Le Fonds de solidarité atteint le fond du baril

Depuis l’automne dernier, la commission Charbonneau montre le Fonds sous un jour odieux. Le Fonds est une réussite avec son actif de dix milliards, mais on dirait bien qu’il a confié l’élaboration de ses règles de gouvernance à une bande d’amateurs.

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La FTQ parviendra-t-elle à conserver le contrôle de son fonds ?

À quelques jours de la reprise des travaux de la commission Charbonneau, le nouveau président de la FTQ, Daniel Boyer, se plaignait de l’acharnement sur la centrale.
«On peut bien s’acharner et s’ouvrir les veines et faire témoigner l’ensemble du membership de la FTQ si on veut, mais je pense qu’on a assez d’informations», disait-il.
L’acharnement de la commission a repris de plus belle cette semaine avec le témoignage de l’ancien p.-d.g. de la SOLIM (le bras immobilier du Fonds), Guy Gionet.
Grâce aux déclarations de M. Gionet et aux écoutes électroniques, il apparaît maintenant clair que le Fonds et la SOLIM connaissaient les antécédents criminels de Ron Beaulieu, un prêteur usuraire relié aux Hells Angels. Ils ont quand même décidé d’investir dans ses projets, entre autres pour l’achat d’un bar de danseuses, le 10-35, devant l’insistance du syndicaliste Jocelyn Dupuis. C’était «un dossier politique», disait M. Gionet sur l’écoute électronique. Et Yvon Bolduc, qui est toujours p.-d.g. du Fonds, avait donné son aval aux transactions.
Le Fonds en savait pas mal plus qu’il ne voudra jamais l’admettre sur la place publique sur les «dossiers toxiques» avancés par les deux leaders de la FTQ-Construction, Jocelyn Dupuis et le tout puissant Jean Lavallée. Des dossiers qui impliquent des relations des Hells Angels, faut-il le préciser.
Quand je repense au témoignage de Gaétan Morin, un vice-président du Fonds, j’en ris à pleurer. Personne n’est à l’abri d’une infiltration par le crime organisé, a-t-il dit en substance. Le risque zéro n’existe pas. Nous avons revu nos règles de gouvernance à la suite de ces incidents déplorables datant d’il y a plus de cinq ans. Et ainsi de suite.
Au moins, M. Morin a exprimé des réserves sur l’association du Fonds avec Ron Beaulieu. M. Morin est le seul à avoir manifesté un inconfort. Yvon Bolduc et le conseil de la SOLIM étaient d’avis qu’il fallait cracher des millions en direction de Beaulieu. Sans doute pour l’aider dans sa réhabilitation, une idée si chère à Jocelyn Dupuis.
Le Fonds est une réussite avec son actif de dix milliards, mais on dirait bien qu’il a confié l’élaboration de ses règles de gouvernance à une bande d’amateurs. Ils s’y connaissent en chiffres et en rendement, mais pour l’éthique, il faudra repasser.
Depuis l’automne dernier, la commission Charbonneau montre le Fonds sous un jour odieux. Les leaders syndicaux exercent une influence démesurée dans les décisions d’affaires. Il suffit qu’ils se fassent les promoteurs d’un projet pour que la machine à autorisation se mette en branle, sans égard au «bilan social» du promoteur.
Quand on sait que les Hells Angels faisaient pratiquement partie de la FTQ-Construction, cette façon de faire invite au désastre.
Et qu’on ne vienne pas me dire que la commission passe «un vieux film de 2008». Guy Gionet est resté lié au Fonds pendant quatre ans après son «renvoi», en 2009, à titre de consultant. De dirigeants de la FTQ-Construction qui appuyaient Jocelyn Dupuis, mis en cause à la commission pour leurs relations avec le crime organisé, sont toujours en poste.
Le Fonds de solidarité et la FTQ nient l’étendue des problèmes depuis le premier jour où les reporters de l’émission Enquête ont commencé à poser des questions sur le train de vie extravagant de Jocelyn Dupuis et sur les dossiers toxiques de la SOLIM. Que serait-il arrivé si les journalistes n’avaient pas été aussi pugnaces? Le business as usual. En effet, seule la pression médiatique a permis de faire un peu de ménage au Fonds.
Mercredi, le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ), François Legault, a pressé le gouvernement Marois d’agir sur les dérives au Fonds. La CAQ suggère une séparation des pouvoirs accrues entre le Fonds et la FTQ. À son avis, le président du conseil du Fonds et une majorité d’administrateurs devraient être choisis en dehors des rangs de la centrale.
C’est une proposition pleine de bon sens, qui n’a rien d’un coup de gueule antisyndical. La FTQ redoute comme la peste de perdre le contrôle du Fonds, c’est probablement l’une des raisons pour lesquelles elle si peu disposée à faire un examen de conscience sur la place publique.
Le Fonds n’est pas un organisme privé comme les autres. Il dispose de généreux crédits d’impôt: 15 % au provincial, et 15 % au fédéral, quoique Ottawa a annoncé l’élimination progressive de ce crédit.
Ces largesses de l’État exigent une plus grande imputabilité, et une plus grande transparence du Fonds. L’ancienne et la nouvelle direction de la FTQ ont démontré par leurs propos et leurs gestes qu’ils vivent dans une culture du déni. C’est trop facile de ramener ces problèmes de gouvernance à un complot de la droite et des empires médiatiques.
Il faudra bien que Québec trouve le courage de finir le ménage.


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