Les dédaigneux

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« Ma longue expérience m’a enseigné que l’autocensure est plus forte que tout. »


L’actuelle commission parlementaire sur la situation des médias au Québec dévoile ce qu’une partie de la presse et des élites autoproclamées pensent de l’empire Québecor, son président Pierre Karl Péladeau, ses journalistes et, ultimement, ses si nombreux et fidèles lecteurs.


Pour l’anecdote, lorsque j’ai quitté Radio-Canada et ma chronique dans Le Devoir, non par choix, et que j’ai joint l’information à TVA et Le Journal de Montréal, j’ai provoqué bon nombre de réactions dédaigneuses et moqueuses. Comme si désormais les qualités que l’on me reconnaissait n’existaient plus. Bref, on déconsidérait ma compétence, mon expérience et mes diplômes. Aux yeux de gens se croyant supérieurs parce qu’ils lisaient Le Devoir ou La Presse et se branchaient à Radio-Canada, Télé-Québec et TV5 Monde, je prenais une débarque sociale, académique et intellectuelle.


Ce sentiment, plus généralisé qu’on ne le croit, explique aussi que plusieurs semblent départager la « presse de qualité » de celle des « basses classes » et des « pas de classe ». Cette semaine, un confrère de cette mouvance a décrit le patron de Québecor avant tout comme le roi de la presse à potins, qu’il méprise à l’évidence.








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Prétention


Lorsque ce type de journalistes se penche sur les vedettes populaires du jour, ils font ce qu’ils croient être de la sociologie ou de l’anthropologie. Lorsqu’ils décrivent les petites gens, ils se posent en donneurs de leçons.


Les succès de Québecor dérangent, créent des envies d’autant plus que le nouvel empereur Pierre Karl Péladeau est un personnage controversé, brillantissime et allergique à la rectitude politique ambiante. Avouons qu’en faisant le saut en politique, il a compliqué le travail de nombre de ses journalistes. Comme lorsqu’il en félicite certains sur les réseaux sociaux. C’est un chef d’entreprise inclassable, atypique, craint, mais paradoxalement respectueux d’opinions dissidentes des siennes exprimées par ses chroniqueurs, en particulier.


Qu’une députée politiquement si échevelée que Catherine Dorion croit avoir discrédité PKP en l’accusant de pratiquer la censure à l’encontre de ses journalistes, alors qu’elle lance des fatwas contre ceux qui ne sont pas de sa famille idéologique est grotesque.


Sans-gêne


Ma longue expérience m’a enseigné que l’autocensure est plus forte que tout. Des courtisans de patrons, des béni-oui-oui, des pleutres se trouvent dans toutes les entreprises de presse. Comme des courageux et des esprits libres.


Depuis des décennies, une sorte de lutte des classes existe entre les médias et avant tout en défaveur des journalistes de Québecor, rarement invités sur d’autres antennes.


Et voilà que l’avenir plus qu’incertain de la presse en général met au jour ces affrontements que le public ignore. Des groupes de presse se décrivant comme porteurs de « qualité », les mêmes qui dédaignent Le Journal de Montréal et TVA, et son public « populaire », souhaitent par ailleurs que les taxes de ce même public servent à assurer leur survie. Quelle indécence ! La famille Desmarais, elle, a tiré ses marrons du feu à moindre coût. L’humilité devrait devenir la vertu cardinale de la presse qui tend la main à ce public comportant 55 % de Québécois qui lisent Le Journal de Montréal.




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