Les leçons du Brexit

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Aucun establishment n'est désormais plus assuré de pouvoir dicter sa loi

Le 21 juin, à 48 heures du vote historique des Britanniques, la City semblait apaisée. Chez Harris and Hoole, un café à la mode sur Cannon Street où les traders londoniens se donnent rendez-vous, on brandissait les derniers sondages. Après les sueurs froides de la semaine précédente, les résultats étaient enfin revenus à la « normale ». Le Brexit, cette idée folle née dans la tête d’une bande de bouseux incultes et arriérés, n’aurait donc jamais lieu. Ouf, on avait eu peur !

À une dizaine de stations de métro de là, dans les chics think tanks de Westminster, on appelait ça « la prime au statu quo ». Voilà comment les très cosmopolites politologues londoniens, tous plus ou moins partisans de l’Union européenne, nommaient l’avantage apparemment insurmontable que détenait le statu quo dans tous les référendums. Cela ne s’était-il pas vérifié au Québec et en Écosse ?

Entre la sécurité économique des grands ensembles mondialisés et la liberté politique, les peuples choisissaient donc toujours la première ? Traders de droite et politologues de gauche étaient convaincus que le vote du 23 juin confirmerait la règle une fois de plus.

Les électeurs britanniques auront donc renvoyé les prophètes de la mondialisation à leurs idées toutes faites. C’est pourquoi le Brexit est particulièrement riche en leçons pour ces peuples en mal de liberté. Ces leçons, on pourrait essayer de les résumer de la façon suivante.

On peut vaincre la peur. La première leçon du Brexit, c’est qu’on peut venir à bout du chantage économique. Contrairement aux Québécois et aux Écossais, les Britanniques n’y ont pas cédé. Il est vrai que, lorsqu’on a dominé le monde, on a la couenne plus dure que les anciens coloniaux. Les partisans du Brexit ont même utilisé les ingérences des Juncker, Lagarde, Obama et Trudeau pour montrer aux Britanniques combien ces derniers faisaient peu de cas de la volonté du peuple et de sa souveraineté nationale. Le chantage économique mené tambour battant s’est retourné contre ses auteurs. Il est devenu la preuve que, pour les élites mondialisées, le peuple comptait pour des prunes.

La politique reprend ses droits. Si les partisans du Brexit ont pu vaincre ces peurs, c’est parce qu’ils se sont situés clairement sur le terrain politique. Certes, plusieurs partisans du Brexit ont expliqué que le Royaume-Uni ne quitterait l’Europe que pour mieux commercer avec le reste du monde, en particulier l’Asie. Mais cette argumentation est demeurée secondaire. Les partisans du Brexit ont préféré faire appel aux plus hautes aspirations du peuple britannique et à son désir de liberté. C’est ce message qui a dominé toute la campagne. Face aux banquiers et aux marchands, ils ont invoqué le beau mot de souveraineté et imposé le bon vieux « maîtres chez nous » de Jean Lesage. Même si les motivations furent évidemment diverses, c’est d’abord à cet appel que les électeurs ont répondu le 23 juin dernier.

Renouer avec le peuple. Certes, on a qualifié la campagne du « Leave » de démagogique et elle le fut à l’occasion. Mais elle ne le fut pas plus que celle du « Remain » avec ses scénarios à la Dracula. Au-delà de ces exagérations inévitables, les partisans du Brexit furent capables de rejoindre les milieux populaires. Ils ont tout particulièrement mobilisé les laissés-pour-compte de la mondialisation. Le bon taux de participation (72 %) montre que des couches populaires qui délaissent généralement les urnes se sont exceptionnellement déplacées pour voter.
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