Les États à la remorque du commerce sans frontières

Alors que les gouvernements tentent de négocier des accords de libre-échange, leur population évolue déjà dans un monde décloisonné

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Les accords de libre-échange, que négocient tant bien que mal les gouvernements, seront de plus en plus perçus comme des anachronismes dans un monde où les frontières ont de moins en moins de sens.
« Les débats sur les mérites comparés des accords commerciaux multilatéraux ou régionaux sont complètement dépassés », a affirmé d’entrée de jeu, mercredi, Glenn Hutchins, cofondateur et directeur général de l’importante firme américaine de placements dans les nouvelles technologies Silver Lake Partners, lors de la troisième et dernière journée de la 19e édition de la Conférence de Montréal. « Internet est, de loin, la plus grande route commerciale de l’histoire, tant par sa taille que par sa vitesse. Et la proportion des activités économiques qui l’empruntent continuera de grandir. »

À la remorque de la réalité
Les gouvernements et leurs règles ont toujours eu tendance à être à la remorque des innovations technologiques et de leur utilisation par leurs populations et leurs entreprises, a renchéri Joseph Andrew, président mondial de la firme d’avocats Dentons et ancien président du Parti démocrate américain. C’était vrai après l’arrivée du train. Ça l’est encore plus avec toutes les technologies à la source de l’accélération de la mondialisation.
« Pour les baby-boomers, cela a du sens que les pays aient des frontières et que des négociations soient nécessaires pour réduire les obstacles aux échanges. Leurs enfants, par contre, n’ont aucune conscience de ces frontières tellement les nouvelles technologies permettent de les effacer. Ces derniers ne comprendraient pas qu’on leur dise que les entreprises ou que les consommateurs sont empêchés de faire certaines choses à cause des frontières. »
Le tiers de l’humanité est déjà branché sur Internet, et cela devrait être le double avant la fin de la décennie, a souligné Glenn Hutchins. La presque totalité (97 %) des commerçants qui utilisent le site de transaction eBay vendent leurs produits à l’étranger et 81 % le font dans plus de cinq pays. Le produit de nombreuses tâches - comme celles des designers, des ingénieurs, des comptables, des banquiers, des juristes, des courtiers ou des relationnistes - peut déjà être numérisé et envoyé instantanément n’importe où dans le monde. Le traitement de données numériques est en voie de devenir une industrie à part entière. Les imprimantes 3D permettront bientôt aux entreprises et même aux consommateurs d’acheter, non plus des produits fabriqués quelque part dans le monde et transportés ensuite par bateau, mais les plans de fabrication numérisés de ces produits dont ils confieront ensuite l’exécution au fabricant local de leur choix.
« Ce processus ne peut pas être arrêté, dit l’Américain. Le choc sera de plus en plus grand avec les gouvernements et leurs cadres d’action. »

«Bi» ou «multi»?
Ce panel de la Conférence de Montréal se tenait alors que tout le monde semble avoir perdu espoir quant aux chances de succès des négociations du cycle de Doha en cours depuis 2001 à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). La voie multilatérale a accompli de grandes choses depuis la Deuxième Guerre mondiale pour favoriser l’ouverture des frontières et l’établissement de la règle de droit dans les échanges commerciaux entre les pays, a rappelé le président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Canada, Perrin Beatty. « Mais comme organisme réglementaire, qui doit désormais aller au-delà de la simple réduction des tarifs pour s’occuper des services, des investissements, des barrières non tarifaires, de l’économie numérique et de bien d’autres enjeux encore, l’OMC est manifestement cassée. »
La seule option qu’il reste au Canada, estime Perrin Beatty, est de multiplier les accords bilatéraux et régionaux avec des pays riches, comme il tente actuellement de le faire avec l’Union européenne, mais aussi avec les économies en pleine ascension, notamment en Asie.
De ce point de vue, le Canada est loin d’obtenir les résultats escomptés, a déploré Yuen Pau Woo, président et chef de la direction de la Fondation Asie Pacifique du Canada. Malgré ses nombreux projets en cours, notamment avec la Corée du Sud, l’Inde et les pays du Partenariat transpacifique, on attend encore la conclusion de sa première entente commerciale dans la région.
Sauver ce qui peut l’être à l’OMC
Le secrétaire général de l’agence des Nations unies pour le commerce et le développement (CNUCED) et ancien directeur général de l’OMC Supachai Panitchpakdi croit qu’une bonne partie du cycle de Doha peut encore être sauvée. « On me dit que 80 % du travail est fait. Pourquoi ne pas en faire une entente et remettre le reste à un prochain cycle de négociations ? », s’est demandé le Thaïlandais.
Quant aux partenariats régionaux qui s’établissent un peu partout, leurs objectifs dépassent souvent les seuls impératifs commerciaux, a-t-il noté. Les conséquences économiques désastreuses des crises monétaires, qui ont soufflé sur plusieurs pays en voie de développement durant les années 90, ont montré comment ces pays souffrent encore de lacunes économiques bien plus graves que le niveau de leurs tarifs douaniers. La construction de partenariats régionaux peut être, pour eux, un excellent moyen de s’aider mutuellement à raffermir leurs assises.
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Libre-échange Canada-UE: Harper refuse de fixer une date butoir
Stephen Harper soutient que le Canada ne laissera pas un échéancier arbitraire décider de l’issue des négociations en vue de la conclusion d’un accord de libre-échange avec l’Union européenne (UE).
En visite officielle à Londres, mercredi, le premier ministre a affirmé aux journalistes que son gouvernement signerait un accord seulement lorsque celui-ci respecterait « l’intérêt supérieur de la population canadienne ».
« Évidemment, il s’agit de longues négociations. Elles se poursuivent. Nous avons fait beaucoup de progrès. Et ce sont les plus importantes négociations commerciales de l’histoire du Canada », a déclaré Stephen Harper.
La semaine que passera Stephen Harper en Europe sera évidemment d’une grande importance dans la poursuite des négociations, a indiqué le principal intéressé, qui a cependant refusé de fixer une date butoir en vue de la conclusion d’une entente commerciale.
La pression commence à s’intensifier sur Ottawa, qui devrait selon certains conclure une entente avec l’UE avant que l’Europe ne dirige son attention du côté des États-Unis, cet été, pour de nouvelles négociations de libre-échange.
Les négociations achopperaient dans plusieurs dossiers, dont l’exportation de boeuf canadien, les règles d’origine des produits automobiles, la protection des brevets pharmaceutiques et l’ouverture des appels d’offres des services publics provinciaux pour l’acquisition de biens et services.
La Presse canadienne


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