Selon un proverbe juif, « dire du mal de quelqu'un provoque la mort de trois personnes : celui dont on dit du mal, celui qui dit du mal, et celui qui écoute ». C'est souligner combien médire est dangereux pour la société. Et en particulier combien il faut prendre garde avant d'accuser quelqu'un d'antisémitisme. Dans nos sociétés démocratiques, celui qui est ainsi dénoncé ne peut s'en défaire, marqué à vie par sa faute. Aussi faut-il prendre garde à ne pas confondre une erreur de langage, ce qui peut arriver à n'importe qui, avec une conception du monde.
Dans son « carnet » du 2 juillet, qui entraîna son éviction de Charlie Hebdo, Siné écrivait :
« Jean Sarkozy, [...], est sorti presque sous les applaudissements de son procès en correctionnelle pour délit de fuite en scooter. Le Parquet a même demandé sa relaxe ! Il faut dire que le plaignant est arabe ! Ce n'est pas tout : il vient de déclarer vouloir se convertir au judaïsme avant d'épouser sa fiancée, juive, et héritière des fondateurs de Darty. Il fera du chemin dans la vie, ce petit ! »
On peut n'y rien déceler de problématique. On peut y voir, derrière le parallèle avec le plaignant, un renvoi au conflit israélo-palestinien, où l'un serait injustement traité parce que arabe. On peut aussi y lire (et ce n'est pas la première fois pour ce dessinateur) le retour de la vieille antienne antisémite : « Les juifs sont riches, donc se convertir au judaïsme permet de s'enrichir ».
La confusion règne autour de l'antisémitisme
Le débat qui en a découlé renvoie à la confusion régnant autour de l'antisémitisme. Ceux qui approuvent la Shoah ne sont plus très nombreux. Ceux qui la condamnent tout en étant ouvertement antisémites le sont un peu plus. Ceux qui assimilent les juifs à l'argent, au pouvoir, au capitalisme, à la puissance cachée, le sont beaucoup plus. C'est pourtant un fantasme : non seulement les juifs ne sont pas plus riches que les autres, non seulement il n'existe pas plus de banquiers juifs, en proportion, que de banquiers chinois ou catholiques, mais, si les juifs sont devenus banquiers dans le passé, ce fut sous la contrainte de l'Eglise catholique et des princes musulmans, dont les religions interdisaient le prêt à intérêt.
Au moment où la finance porte une lourde responsabilité dans la crise mondiale, il faut être particulièrement vigilant : la recherche de boucs émissaires va commencer, dénoncés comme maîtres de l'argent et du monde, manipulateurs habiles et comploteurs masqués. Tel est le nouvel antisémitisme, si vieux...
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