Les foulards et les torchons

JJC - chronique d'une chute annoncée



Les fins de session printanières réservent de mauvaises surprises au Parti québécois. L'an dernier, alors que le gouvernement Charest avait passé quatre mois sur la défensive, les déclarations de Jacques Parizeau sur l'opportunité de susciter une crise politique pour promouvoir la souveraineté avaient permis aux libéraux de sauver les meubles et même de remporter l'élection partielle dans Rivière-du-Loup, que le PQ aurait du remporter.
Cette fois-ci, incapable de se sortir du merdier dans lequel il s'enlise un peu plus chaque jour, le premier ministre n'a rien trouvé de mieux que d'y entraîner Pauline Marois, espérant sans doute qu'on ne fasse pas la différence.
Assez curieusement, personne ne s'était encore intéressé au financement des campagnes au leadership de Mme Marois en 2005 et 2007, dont tous les détails étaient pourtant consignés dans les rapports du Directeur général des élections.
Les données publiées par La Presse cette semaine témoignaient pour le moins d'un remarquable sens du timing. Pour la première fois depuis des semaines, M. Charest a été en mesure de répliquer efficacement à ses attaques.
Après qu'elle se fut affublée d'un foulard blanc pour réclamer encore une fois la tenue d'une enquête sur la corruption dans l'industrie de la construction et le financement des partis politiques, il a eu beau jeu de la présenter comme un sépulcre blanchi.
De toute évidence, elle a elle-même bénéficié de l'utilisation de prête-noms pour financer ses campagnes. Certes, la Loi sur le financement des partis politiques ne s'applique pas encore aux courses au leadership, mais le PQ avait néanmoins promis d'en respecter volontairement les dispositions. Même s'il n'y a rien eu d'illégal, l'esprit de la loi n'a manifestement pas été respecté.
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Dans l'état d'écoeurement actuel, plusieurs seront tentés de mettre tout le monde dans le même sac. Il ne faut cependant pas mélanger les foulards et les torchons. Le premier ministre peut toujours accuser la chef du PQ de se moquer des Québécois, mais lui-même tente de les abuser.
Même si le couple Blanchet-Marois jouit d'une grande aisance financière, il est difficile de croire que tous les membres du clan, y compris la nièce encore aux études, avaient les moyens de contribuer aussi généreusement à la campagne de Mme Marois en 2005.
L'opération était peut-être discutable, mais il faudrait être paranoïaque ou de mauvaise foi pour penser qu'ils espéraient en tirer quelque avantage dans l'éventualité où elle deviendrait première ministre. D'ailleurs, après tous les reproches qu'on a adressés à la chef péquiste pour les conditions avantageuses consenties à son conjoint quand il a quitté la SGF, on ne l'y reprendra certainement plus.
La longue liste de gens associés à des firmes de génie-conseil qui ont contribué à sa campagne de 2007 est plus embarrassante. Qu'une de ces contributrices soit l'ancienne directrice des campagnes de financement du PQ, Ginette Boivin, qui avait été montrée du doigt pour avoir encouragé le président de GroupAction, Jean Brault, à utiliser son personnel comme prête-nom, fait très mauvaise impression.
Le ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques, Robert Dutil, a sans doute raison de dire que personne n'exige ouvertement un retour d'ascenseur en signant son chèque, mais il ne faut pas prendre les gens pour des imbéciles: on ne donne pas 80 000 $ à un candidat au leadership simplement par souci d'assurer le bon fonctionnement de la démocratie. Disons qu'on investit dans l'avenir.
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Dans le cas des contributions à la caisse du PLQ depuis 2003, il s'agit plutôt d'un investissement dans le présent. Qu'il s'agisse de contrats du ministère des Transports ou de l'octroi de places en garderie, les coïncidences sont beaucoup trop nombreuses pour ne pas y voir une relation de cause à effet.
Après avoir dû sacrifier deux de ses ministres, c'est cependant la première fois que M. Charest est personnellement mis en cause. Il y a toujours eu des rumeurs sur les avantages qui lui auraient été consentis en 1998 pour le convaincre de quitter Ottawa. Les 75 000 $ que le PLQ lui versait chaque année depuis dix ans ont également créé un malaise, mais il n'avait jamais été associé ouvertement à des allégations de conflit d'intérêts et de trafic d'influence.
Il est pour le moins troublant que le personnel de la firme de génie-conseil Cima+, qui a bénéficié d'importants contrats du ministère des Transports et à laquelle est associé le directeur de campagne et ami personnel du premier ministre, ait versé plus de 170 000 $ à la caisse du PLQ en une seule année.
Il est arrivé dans le passé que les débats à l'Assemblée nationale dégénèrent en combats de ruelle. Les anciens premiers ministres laissaient cependant les injures à d'autres, évitant de se transformer eux-mêmes en voyous.
En prenant tout sur ses épaules, M. Charest a peut-être décidé de rendre un ultime service à son parti. Le jour où il partira avec ses torchons, la population ne demandera pas mieux que de passer enfin à autre chose.
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mdavid@ledevoir.com


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