Les don Quichotte de la nation

Les don Quichotte de la critique, sur commande...


Benoît Aubin - Les nationalistes peuvent bien se réunir sur les plaines d'Abraham pour écouter Luck Mervil lire le manifeste du FLQ si ça leur chante. Mais est-ce la bonne stratégie pour mobiliser la nation à la cause ?
S'ils tiennent à célébrer la colonie française d'avant la Conquête de 1759, ils pourraient aussi entonner le Te Deum ou, pour condamner la Conquête, entonner Le Canadien errant. Elles font tout autant partie de notre héritage culturel et historique que le manifeste terroriste de 1970.
Ils pourraient aussi choisir de se dévêtir, se tenir par la main et chanter Gens du pays en frissonnant dans le vent -il se trouverait sûrement une Brigitte Hantjens pour
expliquer aux bourgeois vexés que c'est une manifestation purement artistique.
Et, vous savez quoi ? Je serais le premier à défendre leur droit de le faire. Je n'ai, par principe, aucune réserve sur le droit de parole -qui inclut évidemment le droit pour quiconque de dire des choses avec lesquelles je ne suis pas d'accord.
LA LIBERTÉ ET LA TOLÉRANCE
Mais, j'ai des problèmes avec l'hypocrisie.
Qui ont été les premiers à crier à la censure quand le gouvernement du Québec a refusé de s'associer officiellement à une manifestation «apolitique» où on lirait le manifeste du FLQ parmi d'autres textes repêchés pêle-mêle dans nos archives littéraires ?
À peu près les mêmes gens qui ont saboté la reconstitution prévue de la bataille des Plaines, qui ont crié à l'injure quand Michaële Jean est allée en France inaugurer les célébrations du 400e de Québec, et à l'outrage quand sir Paul McCartney fut invité à donner un concert sur les Plaines.
Réclamer la liberté d'expression pour soi-même est une chose ; s'offusquer quand d'autres s'en prévalent en est une autre.
Mais, pourquoi choisir ce manifeste parmi tous les textes émouvants, importants, inspirants, ou oubliés écrits ici, depuis 400 ans ?
ILS S'ENNUIENT DE LEURS ENNEMIS
Je vous soumets cette hypothèse: les militants nationalistes (les «vrais» pas les tièdes) s'ennuient de leurs anciens ennemis. Ils s'ennuient des Anglais arrogants et unilingues de Westmount, ils s'ennuient de Pierre Trudeau, ils s'ennuient de lord Durham ou des Orangistes de Moncton ou de Brockville. Ils s'ennuient du Québec aliéné des «Nègres blancs d'Amérique» comme décrit, avec la ferveur narcissique des adolescents, par les terroristes du FLQ.
C'est dans ce climat d'oppression que les nationalistes sont devenus une force politique, il y a 50 ans. Alors, pour eux, relire le manifeste du FLQ, c'est un peu comme faire un pèlerinage sur leur lieu d'origine. La seule chose qui puisse être meilleure pour leur cause, ce serait qu'on leur interdise de le faire: Enfin ! Des ennemis !
Les temps, les esprits, la réalité ont changé -en bonne partie grâce à la mobilisation et à l'action des nationalistes. Mais, ils sont à peu près les seuls à refuser de l'admettre aujourd'hui, et préfèrent retourner sur des champs de bataille désertés, à la recherche de quelques ennemis qui mobiliseraient leurs troupes.
Pas étonnant qu'ils s'y sentent de plus en plus seuls.


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