COMMISSION CHARBONNEAU

Les intérêts d’Accurso défendus en haut lieu

Michel Arsenault est intervenu pour son «ami» auprès de l’ex-PM Jean Charest

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Copains comme cochons

Des conversations d’écoute électronique inédites entre M. Arsenault et M. Charest dévoilées mercredi à la commission Charbonneau démontrent toute l’influence du président de la FTQ. En janvier 2009, il a alerté le premier ministre sur le projet de prolongement de l’autoroute 30 en partenariat public-privé (PPP). Le contrat allait échapper aux firmes québécoises, au profit d’un consortium formé d’entreprises chinoises et espagnoles. « La marde va frapper la fan tantôt, Monsieur le Premier Ministre », dit-il avec son habituel franc-parler.

M. Arsenault a fait part de ses préoccupations à M. Charest à la suite d’une conversation animée avec Tony Accurso. L’entrepreneur s’est découvert une fibre sociale-démocrate lorsqu’il a appris que ce contrat de 35 millions glissait entre les doigts des entrepreneurs et ingénieurs du Québec. « C’est des ingénieurs chinois qui vont designer nos routes et nos ponts, se lamente-t-il à son ami Michel. C’est un scandale ! […] On va faire quoi avec notre monde? »

Toutes les firmes de génie-conseil étaient en furie, mais aucune n’osait dénoncer l’initiative de la ministre libérale Monique Jérôme-Forget, par crainte de représailles.

« Pourtant, vous en mettez en estie de l’argent au Parti libéral », fait remarquer M. Arsenault.

« Ben oui, mais crisse, quand c’est le temps, ils nous écoutent pas », répond Tony Accurso.

M. Arsenault a abordé le sujet avec Jean Charest. Il en a profité au passage pour obtenir l’assurance du premier ministre qu’il serait nommé « de bon coeur » au conseil d’administration de la Caisse de dépôt et placement du Québec (ce qui ne s’est pas produit). M. Accurso était emballé par cette perspective.

Au chevet de l’économie

Ce n’est pas pour avantager Tony Accurso, mais par souci de défendre l’intérêt des travailleurs québécois que Michel Arsenault a fait un appel du pied au premier ministre. « J’ai porté le message de l’intérêt de l’économie québécoise », a-t-il dit lors de son témoignage.

La procureure en chef de la Commission, Sonia LeBel, a suggéré que M. Arsenault avait plutôt joué le jeu des entrepreneurs et des firmes de génie-conseil adeptes de la collusion.

Me LeBel a cité un extrait d’une entrevue donnée par Mme Jérôme-Forget après son retrait de la vie politique, en octobre 2001. Elle accusait les firmes de génie d’avoir fait « un gros lobby » pour torpiller les PPP, car ils offraient des garanties d’étanchéité contre la fraude, les faux extras et les dépassements de coûts.

M. Arsenault, outré par ce jeu d’association, a accusé Me LeBel de lui prêter « des intentions machiavéliques ». Il a fourni une explication largement partagée par le Québec inc.. « L’économie du Québec va être mieux servie par des entreprises du Québec », estime-t-il.

Le « deal », une mauvaise blague

Les relations entre Tony Accurso et Michel Arsenault ont accaparé la journée de mercredi, au point de reléguer au second plan les explications du témoin sur son « deal » allégué avec Claude Blanchet, le mari de Pauline Marois, afin de convaincre le PQ de ne pas réclamer une commission d’enquête sur l’industrie de la construction.

M. Arsenault a voulu tuer la controverse dans l’oeuf. Toute cette histoire est une mauvaise blague. Ses discussions stratégiques avec l’ex-président de la FTQ-Construction (FTQ-C), Jean Lavallée, n’étaient rien de plus que « du brainstorming ». « C’était une mauvaise idée que j’ai eue, a-t-il dit. J’y ai pensé, mais je ne l’ai pas fait. […] C’était des farces plates. »

Son conseiller, Gilles Audette, lui a déconseillé de faire pression sur Claude Blanchet dans l’espoir de rallier Mme Marois à la position de la FTQ. Le « deal » auquel faisait référence M. Arsenault concernait un investissement de 3 millions de dollars du Fonds de solidarité dans BLF, une société appartenant à M. Blanchet. « C’était pas dans le but de corrompre Mme Marois », a assuré le témoin.

Depuis maintenant trois jours, les explications en apparence plausibles de M. Arsenault à la commission Charbonneau s’effritent sous la charge des écoutes électroniques de l’opération Diligence.

Sur écoute, l’ex-président de la FTQ y va de certaines confidences troublantes à M. Accurso. Son mea culpa sur la place publique, à la suite de son séjour sur le Touch, n’était que « de la frime ». « Ça changera rien entre nous deux. C’est juste pour la galerie,dit-il. En bout de piste, Simard-Beaudry va sortir gagnant de ça. »

M. Arsenault ne considère pas son séjour sur le Touch comme un avantage reçu en contrepartie de l’accès privilégié de l’entrepreneur à la SOLIM. « Je ne considère pas ça comme un cadeau. J’en entends parler toutes les semaines depuis cinq ans,a-t-il lancé d’un ton exaspéré. C’était “ autres temps, autres moeurs ”. »

M. Accurso n’a rien exigé en retour de ce séjour sur le Touch, une pratique bien ancrée dans les moeurs de la FTQ. Au moins trois autres présidents (Louis Laberge, Clément Godbout et Henri Massé) ont aussi bénéficié des largesses du capitaine Accurso. Quand on devient président de la FTQ, on hérite de Tony Accurso et on gagne un voyage sur son bateau ?, a raillé Me LeBel.

M. Arsenault dément avec véhémence que son ami Tony Accurso a obtenu un traitement de faveur à la SOLIM (le bras immobilier du Fonds). Les investissements dans ses entreprises représentaient à peine 1,5 % de l’actif du Fonds. L’entrepreneur a bénéficié « d’un fast track à l’envers », a rétorqué Me LeBel, puisque Tony Accurso exerçait un tel ascendant sur la SOLIM qu’il pouvait bloquer ses concurrents.
Le Touch financé par le Fonds ?
Un extrait d’écoute électronique laisse croire que le célèbre yacht de Tony Accurso pourrait avoir été payé à moitié par les actionnaires du Fonds de solidarité. Dans une conversation, le p.-d.g. du Fonds, Yvon Bolduc, informe M. Arsenault qu’il vient d’apprendre que le Touch avait été construit à Trois-Rivières par Tripap et que pour les pièces, « la facture était au nom d’Hyprescon ». Or, le Fonds était partenaire à 50 % d’Hyprescon, une entreprise de M. Accurso. « C’est très dévastateur ça. Je ne voudrais pas que ça sorte que les actionnaires du Fonds ont payé le bateau à Accurso », se désole M. Bolduc. M. Arsenault se dit convaincu encore aujourd’hui que ce n’est pas le cas.


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