Les bélugas en voie de disparition

Un rapport fédéral force TransCanada à réviser ses plans

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Manoeuvre de TransCanada pour mieux nous endormir

La décision d’un comité d’experts fédéral de classifier le béluga comme étant une espèce «en voie de disparition» a incité lundi TransCanada à revoir ses plans liés au projet de port pétrolier de Cacouna. La compagnie dit réviser l’ensemble des options disponibles.

La dernière rencontre du Comité sur la situation des espèces en péril du Canada (COSEPAC) a permis de confirmer que le béluga de l’estuaire du Saint-Laurent « fait l’objet d’une nouvelle série de menaces croissantes ». On cite la prolifération d’algues toxiques, la pollution, la perturbation causée par le bruit et le développement industriel.

« Il y a des signes préoccupants de déclins récents et de cas de mortalité inexpliquée chez de jeunes bélugas, écrit le comité dans son rapport rendu public lundi. Cette petite population fait face maintenant à un risque de disparition considérablement plus élevé » qu’en 2004. À l’époque, le béluga avait été classifié comme étant une espèce « menacée » : la voici maintenant en « voie de disparition », ce qui veut dire qu’elle est exposée « à une disparition du pays imminente ».

En vertu de la Loi sur les espèces en péril, le COSEPAC — composé de spécialistes des espèces sauvages — est « chargé de fournir au ministre de l’Environnement les évaluations de la situation des espèces en péril au Canada, en se fondant sur les meilleures données scientifiques, connaissances des collectivités et connaissances traditionnelles autochtones ».

En réaction, TransCanada a publié un communiqué où la compagnie affirme avoir « décidé d’arrêter [ses] travaux à Cacouna pour prendre le temps d’analyser la recommandation du COSEPAC, d’évaluer ses impacts potentiels sur le projet Énergie Est, et pour réviser toutes les options viables pour l’avenir ». Énergie Est prévoit la construction d’un port en eau profonde situé en pleine zone de reproduction des bélugas.

Dans les faits, TransCanada n’interrompt aucuns travaux. Le certificat d’autorisation délivré par Québec pour des forages exploratoires au large de Cacouna arrivait à échéance le 30 novembre… et avait été suspendu à la mi-octobre parce que les travaux ne respectaient pas les normes de bruit stipulées par le certificat. De plus, la Cour supérieure avait ordonné l’arrêt temporaire des travaux en septembre.

À TransCanada, on indique toutefois que le communiqué fait référence à « tous travaux futurs ». « On a décidé que c’est absolument le bon moment de mettre ce volet sur la glace pour tenir compte de tous les faits devant nous, a indiqué le porte-parole Tim Duboyce à La Presse canadienne. On a une volonté de faire les choses comme il faut. »

« On a l’hiver devant nous qui empêcherait de toute façon de faire quoi que ce soit en matière de travaux », a-t-il reconnu. « On a le temps. On a des semaines et des mois pour parler avec nos partenaires », a-t-il ajouté.

Selon le président du Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM), Robert Michaud, le « changement de statut du béluga répond aux recommandations des scientifiques. On espère que ça va mettre assez de pression sur le gouvernement canadien et sur TransCanada pour qu’ils laissent tomber ce projet. Ce n’est pas une bonne nouvelle en soi, parce que ça s’appuie sur le constat que la population est en déclin. Par contre, en obtenant ce statut, on obtient un peu d’espoir qu’on entende raison. »

M. Michaud explique que le béluga ne sera pas mieux protégé du fait qu’il est en voie de disparition. « Il est déjà au niveau maximal de protection », dit-il. L’incidence est surtout symbolique, une question de « poids moral », estime M. Michaud. Il rappelle dans la foulée qu’Ottawa n’a toujours pas désigné — et protégé — la zone d’« habitat essentiel » du béluga, qui se trouve précisément à Cacouna. « C’est pourtant obligatoire à partir du moment où l’espèce est menacée. Si c’était fait, il serait beaucoup plus difficile d’approuver ce projet », pense-t-il.

Oliver inquiet

La nouvelle est tombée quelques heures après que le ministre fédéral des Finances, Joe Oliver, eut affirmé à Québec que le blocage du projet de pipeline de TransCanada pourrait avoir de graves conséquences pour l’économie du pays.

Le ministre a dit comprendre « les préoccupations » du Québec, mais il estime que l’Office national de l’énergie est en mesure de mener les analyses requises pour déterminer si le projet de 12 milliards est « sécuritaire pour l’environnement ».

« La détermination est faite par des analyses scientifiques indépendantes, c’est notre système. Si la conclusion de l’autorité réglementaire est positive, nous sommes en faveur, autrement, on ne procède pas avec un tel projet. »

Après le premier ministre du Nouveau-Brunswick, Brian Gallant, il y a une semaine, ce sera mardi au tour du chef du gouvernement de l’Alberta, Jim Prentice, de venir rencontrer son vis-à-vis québécois, Philippe Couillard, pour le convaincre des vertus du projet de TransCanada. Le gouvernement de M. Couillard a récemment émis sept conditions pour donner son accord au projet.


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