Legault, vieux politicien?

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« S’il est élu en octobre, en cette ère de jeunisme en politique, le chef de la CAQ pourrait bien devenir le dernier baby-boomer à diriger un parti politique québécois. »

Les libéraux ont frappé un bon coup en cette période estivale. En incitant leurs jeunes candidats à partager sur Twitter une photo d’eux datant de 1998, année où François Legault est entré en politique, ils ont trouvé une façon amusante d’illustrer que le chef de la CAQ n’incarne pas exactement la nouveauté.


Les millénariaux auront du plaisir à se reconnaître dans ces clichés où les fonds de scène aux couleurs psychédéliques cohabitent avec coupes champignons, dentitions incertaines et vêtements dont on pardonnerait difficilement l’achat à nos parents.


Cette forme d’autodérision est une manière bon enfant de souligner la longévité politique de François Legault sans sombrer dans l’âgisme.


Vice-doyen


À la fin de la dernière session parlementaire, Jean-François Lisée s’est fait un malin plaisir de rappeler que François Legault deviendrait, après les prochaines élections, le vice-doyen de l’Assemblée nationale. Le député de l’Assomption y cumulera bientôt 17 ans d’expérience, lui qui a pris une pause de près de trois ans pour fonder la CAQ.


1998, ça commence à dater. Quand François Legault est arrivé en politique, Bill Clinton était président des États-Unis, on mettait fin à la production de La Petite Vie, le défenseur du Canadien Victor Mete naissait.


Venu du monde des affaires et appartenant alors à la relève, François Legault avait 41 ans quand il s’est joint au gouvernement de Lucien Bouchard. Vingt ans plus tard, l’actuel chef de la CAQ aura été plus longtemps en politique que dans le secteur privé au cours de sa vie.


En entrant dans la vie partisane, Legault fait d’abord figure d’iconoclaste. Défenseur de l’équité intergénérationnelle, il marque les esprits pendant son discours au Sommet du Québec et de la jeunesse. Selon lui, les jeunes doivent s’organiser, sans quoi « [ils vont] se faire fourrer ». Plus tard, il menacera de démissionner si les engagements pris lors de cette rencontre ne sont pas respectés.


On le retrouve ensuite à l’opposition, plus pressé parmi les pressés de tenir un référendum sur la souveraineté. Ses ambitions jamais dissimulées de devenir chef se heurtent sur des contextes compliqués lors des courses au leadership.


On continue de louer son indépendance d’esprit, lorsque, toujours député du PQ, il affirme maintenant que les Québécois n’ont plus d’appétit pour les grands projets. Quand il finit par partir, on sent un certain dépit chez lui.


Comme les autres


En 2018, François Legault se prépare à devenir premier ministre. Ce politicien opiniâtre, qui a su se relever de revers parfois injustes, pourrait enfin récolter l’adhésion d’un électorat qui, sans ressentir un enthousiasme délirant, l’a toujours perçu plus favorablement que ce que ses détracteurs aiment croire.


Mais que reste-t-il de François Legault le franc-tireur ? Pas grand-chose. Il n’est plus souverainiste. Lui qui a longtemps proposé de dégeler les tarifs du bloc patrimonial d’électricité y a renoncé. Il porte un programme tranquille, qui promet de redonner aux familles, de mieux prendre soin des personnes aînées dans les CHSLD et de lutter contre la congestion routière.


Bref, après avoir pris le contrôle de l’ADQ, qui souhaitait rompre avec la gouverne des « vieux partis », François Legault, politicien traditionnel, a réussi à faire de la CAQ un parti comme les autres. Ce qui la rend éligible.


Après 20 ans de politique, son chef a compris que même quand les Québécois veulent du changement, ça ne veut pas dire qu’ils ont envie que ça brasse.


Avec l’opération des derniers jours, les libéraux préparent peut-être la suite en rappelant que si les électeurs souhaitent essentiellement changer de face, ce n’est pas nécessairement du côté de François Legault qu’il faudra regarder. S’il est élu en octobre, en cette ère de jeunisme en politique, le chef de la CAQ pourrait bien devenir le dernier baby-boomer à diriger un parti politique québécois.


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Claude Villeneuve137 articles

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L’auteur est blogueur au Journal de Montréal et au Journal de Québec. Il a été président du Comité national des jeunes du Parti Québécois de 2005 à 2006 et rédacteur des discours de la première ministre Pauline Marois de 2008 à 2014.