Gatineau n'étaient pas encore nés et l'Union nationale croyait encore endormir ses électeurs avec des promesses grotesques. On a vu le résultat: l'Union nationale fut balayée de la carte. Aujourd'hui, l'asphalte a été remplacé par les juteux contrats et permis accordés à toutes sortes d'entreprises: ingénierie, construction et même garderies, etc., monnayés contre des cotisations massives à la caisse du parti au pouvoir et orchestrés par des organisateurs d'élections, dont l'un d'eux a notamment été décoré par le premier ministre, il n'y a pas si longtemps.
Les propositions concrètes et transparentes des organisations étudiantes en grève de redessiner la carte du financement des universités, afin de trouver une solution concrète au gel des frais de scolarité, contrastent avec celles du gouvernement qui utilise la stratégie de la division et de l'essoufflement des forces insurgées, de même que l'appel à briser les lignes de piquetage et l'encouragement à contester la légitimité du mouvement de grève devant les tribunaux, pour mieux pelleter le déficit dans la cour des étudiants et de leurs parents. Elles contrastent d'autant plus qu'on a voulu, à travers mille et une déclarations vicieuses, montrer publiquement un portrait négatif de ces mêmes étudiants qualifiés d'antidémocratiques, de vandales, de communistes, d'enfants gâtés, et j'en passe.
Il existe un principe dans le système juridique qui nous gouverne jusqu'à nouvel ordre, et c'est celui des «mains propres»: «Celui qui cherche à obtenir l'équité doit se présenter devant la Cour – comme le dit la maxime régissant l'équité en common law – avec les mains propres.» Or, le gouvernement de Charest n'a plus la réputation d'avoir les mains propres, tant les scandales l'ont éclaboussé et continuent de le faire de plus belle, avec les arrestations des derniers jours, et il a perdu toute autorité morale pour faire la leçon aux étudiants en colère. C'est proprement scandaleux.
Avant d'aller s'asseoir à la même table que ces gens soupçonnés d'avoir les mains sales, le mouvement étudiant devrait exiger que ce premier ministre et TOUS ses ministres condamnent clairement — autrement qu'avec des formules vagues, genre «Personne n'est au-dessus des lois» — les personnes qui dans les rangs du Parti libéral ont pratiqué la corruption, le favoritisme, la fraude, l'évasion fiscale et qu'ils s'en dissocient publiquement avant que les tribunaux et la Commission Charbonneau ne fassent leur travail. Et qu'ils s'engagent à restituer l'argent sale obtenu par le biais de ces cotisations frauduleuses. C'est le moindre des pré-requis.
Mercredi dernier, Le Devoir affirmait qu'une des personnes arrêtées lors de l'Opération Marteau, l'avocat Jacques Audette — il fait face à six accusations —, est associé au cabinet Fasken Martineau. «Il a négocié les conventions collectives des policiers et des pompiers montréalais de 2008 à 2010. Pour le dossier des pompiers, Fasken Martineau a touché des honoraires de 1,82 millions.» Combien touchent, je vous le demande, les étudiants aux mains nues qui se battent seuls contre la toute-puissante machine gouvernementale, laquelle envoie ses policiers jusque dans les universités pour traquer et frapper brutalement nos enfants en colère, ce qu'on n'a pas vu même dans les pires années de la dictature en Argentine?


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