L'agenda caché

Conflit étudiant - grève illimitée - printemps 2012




Moi, si j'étais un chroniqueur attitré ou un éditorialiste donneur de leçon, je me garderais tout de même de verser dans le conseil paternaliste à l'étudiant, dans le style «allez, on rentre en classe, les étudiants, vous avez assez fait parler de vous et il est temps de vous asseoir de nouveau sur le bancs de la classe. Vous avez suffisamment semer la pagaille et nui à Monsieur et Madame-tout-le-monde». Ce genre de discours n'a jamais donné les résultats escomptés et je m'étonne qu'on l'utilise encore.
Certains s'insurgent contre le fait que des baby-boomers, ou même, ô sacrilège! «des chroniqueurs aux cheveux gris» — serait-ce moi qui est ici visé, à moins que ce ne soit Jean Barbe? Mais Barbe est né en 1962, donc après le baby-boom!!! Serait-il un agent infiltré parmi nous? Voilà de quoi faire réfléchir les tenants du babyboumisme, ceux qui expliquent tout ou presque par l'année de la naissance —, donc certains s'étonnent que des baby-boomers osent apporter leur soutient à la lutte que livrent les étudiants dans la rue, comme si quelque chose de très grave venait de se passer. Ils ne voient dans cet appui, dans «ce compagnonnage ridicule», qu'un refus de vieillir, de la part de «bad boys» qui en profitent «pour sauter dans le train de la révolution, ressortent leur vieux manteau de poil et marchent au pas d'oie deux par deux, comme au bon vieux temps. Ça leur permet d'oublier pour un temps leurs rhumatismes». Une vraie foire aux clichés. Pour l'analyse profonde, on repassera.
Nous étions pourtant nombreux, samedi dernier, au Monument national, à prendre la parole et aussi à écouter à la maison devant notre téléviseur, puisque le canal VOX, propriété de Quebecor, a diffusé intégralement l'événement Nous? pendant douze heures. Un véritable téléthon de la parole engagée. Certes, il y avait des cheveux blancs sur scène comme on se plaît à le dire pour dénigrer ceux qui n'ont jamais abandonné leurs rêves d'un monde meilleur, mais aussi énormément de nouvelles voix fortes et cohérentes, dans la vingtaine et la trentaine, des gens venus de tous les horizons pour dire que le régime de corruption dans lequel nous vivons doit prendre fin rapidement, pour faire place à une nouvelle humanité.
D'autres chroniqueurs tout aussi perspicaces ont cru découvrir rien de moins qu'un véritable complot, oui, Monsieur Madame, un complot, rien de moins, dans l'action des leaders étudiants. Le «chat est sorti du sac»! a-t-on pu lire. Ce ne serait que «la partie visible de l'iceberg», alors que «la grève étudiante comme cheval de Troie de la révolution sociale», serait la stratégie utilisée. Voilà en quels mots suaves on décrit la trame d'un nouveau feuilleton de la grève étudiante.
Or, Guy Rocher, le père du Rapport Parent, une autre tête grise, a une toute autre explication: «C'est révélateur d'un changement d'attitude dans une partie de la jeunesse, qui voit dans la hausse des droits de scolarité autre chose que seulement la hausse des droits, mais qui voit aussi des politiques sociales et une conception de la société à changer.»
Doit-on dénigrer ceux qui osent critiquer haut et fort la façon de faire du gouvernement Charest, parler d'indépendance, revendiquer un juste partage de la richesse, réclamer pour le Québec un développement qui ne mette pas en péril l'avenir de nos enfants et de l'humanité? De Pol Pelletier à Martin Léon, de Bernard Émond à Mélanie Demers, de Denise Boucher, Michèle Lalonde et Danielle Cassara à Guillaume Martel-Lasalle, Jenny Salgado et André Ricard, en passant par Dominic Champagne, Évelyne de la Chenelière et Claudia Larochelle, il y en avait pour tout le monde. Et je ne parle pas de ceux qui n'y étaient pas mais dont on connaît bien l'engagement, de Gilles Vigneault et Richard Desjardins, aux centaines d'Artistes pour la paix, «ces suspects habituels de la gauche subventionnée», en passant par ces centaines de milliers de militants anonymes qui rêvent tous, eux aussi, de prendre la parole. Voilà autant de personnes suspectes qui doivent posséder quelque agenda caché.
Franchement, je croyais que ce genre de discours, où l'on brandit l'épouvantail de la libération du Québec, était dépassé. On croirait entendre Pierre Elliot Trudeau dans la bouche de ces jeunes-vieux.
Et le pire, c'est qu'il n'y a pas d'âge pour tenir un tel discours de peur.


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