Ultimatum aux pétrolières

Le tire-pois de Claude Béchard

Béchard ou l'art de ridiculiser l'État du QuébecDe l'arrogance des pétrolières à la rhétorique naïve du ministre


QUÉBEC | À défaut de faire peur aux pétrolières, le ministre Claude Béchard aura au moins le mérite de faire concurrence aux sacs à blagues qui tiendront le haut de l'affiche au festival Juste pour rire. Le Don Quichotte de Kamouraska est bien le seul au Québec à croire sérieusement qu'il peut venir à bout de ces monstres transnationaux.
La prochaine fois que vous ferez le plein d'essence, remémorez-vous quelques déclarations à l'emporte-pièce de notre ineffable ministre des Ressources naturelles. À défaut de ne pas payer trop cher, cela aura au moins le mérite de provoquer chez vous quelques convulsions de rires... jaunes. Mais attention tout de même pour ne pas renverser du précieux liquide!
La dernière en lice de Claude Béchard vaut son pesant d'or... noir.
Mardi, il a servi un ultimatum de 24 heures aux pétrolières pour «expliquer les raisons» de la hausse spectaculaire de 12 cents du prix du litre d'essence dans la région de Montréal qui survient, évidemment, à quelques jours du début des vacances de la construction. On connaît le truc.
«On donne une chance aux pétrolières de collaborer, a déclaré le ministre Béchard de son ton le plus menaçant. On leur demande de nous envoyer par écrit la justification de cette variation (la hausse), sans quoi (on) va les forcer à le faire» par une loi.
Angélisme
Les 24 heures se sont écoulées doucement sans que rien ne bouge. Jeudi, le soleil s'est levé comme d'habitude. Claude Béchard n'a même pas obtenu l'ombre du bout de la queue d'une explication. La pire des répliques de la part des pétrolières: aucune réponse, le néant total.
Ce n'est pas la première fois que notre David libéral fait tourner sa fronde pour montrer que Goliath ne lui fait pas peur. Depuis la gifle reçue le 26 mars par son parti, il s'est mis martel en tête de défendre les causes qui préoccupent les Québécois. Et le coût de l'essence en fait partie.
Populiste, on l'a entendu reprendre à son compte l'argumentation excédée des consommateurs: «Il n'y a pas de conflit géopolitique, ni à Drummondville, ni à Longueuil, alors que les pétrolières nous disent ce qui se passe à Montréal», a-t-il lâché.
Il y a aussi cet angélisme affiché ce printemps lorsqu'il a imposé une redevance d'un cent le litre d'essence pour alimenter son Fonds vert à compter du premier octobre. «On demande à l'industrie de ne pas refiler cette redevance aux consommateurs», avait-il souhaité. Là aussi, on s'est bien bidonné!
Vaudeville
La vérité, c'est que l'industrie pétrolière canadienne n'en a rien à foutre du ministre des Ressources naturelles du Québec. Vous pouvez même parier que la plupart des dirigeants ignorent même son nom.
Si jamais le ministre des Ressources naturelles passe de la parole à l'acte cet automne et oblige les pétrolières à justifier leurs augmentations du litre d'essence, on aura droit l'an prochain à une pièce de vaudeville permanente.
On suggère à Gilbert Rozon d'inviter le ministère des Ressources naturelles à avoir un kiosque sur le site de son festival pour y afficher toutes les menteries que nous contera l'industrie pétrolière. On va rire!
121 milliards de profits en 2006
En mai dernier, le professeur en sciences comptables de l'UQAM Léo-Paul Lauzon et son collègue Marc Hasbani avaient sorti une étude qui montrait bien l'importance de ce à quoi Claude Béchard s'attaque.
Lauzon réclame depuis longtemps la nationalisation de l'industrie du pétrole au Canada, comme c'est la tendance ailleurs, soutient- il
Les profits totaux après impôts des cinq plus importantes pétrolières actives au Canada sont passés de 25 milliards en 1999 à 121 milliards en 2006, plus de deux fois le budget du Québec!
Il s'agit d'un rendement moyen de 28 pour cent - 35 pour cent dans le cas de Exxon (Esso), un taux que même les prêteurs à gage n'osent demander, ironisait l'enseignant.
Toujours selon cette étude, les pétrolières remettent 63 pour cent de leurs profits à leurs actionnaires plutôt que de les réinvestir.
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En complément
Selon Claude Béchard

Les pétrolières ont détroussé les Québécois de 400 millions $
Le Journal de Québec

18/05/2007
Les Québécois ont payé au total 400 millions $ de plus pour leur essence au cours de la dernière année que le prix plancher établi par la Régie de l'énergie du Québec.
Le ministre des Ressources naturelles, Claude Béchard, montre de plus en plus d'intérêt pour l'imposition aux pétrolières d'un prix plafond. «On est tannés de l'arrogance des pétrolières», certifie-t-il.
Le ministre Béchard constate que la politique adoptée par l'ex-ministre Guy Chevrette, sous le gouvernement Bouchard, de confier à la Régie de l'Énergie la fixation d'un prix plancher pour l'essence afin de protéger les détaillants indépendants contre la concurrence trop vive des pétrolières s'est avérée un échec total. Les pétrolières lançaient alors des guerres de prix que ne pouvaient soutenir les détaillantrs indépendants, dans le but de réduire le nombre de points de vente détenus par ces derniers.
«L'essence n'a jamais été vendue au prix plancher, selon les informations qui ont été compilées son intention. Les gens ont payé 400 millions $ de plus au cours de la seule dernière année. Le prix plancher vient enlever toute concurrence, concluait-il au cours d'une entrevue au Journal, et nous ne profitons pas des avantages d'un plafond.» De plus, dit-il, «Guy Chevrette voulait protéger les indépendants. Or 125 de ces petits points de vente ont fermé entre 2001 et 2005», précise-t-il. M. Béchard se scandalise: la marge prise par les raffineurs est d'autre part passée en peu de temps récemment de 0,08 cents le litre à 0,21 cents.
Le mandat confié à la Régie de l'Énergie en matière de contrôle du prix de l'essence s'avérerait donc un échec sur toute la ligne et le ministre des Ressources naturelles se dit ouvert à l'examen de toutes les nouvelles avenues.
Prix plafond
M. Béchard manifeste beaucoup d'intérêt pour l'instauration d'un prix plafond auquel seraient soumises les pétrolières. Le prix plafond permet d'éviter les trop fortes variations du prix à la pompe, explique-t-il. Une telle politique est en application en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Bruswick. Les prix y sont établis à toutes les deux semaines. «Le consommateur n'est pas assuré de la sorte de toujours profiter du meilleur prix possible. Il risque de perdre pendant quelques jours l'effet d'une baisse due aux fluctuations du marché», a retenu le ministre. Il faut donc étudier les meilleurs mécanismes qui pourraient être mis en place pour contrer ce phénomène.
Au Québec, la Régie de l'Énergie assurait une vigile hebdomadaire du prix de l'essence dans toutes les régions. «J'ai demandé que des relevés soient maintenant faits tous les jours dans toutes régions.»


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