Les drôles d'amigos

PSP - Partenariat pour la Sécurité et la Prospérité


La rencontre annuelle des dirigeants des trois pays signataires de l'ALENA, baptisé le sommet des «Tres Amigos», n'a pas été très jojo. Le président mexicain, Felipe Calderon, était fâché contre Stephen Harper parce que le Canada exige des visas des visiteurs mexicains. Et ces deux leaders reprochaient au président Obama le caractère protectionniste des clauses «Buy American» de son plan de relance.
Ce n'est pas le fait que les trois pays aient eu des désaccords lors de leur réunion de cette semaine à Guadalajara qui pose problème. Il est inévitable que des pays, même proches partenaires, aient des différends. Ce qui est troublant, c'est la nature des chicanes, et ce qu'elles révèlent. Elles montrent que l'Accord de libre-échange nord-américain est loin de tenir toutes ses promesses. Et elles suggèrent que le continent est à contre-courant de l'histoire.
La comparaison avec l'Europe est toujours gênante. L'Europe, en plus d'être un marché commun et une union monétaire, est également un projet politique. Malgré tous ses problèmes de croissance, l'Europe est devenue une force internationale, un bloc économique redoutable et un fascinant creuset social et culturel. Pendant ce temps, l'Amérique du Nord a du mal à trouver une cohérence. Ne parlons même pas de l'intégration des deux Amériques ; la ZLEA n'aura été qu'un bref rêve. Un traité de libre-échange entre le Canada et le Panama n'y changera pas grand-chose.
C'est la mobilité des personnes qui illustre mieux cette différence. Les frontières ont disparu en Europe. Pendant ce temps, elles se renforcent de ce côté-ci de l'Atlantique, d'abord avec la décision des Américains d'exiger un passeport des visiteurs de leurs deux pays voisins. J'ai critiqué cette mesure imposée aux Canadiens, notamment parce que le prétexte, la sécurité, répondait davantage à un réflexe de repli sur soi qu'à une stratégie efficace de lutte contre le terrorisme.
La décision du Canada d'exiger des visas de tous les visiteurs mexicains s'inscrit, hélas, dans la même logique. Un bazooka pour tuer un maringouin. Pour régler un problème réel, mais mineur, l'existence de circuits organisés de faux réfugiés mexicains, facilitée par la lourdeur de notre système de filtrage des réfugiés, on a choisi la manière forte. Le gouvernement Harper aurait pu réduire la pression par des campagnes d'information au Mexique, par des efforts pour démanteler les réseaux.
On a plutôt choisi une approche humiliante pour les Mexicains, qui compromet la qualité de nos relations avec ce pays, tout en ayant un impact mesurable sur notre industrie touristique. Cette insensibilité trahit également une absence de vision continentale, troublante pour un pays qui devrait diversifier ses relations.
Il est vrai que les comparaisons avec l'Europe ont leurs limites. L'ALENA n'a jamais été le point de départ de la construction d'une entité politique. C'est une entente commerciale. En outre, les différences énormes entre les trois pays signataires, à cause de la taille des États-Unis et du développement incomplet du Mexique, limitent le potentiel d'intégration.
Mais même cette fonction purement commerciale est mise à mal par les sursauts protectionnistes américains. Lors de ce sommet, le président Obama a tenté de minimiser l'impact des dispositions «Buy American». Et sa suggestion de laisser les provinces, les États et les municipalités discuter entre eux pour aplanir les obstacles ressemble à une façon de s'en laver les mains qui n'a rien de rassurant.
Au-delà de la libéralisation des échanges, l'ALENA comportait une promesse, celle d'une ouverture sur le monde, la création d'une conscience continentale qui permettrait de dépasser la logique nationale stricte, une façon d'élargir ses horizons qui incarne la mondialisation dans ce qu'elle a de noble. Et c'est cela que les querelles mesquines risquent de compromettre.


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