Le Québec glisse-t-il à gauche?

Le Québec et la crise



Le vent est en train de tourner. Après deux décennies où le Québec s'est éloigné du modèle social-démocrate classique des années 60, on assiste à un retour du balancier. Chacun à leur façon, nos trois principaux partis sont en train, faute d'un terme plus précis, de se déplacer vers la gauche.
Ce phénomène est mondial. La crise, provoquée en grande partie par les excès du laisser-faire, consacre l'échec du capitalisme pur et dur. Dans la plupart des pays, il y a un mouvement de correction, avec un rôle accru de l'État et un rejet des postulats néolibéraux, comme on peut le voir aux États-Unis avec les politiques de l'administration Obama.

Le Québec n'échappe pas au phénomène. Les idées libérales - pas néolibérales -, ont dominé longtemps, par exemple avec l'appui au libre-échange, l'élimination des déficits, la réduction du fardeau fiscal, la redéfinition du rôle de l'État. On perçoit maintenant les signes d'un retour du balancier.
Cela ne mène pas à un succès de la gauche. Québec solidaire ne réussit pas à profiter de la crise et ne progresse pas d'un poil. Le Parti québécois, la formation politique la plus sociale-démocrate, piétine dans les sondages. Mais chacun des grands partis, parfois imperceptiblement, modifie son discours.
On le voit chez les libéraux, qui se débarrassent des principaux symboles qui définissaient pourtant la doctrine de Jean Charest lorsqu'il a pris le pouvoir. Les idées de rupture et de remise en cause du modèle québécois, comme la révision des lois du travail ou la réingénierie de l'État, sont loin derrière nous. Le dernier de ces symboles, les partenariats publics-privés, est en train d'être mis au rencart. En fait, progressivement, le PLQ se recentre et revient à ses racines «bourassiennes».
À l'ADQ, la crise existentielle provoquée par l'échec électoral et le départ de Mario Dumont mène également à une réflexion sur la doctrine et le programme. Le fait que Sébastien Proulx, l'ancien leader parlementaire du parti, affirme haut et fort que l'ADQ n'est pas un parti de droite montre que bien des militants sont maintenant mal à l'aise avec les idées qui caractérisaient le parti et souhaiteraient qu'il migre vers le centre pour rejoindre l'électorat.
Mais c'est au PQ que les changements risquent d'être les plus importants. Déjà, depuis quelques mois, plusieurs indices montraient que le parti revenait à ses anciennes amours, notamment avec le gel des tarifs d'électricité ou le retour à l'interventionnisme dans le débat sur la Caisse de dépôt. Un processus qui ne peut qu'être accéléré par le départ de François Legault.
Le PQ est d'abord et avant tout une coalition où coexistent des courants idéologiques différents, unis inconfortablement par une cause commune. En perdant François Legault, le PQ ne perd pas seulement son poids lourd économique, il perd également celui qui défendait au sein du parti des idées plus conservatrices. Ses dernières interventions sur la nécessaire remise en cause des vaches sacrées, que l'on peut qualifier de lucides, ont créé un malaise dans son parti. Avec son départ, l'équilibre gauche-droite est rompu et l'on peut craindre qu'il n'y ait pas grand-monde pour faire contrepoids aux réflexes naturels de la base militante.
Ce qui se passe au PQ risque d'avoir un effet domino sur l'ensemble du monde politique. En temps normal, une radicalisation du PQ pourrait profiter aux libéraux qui n'auraient qu'à occuper plus clairement le centre-droit. Mais dans une période d'incertitude comme celle que nous vivons, il est plus probable que les libéraux suivent le courant. Le risque, c'est qu'on jette le bébé avec l'eau du bain.


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