Le voile de la xénophobie

Le visage haineux des « Anglais »


Une femme portant le niqab, ce voile noir qui masque le visage à l'exception des yeux, se voit exclue d'un cours de français et, par le fait même, déclenche une polémique intéressante qui ouvre la porte à des dérives regrettables du genre: «Qu'on les retourne d'où ils viennent!», comme le disait un commentateur au sujet d'un article du Devoir paru cette semaine.
La Semaine d'action contre le racisme (du 21 au 28 mars) offre l'occasion de réfléchir sur les dangers de la xénophobie. Aborder le sujet ne signifie pas se plier à toutes les exigences des groupes minoritaires, mais bien de voir l'importance des conditions d'un vivre-ensemble harmonieux et respectueux des droits de tous, qu'ils soient nés dans notre pays ou ailleurs.
Une perception assez répandue juge que les musulmans possèdent un plan diabolique d'islamisation de l'Occident. Ce danger serait devenu plus réel aux yeux de plusieurs depuis le 11 septembre 2001, même si la filière terroriste reste très minoritaire dans le monde musulman.
Nous ne sommes plus au temps du «crois ou meurs», sauf dans certains pays musulmans où cette intolérance a encore sa place.
Négation d'une identité
Porter le niqab nous mène ailleurs. À la différence du simple foulard qui permet à la femme de vivre et de travailler à visage découvert, le niqab symbolise la négation de son identité. Il joue un rôle similaire au voile des religieuses catholiques cloîtrées qui se retiraient de la vie publique et se cachaient derrière un voile et des grilles pour s'isoler du monde et se consacrer à Dieu. Cela dit, porter le niqab ou la burqa en public envoie aussi un autre message: le refus de communiquer ouvertement avec le monde moderne. Ce message choque particulièrement nombre de personnes et représente un défi significatif aux institutions et à chaque personne parce que la communication devient difficile dans une telle situation.
Peu importe les motifs (religieux, culturels ou politiques) évoqués pour porter le niqab en public, il véhicule un message radical qui sert de levier à l'éclosion, voire au renforcement de la xénophobie et de l'islamophobie.
L'islamophobie a maintenant la cote un peu partout. En Europe, les mouvements politiques de droite radicale font leur plein de membres (Ligue du Nord en Italie, Front national en France, etc.). Le phénomène n'est pas nouveau; dans les périodes de crise, l'extrême droite gagne du terrain et ouvre la porte aux extrémistes de tous poils (musulmans et chrétiens) qui y voient l'occasion de combler des vides idéologiques (sens, valeurs, projets de société, etc.).
Représentation négative
Dans de telles conditions, les personnes à l'apparence et au comportement qui tranchent par rapport à la majorité deviennent facilement des boucs émissaires pour expliquer tous les problèmes de la société. Le conformisme social et idéologique et les explications simplistes rassurent. Dans les années 30 et 40, on accusait les Juifs de vouloir prendre le contrôle du monde; on connaît la suite dramatique avec les plans d'extermination élaborés par les nazis.
La représentation négative des citoyens et citoyennes de croyance ou de culture musulmane nuit à leur intégration au marché du travail et à la reconnaissance de leur identité et de leurs droits. Les clichés à leur égard risquent aussi d'entraîner l'exclusion sociale et la discrimination. La condamnation en bloc de la présence musulmane devient alors problématique et voile les nuances nécessaires pour comprendre la situation.
En aucun cas, les propos racistes, les généralisations outrancières, les attitudes méprisantes et le discours d'exclusion ne doivent être tolérés. Il est donc impérieux que l'État balise rapidement le port de signes religieux qui empêchent l'identification des personnes dans les institutions publiques afin de prévenir des dérives regrettables tant dans le discours que dans les comportements.
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André Jacob - Coordonnateur de l'Observatoire international sur le racisme et les discriminations de la Chaire de recherche en immigration, ethnicité et citoyenneté de l'UQAM
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Commentaires - Yves Claudé

samedi 13 mars 2010 08h40
Le « niqab » : des pratiques provocatrices !
Monsieur André Jacob, qui étudie « le racisme et les discriminations… », se désole de constater que l’affaire médiatisée du « niqab » dans notre système scolaire fasse des vagues …
Des pratiques provocatrices sont à même de générer des réactions. Certaines sont sans doute regrettables, mais elles ne sont aucunement de la même nature que celles de milieux dont les valeurs sont symbolisées par le « niqab ».
Une femme portant un costume moderne dans une zone sociale traditionnelle et patriarcale s’expose à pire que des attitudes de rejet : elle s’expose à la mort. Le massacre contemporain de milliers de femmes par des groupes traditionalistes nous rappelle tragiquement que le temps où un certain Jésus de Nazareth a osé dire « Que celui qui n’a jamais péché jette la première pierre ! », ce temps avec ses funestes valeurs et normes, n’est pas révolu.
Les postmodernistes « multiculturalistes » et autres soi-disant « pluralistes » ne me semblent pas conscients des égarements de leur « relativisme culturel » mal compris et de leur irresponsabilité morale et sociale. Leur complicité tacite ou active dans la construction d’espaces archaïques au sein de notre société moderne, ainsi que dans les entreprises de corruption archaïsante de nos institutions, doit être activement dénoncée et combattue par tous les citoyens qui revendiquent encore ce statut, dans un monde menacé de désarticulation culturelle et sociétale.
Yves Claudé - sociologue

Montréal, le 13 mars 2010

ycsocio[@]yahoo.ca


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